Comment équiper l'armée suisse le plus rapidement possible? Une thématique qui anime de nombreux milieux. Le chef de l'armée demande 20 000 militaires supplémentaires. De son côté, l'UDC veut rapidement débloquer un fonds. Cette frénésie est liée, dans l'esprit de ces élus, à l'imprévisibilité de Vladimir Poutine, le risque d'une attaque russe contre l'Europe et, par voie de conséquences, aussi contre la Suisse.
En parallèle du réarmement de nos propres troupes, un autre élément est central pour la ministre de la Défense, Viola Amherd: une collaboration plus étroite avec l'Otan. Une adhésion n'est pas envisageable au vu de la neutralité suisse. En revanche, des exercices communs et des équipements compatibles sont en discussion, afin qu'en cas d'attaque extrême, les militaires suisses puissent combattre aux côtés des pays voisins.
L'UDC ne voit, cependant, pas d'un bon œil ce rapprochement avec l'Otan. «En tant que pays neutre, la Suisse doit pouvoir se défendre elle-même», déclare Franz Grüter, spécialiste de la politique étrangère, c'est ce que dit la Constitution fédérale, où est ancrée la neutralité armée perpétuelle. En se rapprochant de l'Otan, le conseiller national craint «que la pression en Suisse pour réarmer nous-mêmes notre armée diminue».
A la recherche d'un instrument pour faire échouer un éventuel rattachement à l'Otan, l'UDC est tombée sur le traité d'interdiction des armes nucléaires de l'ONU. Celui-ci vise à interdire fondamentalement les armes nucléaires. La Suisse a participé à son élaboration, mais n'y a pas adhéré. Et ce n'est pas sans conséquence pour notre politique étrangère.
En 2018 déjà, le Parlement a transmis une motion de Carlo Sommaruga (PS/GE) demandant l'adhésion. Mais à ce jour, le Conseil fédéral n'a pas rempli son mandat. Il examine et analyse la situation. Le Conseil fédéral doit maintenant fixer la procédure d'ici la fin du premier trimestre, écrit le Département des affaires étrangères (DFAE).
Cette fois-ci, la discussion aura lieu sous de nouveaux auspices. En 2018, le groupe parlementaire UDC au Conseil national rejetait encore clairement la motion pour l'adhésion. Désormais, le conseiller national Franz Grüter lance:
L'UDC part du principe que des restrictions s'appliquent aux Etats signataires dans leur coopération avec les puissances nucléaires, donc aussi avec l'Otan, dit-il. En 2018, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a également conclu dans une analyse que l'adhésion de la Suisse au Traité d'interdiction des armes nucléaires pourrait entraîner des «restrictions dans des domaines de coopération pertinents» et n'était «pas conseillée» du point de vue de la politique de sécurité.
C'était quatre ans avant l'invasion de l'Ukraine. Depuis, l'Otan a réaffirmé, à plusieurs reprises, qu'elle était une alliance nucléaire. Et les représentants des pays de l'Otan avancent l'argument de la dissuasion nucléaire pour empêcher Poutine de lancer de nouvelles attaques en Europe. Aucun membre de l'organisation n'a adhéré au traité d'interdiction des armes nucléaires.
Si le Conseil fédéral devait malgré tout se prononcer en faveur de l'adhésion en mars, il ne se contenterait pas de «remettre en question la doctrine de sécurité des partenaires les plus pertinents pour la Suisse», comme l'indiquait déjà l'analyse de 2018, mais «attaquerait même directement ces partenaires au moyen d'un agenda de stigmatisation». Il est évident que cela compliquerait la collaboration avec les membres de l'Otan.
L'UDC est prête à accepter une alliance avec la gauche et les organisations pacifistes. Par exemple, avec la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (en anglais International Campaign to Abolish Nuclear Weapons, abrégé en ICAN), qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2017. Elle veut lancer, en Suisse, une initiative pour l'interdiction des armes nucléaires d'ici le mois d'avril.
Interrogé à ce sujet, Fabian Molina, responsable de la politique étrangère au sein du Parti socialiste, explique qu'il est «heureux que l'UDC reconnaisse l'importance du désarmement nucléaire pour la sécurité de la Suisse, car l'interdiction des armes nucléaires est le seul moyen d'écarter durablement le danger d'une guerre nucléaire destructrice. Il n'y a pas de parapluie nucléaire› de l'Otan. En cas d'escalade nucléaire, il n'y a que des perdants». Néanmoins, même au sein du PS, on calcule le facteur de protection de l'Otan, selon les besoins. Ainsi, le conseiller national Pierre-Alain Fridez a déclaré cette semaine à la RTS:
Les inquiétudes seraient plus grandes si nous étions à la place de l'Estonie.
Lorsque le Conseil fédéral décidera de la marche à suivre d'ici mars, les conseillers fédéraux UDC Guy Parmelin et Albert Rösti seront scrutés à la loupe. Seront-ils favorables à l'interdiction des armes nucléaires? La position de Viola Amherd, la ministre de la Défense, n'est pas non plus claire: en 2018, en tant que conseillère nationale, elle a encore approuvé la motion pour l'interdiction des armes nucléaires.