La montagne a laissé place à une imposante trainée de rochers d'environ 15 mètres de haut. Dans la nuit du 15 juin, 1,2 million de mètres cubes de pierres se sont écroulés jusqu'à proximité du village.
L'ancienne école de Brienz a failli être touchée. Heureusement, elle est vide depuis longtemps, raconte une femme de Tiefencastel, qui note pour la commune les noms de ceux qui peuvent désormais pénétrer pour la première fois dans la zone bouclée. Le village, évacué le 12 mai, arbore un air fantomatique. Cet après-midi, les habitants ont l'autorisation de retourner chez eux. Mais seulement pour quelques heures.
Les masses rocheuses tombées dans la vallée sont impressionnantes. On ne sait pas exactement comment l'effondrement s'est déroulé, car cette nuit-là, peu avant la nouvelle lune, il faisait très sombre. Même les caméras sensibles à la lumière n'ont pas pu capter le drame. Les géologues Stefan Schneider et Andreas Huwiler ont toutefois pu reconstituer la chute sur la base de signaux sismiques et d'enregistrements sonores.
Avant l'événement, les géologues ne savaient pas si l'Insel allait s'abattre sur la vallée sous la forme d'un éboulement, d'une chute de pierres ou d'une coulée de débris. L'Insel était depuis longtemps sur leur radar, elle s'était détachée au fil des années du système montagneux au-dessus de Brienz et se déplaçait de plus en plus rapidement en direction du village. Le mardi précédant la chute, elle se déplaçait à raison de plusieurs mètres par jour, avant de ralentir brièvement.
Le jeudi 15 juin, le service d'alerte a constaté une accélération. Les géologues ont vu de petits éboulements et des chutes de pierres.
Vers minuit, tout s'est accéléré. En l'espace de quatre à cinq minutes, l'Insel a glissé sous la forme d'une combinaison de coulées de débris et d'éboulements. La roche dolomitique située au-dessus s'est effondrée sur la coulée de débris. «Heureusement, ce n'était pas un éboulement», déclare Stefan Schneider. Si tel avait été le cas, les pierres auraient roulé encore plus loin que devant l'école et auraient au moins partiellement détruit le village.
Daniel Albertin se dit soulagé, tout comme les habitants. La semaine prochaine, tous pourront probablement regagner leur maison, estiment le président de la commune et les spécialistes. Avant cela, les conduites d'eau détruites doivent d'abord être remises en état, le réseau électrique doit également être réparé.
Mais tout ne sera pas revenu à la normale la semaine prochaine. La «phase jaune» sera déclenchée, ce qui signifie que la population doit toujours être prête à quitter le village. La roche qui s'est effondrée n'était qu'une partie de l'ensemble du grand glissement de terrain de Brienz. Une surface de 1,8 kilomètre carré est encore en mouvement, sur laquelle se trouve également le village entier. Ce déplacement permanent a pour conséquence que les bâtiments se fissurent ou doivent même être démolis.
Les géologues se concentrent désormais sur le plateau au-dessus de l'Insel qui s'est effondrée. Il s'agit d'une masse rocheuse de 2 à 4 millions de mètres cubes. «Dans la nuit de l'éboulement, ce plateau s'est également déplacé plus rapidement», explique l'expert. L'effondrement de l'Insel avait créé de nouveaux rapports de force, raison pour laquelle le plateau se déplaçait dix fois plus vite que d'habitude. La crainte de voir les roches du plateau glisser s'est alors accrue.
Pour le moment, le plus grand danger semble désormais écarté. La vitesse de déplacement du plateau n'est plus que la moitié de ce qu'elle était avant l'éboulement. Toutefois, il n'a jamais plu fortement jusqu'à présent. Les précipitations pourraient entraîner la chute de roches résiduelles de l'Insel dans la vallée.
Le cône de gravats devant l'école se révèle pour le moment assez stable. Derrière, sur la route qui mène à Lenz, un gros bloc repose sur l'asphalte. «C'est le chemin de l'école pour les enfants de Brienz», explique la femme de Tiefencastel. Dans le village même, il n'y a plus d'école. Pour Daniel Albertin, impossible de dire si cette route sera un jour dégagée. Ce ne sera probablement jamais le cas.
Stefan Schneider doute lui aussi fortement qu'une partie de l'impressionnant cône de déjection soit un jour évacuée. Il montre du doigt la pente à côté de l'éboulement. «Là aussi, la roche s'est effondrée, mais aujourd'hui, tout est à nouveau boisé.» Mais il faudra des décennies, voire des siècles, pour que les rochers et les éboulis de l'Insel soient recouverts de végétation.
Les habitants de Brienz n'en verront probablement pas la couleur. Ils se réjouissent maintenant de leur retour. Leur sécurité continuera d'être surveillée en permanence par les géologues. La construction d'une galerie de drainage d'un coût de 40 millions de francs, sur laquelle la commune votera le 14 juillet, devrait apporter encore plus de sécurité. Celle-ci devrait à l'avenir faire baisser la pression de l'eau sur la roche dans le sous-sol du village. «Le glissement de terrain de la montagne et celui du village sont liés», explique Andreas Huwiler.
Pendant deux ans, une galerie construite pour ce projet «a permis de réduire de moitié les glissements de terrain», explique le géologue. Si les citoyens des sept communes de l'Albula donnent leur accord, la construction de la galerie de drainage pourra commencer en 2024.
Les 84 habitants de ce village perché au-dessus de la vallée auront alors une chance de continuer à vivre dans ce coin de montagne. En faisant le tour du village abandonné, on est frappé par sa taille. A y regarder de plus près, la moitié des bâtiments sont des maisons de vacances. Les touristes seront également heureux d'apprendre que les géologues ont levé l'alerte. Leurs maisons ont de toute façon probablement déjà perdu beaucoup de valeur en raison de l'éboulement.
Les animaux reviendront également, mais seulement à l'automne, lorsqu'ils descendront de l'alpage. Les paysans ont déjà le feu vert pour remplir leurs entrepôts de foin pour l'hiver. La vie reprend donc à nouveau peu à peu son cours.
Traduit et adapté de l'allemand par Anaïs Rey.