Albert Rösti est conseiller fédéral depuis un peu plus d'un an. Dans son vaste département, le nouveau ministre des Infrastructures a donné la priorité à l'approvisionnement énergétique, puis au transport ferroviaire et routier. Le conseiller fédéral UDC – aussi en charge de la communication – s'attaque désormais à un troisième grand chantier, lui aussi très disputé: La Poste.
Mercredi prochain, Albert Rösti présentera ses idées au Conseil fédéral, comme l'a appris la Schweiz am Wochenende. «Les valeurs de référence ne plairont pas à tout le monde», a-t-il déclaré lors d'entretiens préliminaires et de discussions avec les milieux concernés. C'est donc un ministre bien préparé qui va se présenter devant le Conseil fédéral.
Concrètement, Albert Rösti présentera notamment un document de discussion au Conseil fédéral. Celui-ci définit les premiers paramètres clés de ce à quoi pourraient ressembler les services postaux de base à partir de 2030. Et qu’est-ce que la poste a encore à offrir exactement.
Le ministère de l'Environnement, des Transports, de l'Energie et de la Communication (Detec) propose de supprimer le système à deux vitesses de distribution: le courrier A et le courrier B. Mais pas seulement! Les lettres ne pourront être acheminées que trois jours dans la semaine. Aujourd'hui, le courrier A doit être distribué les cinq jours de la semaine, conformément aux dispositions légales. En outre, la Poste distribue volontairement les lettres en courrier A également le samedi.
La proposition du conseiller fédéral serait un pas en arrière, à l'époque où il n'y avait qu'une seule vitesse de courrier. C'était le cas jusqu'en février 1991, lorsque le courrier B, plus lent, a été introduit. Depuis, une lettre en courrier A est distribuée en un jour ouvrable, alors qu'un envoi en courrier B nécessite trois jours ouvrables.
C'est donc un retour au courrier unique, mais en moins performant: avant 1991, toutes les lettres arrivaient le lendemain chez le destinataire, à l'avenir, elles devront arriver le surlendemain, c'est-à-dire dans les deux jours ouvrables.
L'introduction du courrier B, il y a un peu plus de 30 ans, a été la réponse à l'afflux de lettres que la Poste ne pouvait plus guère gérer pour des raisons de coûts et de capacité. Le courrier B a été introduit afin de pouvoir maintenir le principe «déposé aujourd'hui, distribué demain» pour au moins pour une partie du courrier.
C'est simple, La Poste ne souffre plus d'un afflux massif de missives, bien au contraire: le volume du courrier diminue sensiblement d'année en année. L'entreprise vient également de communiquer une baisse de 5,6% pour 2023. Selon La Poste, le volume des lettres a diminué d'environ 40% au cours des 20 dernières années. Et le creux de la vague ne semble pas encore atteint.
L'une des principales sources de revenus de La Poste s'évapore donc petit à petit, ce qui est actuellement compensé par des hausses de prix. Pour la deuxième fois en quelques années, le géant jaune a été autorisé à augmenter les tarifs du courrier A et du courrier B pour le début de l'année 2024 - respectivement à 1,20 et 1 franc.
Toutes les tentatives de développer de nouvelles activités, et surtout des activités rentables, dans d'autres domaines d'activité numériques n'ont pas porté leurs fruits pour le moment.
Les assouplissements envisagés pour la distribution du courrier doivent permettre de décharger la Poste: Elle obtiendrait plus de temps et de flexibilité dans la distribution – et pourrait ainsi réduire les coûts dans son activité principale en déclin. Rösti s'oriente ainsi vers une proposition du groupe d'experts de La Poste. Celui-ci avait présenté au printemps 2022, sous la direction de l'ancienne conseillère aux Etats Christine Egerszegi-Obrist (PLR/AG) et sur mandat de l'ancienne ministre de La Poste, Simonetta Sommaruga (PS), une série d'idées sur la manière dont le service public pourrait être réformé et adapté à l'ère numérique.
Outre la suppression du courrier A et la réduction du nombre de jours de distribution, le groupe d'experts avait notamment proposé de renoncer à la distribution quotidienne de journaux imprimés, car il estimait que la lecture des journaux sur papier était un «modèle dépassé», , ou encore de retirer les opérations bancaires de PostFinance et de le mettre au concours dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres. Cela aurait sans doute encore aggravé la situation financière de la Poste. Les critiques adressées au travail du groupe d’experts ont été tout aussi dévastatrices.
Il est donc d'autant plus étonnant qu'une proposition ait survécu, même si elle a été légèrement édulcorée. Surtout elle ne convient pas du tout au patron de la Poste, Roberto Cirillo qui a fait savoir à la sortie du rapport Egerszegi-Obrist:
La Poste préférerait que le réseau d'offices de poste soit moins restrictif. Aujourd'hui, 90% de la population de notre pays doit pouvoir atteindre un office de poste dans chaque canton en 20 minutes à pied ou en transports publics.
Là aussi, Albert Rösti veut apparemment assouplir un peu les règles du jeu. Il ne présente, toutefois, pas encore de propositions concrètes, mais les laisse entrevoir, pour plus tard, lorsqu'il enverra alors la révision de la loi sur la poste en consultation.