Le terme de surmortalité est bien connu depuis la pandémie: pendant des mois, le nombre de décès a largement dépassé les prévisions habituelles. Mais aujourd’hui, c’est le phénomène inverse qui attire l’attention: depuis janvier, la Suisse enregistre une «sous-mortalité» notable.
Chez les plus de 64 ans, la baisse apparente du nombre de décès depuis janvier ne reflète pas une réelle sous-mortalité. L’Office fédéral de la statistique (OFS) a en effet exclu les années 2020 et 2021 – marquées par une surmortalité exceptionnelle due à la pandémie – de ses modèles de prévision. En revanche, l’année 2022, pourtant encore fortement affectée par le Covid-19, a été prise en compte. Ainsi, au 1er janvier 2023, la mortalité attendue a augmenté.
Si les chiffres actuels indiquent une sous-mortalité, ils ne sont en réalité pas plus bas dans cette catégorie d'âge que ceux observés avant la pandémie. On assiste donc à un retour à la normale après plusieurs années de perturbations dues au Covid-19.
La situation est différente pour les personnes de moins de 65 ans. Certes, la mortalité attendue a elle aussi été légèrement revue à la hausse début 2023. Mais entre la mi-janvier et la fin avril, les chiffres montrent une baisse du nombre de décès sans précédent dans cette tranche d’âge. Il s'agit ici vraiment de sous-mortalité.
Comment expliquer ce phénomène? L'OFS affirme n'avoir rien changé dans sa façon de collecter des données. En comparaison à long terme, le nombre de décès chez les 0-64 ans est effectivement relativement faible depuis début 2025. Et on n'arrive pas à l'expliquer.
Les statistiques officielles sur les causes de décès, qui pourraient fournir des éléments de réponse, ne seront publiées qu’en 2026 pour les mois d'hiver 2025. En effet, les hôpitaux transmettent leurs données avec un certain délai, et celles-ci ne sont complètes qu’à la fin de l’année civile.
Même l’épidémiologiste Christian Althaus se dit surpris:
Il rappelle toutefois qu’une légère baisse de la mortalité dans cette tranche d’âge était déjà observable avant la pandémie. Selon lui, il est possible que cette tendance préexistante, combinée à une forme de compensation liée aux décès survenus durant la pandémie, contribue à ce nouveau niveau de mortalité particulièrement bas.
Il est vrai que la mortalité tend à diminuer dans la plupart des grandes causes de décès. Cette tendance est particulièrement marquée chez les moins de 65 ans en ce qui concerne les cancers et les maladies cardiovasculaires. Ce qui est frappant, c'est l'inflexion qui s'est produite en 2023 pour les décès des suites d’un cancer. Une tendance qui va continuer?
Cela serait dû à l'amélioration constante des traitements contre le cancer - et peut-être à la diminution des cas de cancer. C'est ce que suggèrent les statistiques sur le cancer en Australie, en Angleterre et en Allemagne: on a moins diagnostiqué de cancers pendant la pandémie parce que les gens allaient moins chez le médecin. Et il est intéressant de noter que ce déficit n'a pas été compensé: en Allemagne, par exemple, le nombre de traitements contre le cancer en 2023 restait encore inférieur à celui d’avant la pandémie.
Mais comment expliquer cette sous-mortalité subite en ce début d'année? Jusqu'au 14 avril, seuls dix décès par avalanche ont été enregistrés en Suisse, contre une moyenne de 19 par hiver. Mais cette différence ne saurait expliquer à elle seule les 740 décès de moins observés entre la mi-janvier et la fin avril, comparé à la période 2017–2019. Il faudra attendre la publication détaillée des statistiques sur les causes de décès pour pouvoir répondre à cette question.
L’analyse des cantons n’apporte pas non plus de réponse claire. Presque tous les cantons suisses affichent un recul du nombre de décès sur la période observée. Seul Appenzell Rhodes-Extérieures fait exception, mais il s'agit là aussi d'un petit nombre de cas, ce qui rend les variations plus probables.
Traduit de l'allemand par Anne Castella