La Banque nationale suisse (BNS) met 50 milliards de francs à disposition de Credit Suisse. D’où la BNS tient-elle ces 50 milliards?
C’est son argent. Elle dispose de ces 50 milliards. Elle les prête à Credit Suisse pour rendre confiance aux marchés, plus que pour lui donner des liquidités. Ce prêt de la BNS est rassurant, dans le sens où une banque centrale est autorisée à aider une banque qui a besoin de liquidités, autrement dit d’argent, mais elle ne peut pas prêter à une banque insolvable, c’est-à-dire incapable de payer ses dettes.
L’argent prêté par la BNS, c’est de l’argent qu’elle a en dépôt ou c’est de l’argent qu’elle crée pour l’occasion en imprimant des billets?
Cela m’étonnerait que la BNS ait besoin de créer 50 milliards. Elle a accumulé plus de 800 milliards de francs de réserves depuis 2008. Pour elle, cela ne représente donc pas une opération colossale.
De quoi sont faits les avoirs de la BNS?
Ce sont des dépôts auprès d’autres banques, ce sont des actions et des obligations. C’est de l’or. Le bilan de la BNS est public.
Les 50 milliards mis à disposition de Credit Suisse par la BNS sont-ils un prêt à intérêts?
Cela me semble évident. Nous ne connaissons pas les garanties financières fournies par Credit Suisse à la BNS. Je pense que la BNS communiquera sur les conditions de ce prêt, mais pas tout de suite.
La BNS prête-t-elle à Credit Suisse à un taux avantageux?
Nous ne le savons pas en l’espèce. Le montant des intérêts dépend justement des garanties financières fournies par Credit Suisse.
Quels sont en général les taux pratiqués lorsqu’une banque prête à une autre?
Cela dépend du risque d’insolvabilité de la banque. Selon la presse, ces derniers jours, les primes de risque sur Credit Suisse ont explosé. En langage bancaire, la prime de risque est le rendement qu’obtient en plus un investisseur en raison du risque pris. A partir de là, je ne saurais dire le montant du taux que la BNS a pratiqué.
Dans le cas présent, on peut penser que le taux d’intérêt demandé par la BNS à Credit Suisse n’est pas un cadeau. C’est une opération commerciale, comme en 2008, lorsque, dans une conjoncture plus grave, la BNS avait sauvé UBS en lui imposant des conditions financières rigoureuses qui ont été satisfaites. L’opération, à la fin, s’est révélée rentable.
Plus le risque d’insolvabilité est élevé, plus le taux d’emprunt est élevé?
On part de l’idée qu’il y a plus un risque de défaut que d’insolvabilité. C’est-à-dire que l’argent ne soit pas remboursé. De ce qu’on sait, Credit Suisse a donné des garanties à la BNS.
Un taux d'intérêt, ça va de combien à combien?
Au minimum, c’est 1%. C’est ce que paie la Confédération suisse lorsqu’elle émet des obligations à trois mois. C’est un taux qu’on pourrait qualifier de sans risque. Le taux pratiqué dans le cas Credit Suisse sera certainement supérieur et dépend de la durée du crédit et des garanties fournies par la banque.
Est-ce que la BNS peut s’arroger un droit de contrôle sur l’argent prêté, en l’occurrence à Credit Suisse?
Théoriquement, oui. Dans le cas présent, la BNS a dû se livrer à un examen de la situation financière et commerciale de Credit Suisse. Il n’est pas possible de s’exprimer sans connaître un contrat qui dans les circonstances du cas d’espèce a vocation à rester confidentiel.
Le prêt de 50 milliards a-t-il une durée dans le temps?
Sûrement, mais nous ne le savons pas. Cela dit, j’ai tendance à penser que ce n’est pas un prêt à long terme. A nouveau, ce qui me paraît décisif ici, c’est le message rassurant envoyé aux marchés. Je ne suis pas sûr que Credit Suisse ait besoin de ces 50 milliards.
A l’ouverture des marchés, suite à l’annonce du prêt de la BNS, le titre de Credit Suisse s’est envolé de 30,82% à 2,22 francs, après avoir touché un point bas historique à 1,55 francs mercredi lors d'une séance durant laquelle le titre avait perdu jusqu'à 30%. Visiblement, l’opération a fonctionné…
Il ne faut pas se fier à ce qu’il s’est passé hier ni à ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Il faudra attendre quelques semaines pour avoir les idées plus claires.
Est-ce qu’on a déjà vu dans le passé un rebond encourageant suivi d’une rechute?
Oui, bien sûr. Ce qui est décisif, ce n’est pas le cours de l’action. Il est important, parce qu’il rend compte de la confiance ou de la défiance des actionnaires.
C’est cela qui a précipité le cours de l’action et provoqué l’intervention de la BNS.
Le problème réel étant qu’à la suite d’une chute du cours de bourse, les investisseurs retirent leurs avoirs d’une banque.
Le danger pour Credit Suisse, c’est que les gros investisseurs qui y ont placé leur argent, le retirent, voyant l’action chuter, c’est bien cela?
S’ils le retirent massivement et pendant longtemps, cela pourrait être un danger pour la banque.