Suisse
Neuchâtel

«C’est révoltant»: la Collégiale de Neuchâtel gravement souillée

L'un des tags inscrits sur la Collégiale de Neuchâtel.
L'un des tags inscrits sur la Collégiale de Neuchâtel.image: watson

«C’est révoltant»: un monument religieux romand souillé

Une opération semblant liée à la mouvance anarcho-libertaire a gravement porté atteinte à différents lieux emblématiques de la ville de Neuchâtel, dont sa célèbre Collégiale, une église protestante du XIIe siècle. Reportage.
06.08.2025, 18:5507.08.2025, 06:28
Plus de «Suisse»

«N’approchez pas, c’est dangereux, j’utilise un laser.» Lunettes de soudeuse sur le nez, opérant derrière une bâche, une femme s’attaque à une toute petite partie des dégradations perpétrées sur la façade sud de la collégiale de Neuchâtel, visible depuis le lac. Elle travaille au sein de l’Atelier Muttner.

Le week-end dernier, plusieurs lieux emblématiques de Neuchâtel ont été souillés par des tags et des atteintes au patrimoine. Les autorités paraissent accuser le coup.

Présent sur la place de la collégiale, Michel Muttner, le directeur de l'atelier qui porte son nom, explique à watson le processus de nettoyage qui vient à peine de commencer:

«On a été mandaté par la Ville pour faire des essais de nettoyage. On fait le tour des moyens d’intervention»
Michel Muttner, directeur de l’Atelier Muttner
Nettoyage au laser de l'un des tags de la collégiale de Neuchâtel.
Nettoyage au laser de l'un des tags de la collégiale de Neuchâtel.image: watson

Cette entreprise établie dans le canton de Neuchâtel est spécialisée dans la conservation et la restauration du patrimoine bâti. «On a fait partie de l’équipe qui a nettoyé la collégiale entre 2013 et 2017», rapporte son directeur.

Ce mercredi matin, six jours après les faits, la collégiale, joyau du patrimoine neuchâtelois, avec à sa proue la statue de son «saint patron», le réformateur Guillaume Farel, attire touristes et visiteurs. Qui découvrent l’«œuvre» des malfrats, une première sur ce monument religieux du XIIe siècle, dont les seules atteintes jusqu’ici avaient été semble-t-il celles du temps.

A coups de «EAT THE POPE» (mangez le pape), «YALLAH INTIFADA» (en avant l’intifada), «NO TAV» (non à la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin), «SATAN WAS HERE» (Satan était ici) et d’un énigmatique «ARMIN LASCHET WIRD KANZLER» (Armin Laschet sera chancelier d’Allemagne – cet ancien ministre d’Angela Merkel avait minimisé l’impact du réchauffement climatique), les auteurs des tags se sont acharnés sur cette pierre jaune d’Hauterive, le matériau noble dont sont faits les plus beaux édifices du chef-lieu cantonal.

A moins d'avoir affaire à un «false flag», un acte commis sous un faux drapeau idéologique pour tromper l'opinion publique, tout semble désigner l’extrême gauche, tendance anarcho-libertaire. Une enquête policière a été ouverte afin de retrouver les auteurs de ces déprédations commises sur les murs de la collégiale, ainsi qu’ailleurs dans Neuchâtel – une évocation en bronze de David de Pury a été arrachée de son socle dans le bas de la ville et des bornes de recharge Tesla ont été sprayées à Marin-Epagnier.

La collégiale de Neuchâtel taguée.
La collégiale de Neuchâtel taguée.image: watson

«C’est révoltant»

«C’est révoltant», réagit Lukas, un jeune Lausannois de passage avec une amie à Neuchâtel. Il n’avait encore jamais vu la collégiale. «Quel est le but derrière un tel acte? C’est de la provocation», dit-il.

«On pense à des gens de gauche qui prennent un lieu symbolique en otage. J’espère qu’ils ne feront pas ça à Lausanne»
Lukas

«C’est triste, je suis choquée. Comment est-ce qu’on peut faire ça?», se demande une femme d’une cinquantaine d’années accompagnée de sa mère. Elles arrivent du canton de Fribourg. Elle aussi voient pour la première fois la collégiale. De même que ces touristes à vélo venant de Chambéry – «des tags sur un bâtiment religieux, symboliquement c’est très fort» – ou ce couple de Bretons gravissant la pente pavée menant à la collégiale et au «Château», siège du Conseil d’Etat, qui tombera bientôt nez à nez avec les tags.

En visite dans le vieux Neuchâtel en compagnie d’un guide local, ce couple de retraités de Winthertour n’est qu’à moitié étonné. «Chez nous aussi, on a ce genre d’écrits sur des églises ou des hôtels de ville, et c’est dommage», déplore la femme.

«C’est une forme d’art, si l’on veut bien, mais ça n’a pas sa place ici. Il y a des lieux réservés pour ce type d’expression»
Une femme de Winthertour avec son mari

Son mari sort son téléphone portable de sa poche et montre la photo d'un mur dédié aux graffitis, situé dans les environs de Winthertour. Elle et lui ne mesurent visiblement pas la nature politique des tags inscrits sur la collégiale.

