Dans une Suisse habituée aux montagnes de beurre, l'annonce d'une pénurie a été un choc. C'était en 2019, lorsque la consommation a dépassé pour la première fois la production suisse a dû importer du beurre. Depuis, le pays en importe chaque année entre 3500 et 6000 tonnes, comme le constate Stefan Kohler, le directeur de l'Interprofession du lait (IP Lait). Cela correspond à un peu plus de 10% de la consommation.
Kohler ne voit pas ça comme un problème, au contraire. Pour lui, c'est une bonne chose que le beurre soit importé en petite quantité en Suisse. Dans tous les cas, il estime «que produire trop de beurre est pire que d'en produire pas assez».
En effet, l'exportation de beurre a toujours coûté cher à la branche et en particulier aux producteurs laitiers. En effet, nombreux ont dû vendre des milliers de tonnes à l'étranger à des prix nettement plus bas, ce qui a coûté à chaque fois des dizaines de millions de francs.
La pénurie actuelle garantit que la production nationale peut être intégralement vendue au prix suisse. Celui-ci est basé sur le prix indicatif trimestriel du lait qui se situe actuellement à 79 centimes par kilo. C'est plus élevé que les valeurs des dernières années, même si le prix indicatif a récemment baissé de deux centimes.
Le nouvel équilibre sur le marché du beurre est également une conséquence de l'augmentation de la demande de fromage. Aujourd'hui, davantage de lait est utilisé pour la production de fromage à plus forte valeur ajoutée, il en reste donc moins pour le beurre.
Les éventuelles quantités manquantes sont alors remplacées par des importations, l'interprofession BOM devant s'adresser au préalable au Conseil fédéral. Les quotas d'importation autorisés sont ensuite mis aux enchères par la Confédération, les recettes allant dans les caisses de l'Etat.
Ces derniers temps, le secteur s'est sans doute légèrement trompé – et a importé trop de beurre. Les stocks sont en tout cas trop remplis pour la saison. C'est également une conséquence de la demande de fromage, qui a récemment dû faire face à une baisse des exportations. En contrepartie, la production de beurre a donc de nouveau légèrement augmenté.
La situation devrait alors se stabiliser. Le renoncement aux importations est d'ailleurs déjà visible dans les rayons des magasins. En tout cas, Migros ne veut vendre que du beurre suisse à partir du mois de mars, comme elle l'indique aussi dans un document de position politico-économique. Cela signifie qu'à l'avenir, le beurre M-Budget proviendra lui aussi de vaches suisses – du moins pour le moment.
L'interprofession et Migros sont unanimes: l'approvisionnement du marché en beurre «fonctionne». C'est pourquoi toutes deux se sont opposées à la motion de l'ancienne conseillère nationale verte Meret Schneider, qui voulait interdire les importations de beurre ou ne les autoriser que si le prix du lait est suffisamment élevé. Une demande qui a brièvement joui d'une grande popularité auprès des politiciens proches de l'agriculture. Le Conseil national a approuvé cette demande par 107 voix contre 71 en 2023.
Aux yeux de Migros, la motion n'est pas seulement nuisible, elle est aussi inutile. Les importations de beurre sont aujourd'hui gérées par un système de droit privé bien équilibré et qui fonctionne au sein de la branche laitière.
Ce lundi, le Conseil des Etats a rejeté la motion. Sa commission consultative l'avait déjà refusée à l'unanimité, montrant ainsi que les représentants des agriculteurs au Parlement ont désormais compris que pour eux, les importations sont préférables aux exportations.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)