Le 14 juin, c'est la journée mondiale du don du sang. Une journée pour pousser tout un chacun à donner son sang pour la première ou la dixième fois et pour rappeler qu'à l'approche des vacances d'été, les stocks s'amenuisent.
Le problème, c'est que même si on sait que les hôpitaux ont besoin de sang, la peur freine beaucoup d'entre nous. Des dons qui peuvent être utilisés lors de complications à l'accouchement, après un accident de la route, d'une opération cardiaque. Les situations sont nombreuses.
A écouter certains de mes collègues, ce matin en briefing, force est de constater qu'il y a beaucoup de méconnaissance autour du sujet. Idem quand j'en parle avec des amis, juste avant ou juste après avoir donné mon sang, ce sont toujours les mêmes inquiétudes qui reviennent (même si j'ai réussi - j'en suis pas peu fière! - à convaincre certains d'entre eux de donner leur sang). Des exemples?
Et si on décortiquait ensemble les peurs qui entourent le don de sang, histoire de dédramatiser, de dédiaboliser la chose? Je vous raconte comment se sont passés mes dons jusqu'ici, et croyez-moi, à la base, je suis une petite nature.
Le moment où on nous prélève du sang, un peu moins d'un demi-litre, ne dure que 10 minutes. Mais il faut prévoir à peu près trois quarts d'heure sur place. Car avant le don, le personnel médical s'assure qu'on a assez bu et assez mangé avant de venir. N'essayez pas de venir en ayant petit-déjeuné «trois cafés, mais vous savez, j'ai l'habitude!», ça ne les convainc pas, j'ai déjà testé.
Cette fois-là, on a failli me renvoyer chez moi, mais j'ai insisté. Alors, on m'a gavée de pâtisseries, d'eau et de boissons type Isostar. Un litre en quelques minutes, un enfer. Buvez avant. Et pas la peine de se dire «ah bah parfait, c'est un petit-déj' gratos», on vous re-gave après. On est bichonnés.
Puis, on passe au questionnaire pour vérifier que l'on est en bonne santé. Afin de vous éviter un déplacement inutile, sachez que la moindre petite plaie qui saignait encore quelques heures plus tôt est un critère excluant. Si vous revenez de certaines régions du monde, il vaut mieux s'assurer grâce au Travel Check que votre voyage n'est pas une contrindication à un don. D'autres critères, comme un récent passage chez le dentiste, des tatouages et piercings fraîchement réalisés, ou peser moins de 50kg vous empêchent temporairement de donner votre sang. N'hésitez pas à consulter ce questionnaire.
Lors de cet entretien médical, on nous prend aussi la pression artérielle, et on nous pique le bout du doigt pour extraire une goutte de sang afin de faire quelques vérifications. C'est une petite pointe, de la taille d'une aiguille à coudre, qui est utilisée. C'est désagréable, mais pas douloureux. Pour situer, c'est le geste que de nombreux diabétiques doivent effectuer plusieurs fois par jour.
La première crainte qui revient, c'est l'aiguille. OK, il y a des gens qui en font une phobie, une angoisse insurmontable. Pour la plupart d'entre nous, c'est une «simple peur» des aiguilles. Personne n'aime voir cette chose s'approcher de son bras, mais ça va, c'est faisable. On ne va pas se mentir, elle est un peu plus grosse que celle qu'on utilise pour un vaccin par exemple, mais elle n'a pas non plus le diamètre d'une paille.
J'avoue, la première fois, je ne faisais pas la maligne. Toujours aujourd'hui, je n'aime pas ça. Les infirmiers, devant mon air rebuté, me disent presque à chaque fois «tournez la tête si vous n'aimez pas ça». Non, j'ai besoin de voir ce que vous me plantez dans la veine. Je déteste ça, mais au contraire, je dois regarder ce qu'il se passe. Ça me rassure.