L'un des tags sur la collégiale de Neuchâtel.
L'un des tags sur la collégiale de Neuchâtel.image: watson

Dans la descente, on passe devant le QG suisse de Médecins de monde, muni d’une banderole «Gaza, urgence sanitaire». Prenant une pause à l’extérieur, un jeune collaborateur de l’ONG dénonce ces dégradations, qui connaissent des répliques «Free Palestine» réalisées au pochoir en d'autres endroits de la ville.

«Elles ne servent en aucun cas la cause des civils palestiniens en souffrance»
Un collaborateur de Médecins du monde

Il ajoute: «C’est fait pour choquer, et puis, de toute façon, dégrader le bien public, ça ne se fait pas.»

Nous rencontrons la présidente de la ville de Neuchâtel, l’écologiste Nicole Baur, au pied de la statue de David de Pury, sur la place du même nom, au moment où elle s’apprête à prendre congé d’une équipe de la RTS. Longtemps révéré, le bienfaiteur du chef-lieu est devenu une figure historique gênante depuis qu’on lui a trouvé un passé colonial, en 2021, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, surgi à la suite de la mort de George Floyd aux Etats-Unis.

Nicole Baur devant la statue de David de Pury, avec, au premier plan, le socle privée d'une petite réplique de David de Pury.
Nicole Baur devant la statue de David de Pury, avec, au premier plan, le socle privée d'une petite réplique de David de Pury.image: watson

La présidente de l’exécutif communal revient sur les faits:

«Plusieurs lieux ont été la cible de dégradations ces dernières nuits à Neuchâtel. Dans la nuit de jeudi à vendredi, c’est la collégiale qui a été touchée. Mais c'est durant les deux nuits suivantes, que la sculpture représentant David de Pury la tête en bas (une évocation de Louis Agassiz, un scientifique neuchâtelois aux idées racistes, dont une rue portant son nom a été débaptisée) a été ôté de son piédestal, sans doute découpée au moyen d’une meule.»
Nicole Baur, présidente de la ville de Neuchâtel

«Un gloubi-boulga difficilement déchiffrable»

Pour Nicole Baur, qui vient de reprendre ses activités après son retour de vacances, ces tags et déprédations, qui ont également visé le musée d’ethnographie, forment «un gloubi-boulga difficilement déchiffrable».

Dans un article paru lundi sur le site du Temps, la présidente de la Ville de Neuchâtel affirmait que «la généralisation de la vidéosurveillance n’est pas la solution, [que] ce n’est pas notre politique». A watson, elle précise:

«Jusqu’à aujourd’hui, la vidéosurveillance ne faisait pas partie de notre politique dans l’espace public. Faudra-t-il y réfléchir? Attendons de voir si l’enquête nous donne des informations sur les auteurs et leurs motivations»
Nicole Baur, présidente de la ville de Neuchâtel

Au législatif de la Ville, le socialiste Loïc Muhlemann dirige la commission du Conseil général chargée, entre autres, de la sécurité. Il s'exprime ci-après à titre personnel: «Moi aussi, je suis antifasciste, mais il ne me viendrait jamais à l’idée de commettre de tels actes, qui sont éminemment condamnables. Ceci dit sans vouloir tirer de conclusions hâtives sur le profil politique ou les motivations des auteurs de ces tags.»

Loïc Muhlemann émet une piste possible:

«De vendredi à dimanche s’est tenue une rave-party non autorisée aux Verrières, dans le canton de Neuchâtel. La coïncidence de ces deux évènements assez extraordinaires dans notre région en est-elle vraiment une?»
Loïc Muhlemann, socialiste, élu au Conseil général de Neuchâtel
Nettoyage de ce qui ressemble à une «croix sataniste». L'une des portes de la collégiale de Neuchâtel.
Nettoyage de ce qui ressemble à une «croix sataniste». L'une des portes de la collégiale de Neuchâtel.image: watson

Ce mercredi matin, une employée de l’Atelier Muttner effaçait patiemment ce qui ressemble à une «croix sataniste», peinte en vert sur l’une des portes en bois de la collégiale. Un travail de pro. Comme celui, manifestement, des malfaiteurs, auteurs d'un véritable raid en plusieurs lieux du chef-lieu neuchâtelois.

Des migrants débarquent sur une plage en plein jour
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
7 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
7
La Plage des Six Pompes 2025 séduit jusqu’à 12 000 spectateurs par jour
La 32ᵉ édition du festival international des arts de rue a rassemblé, sous un soleil généreux, cinquante compagnies suisses et étrangères pour près de 140 représentations.
L'édition 2025 de la Plage des Six Pompes a attiré en moyenne 10'000 à 12'000 spectateurs par jour à La Chaux-de-Fonds (NE), se félicitent dimanche les organisateurs. Elle a accueilli cinquante compagnies suisses et internationales pour près de 140 représentations.
L’article