Stefan Blättler, procureur général de la Confédération en poste depuis début 2022, n'est pas content. Selon certains observateurs, la performance de l'Office fédéral de la police (Fedpol), dirigé par Nicoletta della Valle, ne le satisfait pas. L'ancien commandant de la police bernoise a exprimé cette critique à plusieurs reprises, notamment auprès de la Commission de gestion des Chambres fédérales.
Le procureur général de la Confédération a fait de la lutte contre la mafia, et le crime organisé en général, l'une de ses tâches prioritaires. Il essaie par exemple de développer la collaboration avec d'autres pays, comme l'Italie.
Mais si l'on en croit l'ancien chef de police, c'est dans son propre pays, dans sa propre administration fédérale, qu'il faut agir. Stefan Blättler estime ne pas recevoir assez de soutien de la Police judiciaire fédérale, qui fait partie de Fedpol. Il y a trop peu d'enquêtes, trop peu de nouveaux cas portés à l'attention du Ministère public de la Confédération.
Stefan Blättler avait déjà déclaré en novembre 2022 dans une interview à CH Media au sujet de la lutte contre la mafia: «L'une des grandes faiblesses de ce pays est qu'en tant qu'autorité fédérale, nous n'avons aujourd'hui aucune vue d'ensemble sur les processus qui pourraient également être considérés comme des preuves d'activités mafieuses».
Comme pour répondre aux critiques du procureur général de la Confédération, la cheffe de Fedpol Nicoletta della Valle a récemment déclaré dans le Tages-Anzeiger qu'il lui manquait environ 200 enquêteurs dans la lutte contre la mafia. Elle a donné un chiffre qui se réfère explicitement à l'autorité de Stefan Blättler:
Une sorte de duel interposé. Fedpol ne souhaite pas dire combien d'enquêteurs sont employés. Mais comme le Ministère public de la Confédération dispose d'environ 100 procureurs, il doit y avoir environ 160 enquêteurs. Si l'on se base sur les déclarations de la directrice, il en faudrait environ 360.
Certains estiment toutefois que Fedpol dispose déjà de beaucoup de personnel: en 2022, il y avait en moyenne 1049 collaborateurs, d'après le rapport annuel. Fedpol aurait donc la possibilité, selon les voix critiques, d'augmenter le nombre d'enquêteurs en fixant d'autres priorités. Certains observateurs parlent d'un «état-major hypertrophié».
Ce à quoi Fedpol répond que ce n'est pas si simple. «Le fait est que nous travaillons en tant qu'autorité avec les ressources mises à notre disposition par la politique; nous devons établir des priorités en conséquence et satisfaire les différents groupes d'intérêts», explique le porte-parole Patrick Jean. Par groupes d'intérêts, il faut comprendre notamment le Ministère public de la Confédération et les cantons.
Pour des «raisons stratégiques et tactiques», Fedpol ne veut pas indiquer publiquement quelles unités disposent de combien de personnel. L'alimentation concrète des différentes unités dépend toutefois «de la situation et des missions, et se fait selon la stratégie de lutte contre la criminalité 2020-2023 du Département fédéral de justice et police (DFJP)».
Le porte-parole indique qu'en plus de la lutte contre le crime organisé, Fedpol a trois autres missions:
Patrick Jean souligne «qu'il existe une collaboration étroite et constructive entre Fedpol et le Ministère public de la Confédération». Cela inclut également «la discussion des positions pour parvenir à des solutions d'un commun accord».
Les villes et les cantons ont également fait savoir qu'ils souhaiteraient davantage de soutien de la part de Fedpol, par exemple en matière de coordination des procédures. Mais là encore, Fedpol fait valoir un manque de personnel.
Un problème risque de se présenter à Stefan Blättler: la Police judiciaire fédérale n'est pas subordonnée au procureur général de la Confédération. Fedpol est rattachée au Département fédéral de justice et police (DFJP) de la conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider. D'aucuns reprochent à cette dernière son manque d'expertise. Certains espèrent déjà que la Jurassienne changera de département à la fin de l'année, et qu'elle soit remplacée par «quelqu'un comme Jositsch», dit l'une des voix critiques. Autrement dit, qu'un juriste, voire un pénaliste, reprenne le DFJP après l'élection du Conseil fédéral.
Le procureur général Stefan Blättler n'a aujourd'hui que peu de leviers pour influencer l'utilisation des ressources de Fedpol. Selon les observateurs, il se sent abandonné. Il a d'ailleurs déclaré: « Je peux partir à tout moment».
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder