Le procès en appel de six policiers lausannois, acquittés en première instance dans l'affaire de la mort de Mike Ben Peter, a démarré lundi à 9h. Il doit durer trois jours dans la salle d'audience cantonale de Longemalle à Renens. Le verdict est attendu lundi prochain. Cependant, lundi matin l'avocat de la famille de la victime a demandé que le procès soit renvoyé pour avoir le temps d'examiner des compléments d'expertises.
Une centaine de personnes ont fait le déplacement de Renens lundi matin, dont une soixantaine ont pris place dans la salle pour soutenir la famille de la victime et les six prévenus. Les journalistes sont aussi présents en nombre.A l'extérieur, un petit rassemblement a été organisé pour réclamer «une justice pour Mike». Des membres du collectif Kiboko ont déployé des banderoles et dénoncé «l'aberration» du premier jugement. Ils ont dit attendre «une condamnation» car, à leurs yeux:
La manifestation s'est déroulée dans le calme. Comme en juin 2023 en première instance, l'épouse et le frère de Mike Ben Peter assistent au procès. Il en est de même du commandant de la police municipale lausannoise, Olivier Botteron.
Avant de rentrer dans le vif du sujet devant la Cour d'appel du Tribunal cantonal, délocalisée à Renens, Me Simon Ntah a refait plusieurs réquisitions tout en remettant à nouveau vertement en cause l'enquête du Ministère public. Il a dit qu'elle était «une calamité» et «pourrie». Il a déclaré:
Comme en première instance, l'avocat de la partie plaignante a plus particulièrement critiqué une enquête de voisinage «bâclée», une possible collusion entre les policiers ou encore des expertises médico-légales «incohérentes» entre elles pour déterminer les causes exactes de la mort de Mike Ben Peter.
Il a de nouveau soumis aux juges «une aggravation de l'accusation». Alors que le Ministère public a retenu l'homicide par négligence, Me Ntah souhaite que la Cour d'appel examine aussi les qualifications juridiques de lésions corporelles simples, d'abus d'autorité et surtout d'homicide par dol éventuel. A savoir pour cette dernière, que les policiers auraient été conscients qu'ils prenaient un risque et qu'ils s'en seraient accommodés.
Me Ntah souhaite aussi que la Cour auditionne et confronte les deux experts suisses qui ont établi les deux expertises médico-légales de référence dans cette affaire, jugées «incohérentes» dans certaines conclusions par l'avocat. Il demande aussi que deux experts américains de renom soient entendus, concluant explicitement que Mike Ben Peter est décédé en raison des manoeuvres violentes des policiers.
Enfin, l'avocat a fait une troisième requête, celle d'avoir plus de temps pour analyser des compléments des expertises suisses, dont l'une a été déposée il y a tout juste douze jours. En clair, il demande donc un renvoi du procès à une date ultérieure.
Me Ntah a rappelé sa «déception et son incompréhension» du jugement de première instance. «Les faits ont été mal examinés, le tribunal s'est interdit de réfléchir, il n'a pas posé toutes les questions possibles. Il n'a pas été jusqu'au bout». Aux trois juges, il a lancé:
Accepter ses réquisitions équivaudrait à «enfin se rapprocher de la vérité», selon lui.
Les six avocats des policiers ont tour à tour rejeté toutes les réquisitions, à commencer par celle de renvoyer le procès. Ils ont discrédité les expertises privées, jugées «irrecevables», évoquant deux «champions américains très connotés pour dénoncer les violences policières». Ils ont rappelé que les deux expertises médicales figurant au dossier étaient fouillées et complètes.
De son côté, le procureur Laurent Maye s'est défendu des attaques de l'avocat de la victime, estimant qu'aucune description des faits n'avait été omise dans son enquête. «Il faut ici juger les faits et ne pas faire un procès d'intention», a-t-il insisté. S'agissant des propos tenus par Me Ntah, il n'a pas hésité à dire que:
Il a répété qu'il n'adhérait pas au meurtre par dol éventuel.
L'audience reprend à 14h30 avec la décision de la Cour d'appel sur les réquisitions. La Cour d'appel pénale siège dans la salle d'audience cantonale de Longemalle à Renens. Très attendu, ce procès en deuxième instance sera certainement à nouveau suivi par un nombre important de parties, de médias et du public.
Le collectif Kiboko et la famille de la victime ont d'ailleurs appelé à «se mobiliser autour de cette deuxième étape juridique». Des actions sont prévues durant la tenue du procès et «une manifestation massive contre les violences policières» aura lieu le samedi après-midi 13 juillet au départ de la gare de Lausanne, écrit-il dans un communiqué.
Mike Ben Peter, un Nigérian de 39 ans, était décédé à la suite d'un contrôle anti-drogue musclé en février 2018 à Lausanne. En juin 2023, après quatre jours d'un procès retentissant, le Tribunal correctionnel de Lausanne avait jugé que les six agents ayant procédé à ce contrôle ne pouvaient pas être condamnés pour homicide par négligence, suivant ainsi le Ministère public qui avait lui-même laissé tomber l'accusation.
Les juges s'étaient notamment référés aux expertises médico-légales, celles-ci révélant qu'il était impossible de dire que Mike Ben Peter était mort à cause de l'intervention policière, et notamment en raison du plaquage ventral pratiqué par les policiers. Le tribunal de première instance avait affirmé que l'arrêt cardio-respiratoire était survenu indépendamment de la façon de positionner Mike, ajoutant que les causes de son décès étaient multifactorielles.
Pour les juges, il n'y avait donc pas de «liens de causalité» entre l'intervention policière et la mort du Nigérian. La Cour avait aussi conclu que les policiers n'avaient pas violé leur devoir de prudence. Sur ce point, elle s'était écartée du Ministère public, qui avait estimé que les policiers avaient maintenu la victime trop longtemps sur le ventre.
De son côté, l'avocat de la famille de la victime, Me Simon Ntah, avait demandé une condamnation. Selon lui, les policiers avaient fait un usage disproportionné de la violence lors de l'arrestation. En toute logique, il avait fait recours. Il a même déjà plusieurs fois évoqué qu'il irait jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) s'il le fallait. (sda/ats)