Griller un stop, fumer du cannabis, arracher une plante protégée... En Suisse, on décompte plus de 400 infractions passibles d'une amende. Depuis le début de l'année, cette liste a été agrémentée d'un nouveau cas: le fait de se dissimuler le visage.
Il s'agit en fait de l'application de «l'initiative anti-burqa», acceptée par le peuple en 2021. Une amende de 100 francs sanctionne à présent tout personne qui se voilant ou se masquant le visage dans l'espace public.
En principe, car jusqu'à présent, pratiquement aucune femme intégralement voilée n'a été amendée. Dans le canton de Berne, une seule amende a été prononcée depuis janvier. Dans la ville de Zurich, il y a eu quatre sanctions, comme nous l'a indiqué la police municipale. La police cantonale ne peut pas dire combien il y en a dans l'ensemble du canton. Genève a délivré trois amendes au cours des premiers mois de l'année, toutes à l'aéroport.
Les personnes verbalisées ne sont pas forcément des femmes qui se couvrent le visage pour des raisons religieuses. Les hooligans ou les manifestants cagoulés risquent également une amende. Mais contrairement au niqab ou à la burqa, ce type de dissimulation du visage n'était déjà pas autorisé dans de nombreux cantons.
A Saint-Gall et au Tessin, le voilement intégral est déjà interdit depuis quelques années. Depuis 2019, date à laquelle l'interdiction est entrée en vigueur à Saint-Gall, la police n'avait pas infligé une seule amende.
Cela s'explique par le fait qu'il n'y a que très peu de musulmanes entièrement voilées en Suisse. Il n'y a pas non plus beaucoup de touristes musulmans dans cette région de la Suisse.
Mais surtout, les touristes musulmanes utilisent une astuce pour contourner l'interdiction. Au lieu de porter un voile, elles portent un foulard sur la tête, et un masque médical sur le visage. Car se dissimuler le visage pour des raisons de santé reste autorisé.
L'astuce du masque s'est rapidement répandue, explique à la radio SRF le directeur d'une agence de voyage d'Interlaken, qui s'adresse spécialement aux clients arabes.
Cette tactique était déjà utilisée bien avant l'interdiction de dissimuler son visage, et même l'époque du Covid. Au Tessin, où le voile facial est interdit depuis neuf ans, des conseillers cantonaux de droite avaient déposé en 2019 une intervention réclamant au gouvernement d'examiner cette lacune. Mais rien n'a été fait par la suite.
Interrogée par la radio SRF, la police cantonale bernoise indique elle aussi être impuissante face à cette faille. «Nous ne savons pas si les femmes sont vraiment malades ou non», explique une porte-parole. Dans d'autres grands cantons, on dit ne pas avoir connaissance de touristes qui contournent l'interdiction de cette manière, ou on ne peut pas donner d'informations à ce sujet.
Le port d'un masque pour des raisons de santé n'est d'ailleurs pas la seule exception à l'interdiction de se couvrir le visage. S'ils cachent leur visage derrière un masque, les carnavaliers n'ont pas à craindre d'amende. Et en hiver, il reste permis de remonter un peu son écharpe sur le visage.
Traduit de l'allemand par Joel Espi