Evidemment, ça n'est pas la sensation la plus agréable de l'univers, mais ça n'est pas «atroce», c'est surtout une sorte de dégoût que je ressens. Et ça dure une demi-seconde. Pour vous donner un exemple, il est plus désagréable de s'envoyer une cuillère de yoghourt nature dans lequel on croit avoir mis du sucre alors qu'il s'agissait de sel. On situe?
Vous, vous aurez peut-être besoin de fixer le plafond au moment où on vous plante l'aiguille, vous sentirez peut-être votre rythme cardiaque s'accélérer, vous aurez peut-être l'impression que vous allez «rendre votre collation», pour dire ça avec un peu de poésie. C'est OK de ne pas être à l'aise. De toute façon, à tout moment, les infirmiers peuvent, en vous observant, décréter que ce ne sera pas pour cette fois. Et c'est OK aussi. Si ça marche, c'est rapide, promis. Et vous n'avez pas l'aiguille sous le nez pendant le don, on vous colle un pansement dessus.
C'est parti pour 10 minutes! Et non, on ne sent pas qu'on nous «vide de notre sang». On ne sent rien. On nous demande toujours quel bras piquer, généralement le gauche si on est droitier, et inversement, sauf si on ne voit pas correctement la veine. Ce qui fait qu'on peut sagement s'occuper la main libre avec son téléphone, par exemple. Si le sang ne s'écoule pas assez vite, ce qui peut arriver et n'est pas grave, on nous donne une petite balle en mousse pour «pomper», pousser le sang à circuler.
Une fois les 450ml atteints, un infirmier nous retire l'aiguille et appuie sur la plaie avec le pansement, le scotche, et hop! C'est fini, c'est l'heure de se relever. Gentiment. J'ai fait la bêtise, une fois, de me mettre debout trop vite, ce qui m'a valu d'avoir le tournis quelques secondes, mais rien de terrifiant. La plupart du temps, tout va bien, et la majorité d'entre nous supporte bien le fait de se délester d'un demi-litre de sang.
Ensuite, on retourne boire et manger. Des biscuits, des pâtisseries, des sandwichs... Tout est prévu pour qu'on soit parfaitement d'attaque pour le reste de la journée. Après le don, on doit rester sur place un bon quart d'heure pour que les professionnels de la santé soient sûrs qu'on peut retourner vaquer à nos occupations. On peut se sentir un poil moins en forme que d'habitude, mais rien de bien méchant.
On nous déconseille de faire du sport pendant au moins 12 heures après le don, et les personnes qui ont des métiers physiques doivent être particulièrement vigilants, voire si possible éviter de retourner au travail après (on peut faire un don en fin de journée aussi!).
Pour ne rien vous cacher, une fois, je me suis sentie un peu vaseuse pendant deux heures après le don, mais je pense que c'était surtout lié à l'excès de pâtisseries à 10 heures du matin, moi qui me nourris exclusivement de cafés avant 13 heures.
Chacun est libre de disposer de son corps, on ne reviendra pas là-dessus. Mais si on peut le faire, pourquoi ne pas le faire?
Ce qui me motive à donner régulièrement mon sang depuis mes 18 ans, c'est, bêtement, la solidarité. C'est un acte citoyen. C'est un geste d'amour. Envers les autres, ceux qui ont besoin de sang, là, tout de suite, envers ceux qui en auront besoin un jour. Un jour, peut-être que ce sera moi, d'ailleurs.
Ce jour-là, je serai heureuse de me dire que quelqu'un est allé donner son sang. Cette personne aura, peut-être elle aussi, une petite trouille des aiguilles. Elle aura sans doute rechigné à s'envoyer un litre d'Isostar. Elle aura peut-être également eu de la peine à finir son troisième cookie sous le regard inquisiteur d'une infirmière qui ne vous lâchera pas, parce qu'elle sait pourquoi elle veut vous voir terminer votre collation. Ce jour-là, je serai heureuse que quelqu'un d'autre ait fait ce geste d'amour.
Si mon article ne vous a pas convaincu de donner votre sang vous aussi, tant pis. Mais ne m'en voulez pas d'avoir tenté le coup. Je retenterai.