Baisse du pouvoir d'achat en Suisse: «C'est une situation grave»
Le pouvoir d'achat des Suisses en a pris un coup. C'est ce qui ressort du dernier sondage watson réalisé en collaboration avec l'Institut Demoscope et publié ce jeudi. Les foyers disposant de moins de 5000 francs et les personnes âgées sont les plus touchés. En cause: l'assurance-maladie, les impôts, les loyers et le renchérissement du prix des biens alimentaires.
La dégringolade a eu lieu, pour la plupart de nos 7000 sondés, dans les deux à cinq dernières années. Les économies fondent au soleil et même la classe moyenne commence à éprouver des difficultés, indique notre sondage.
Quelles solutions proposer pour aider les Suisses? On fait le point avec trois personnalités politiques présentes à Berne.
Une «situation grave»
C'est l'éléphant dans la pièce. Chaque année, les primes d'assurance-maladie prennent un peu plus l'ascenseur. Les résultats de notre sondage ne surprennent que peu Samuel Bendahan, chef de groupe socialiste aux Chambres fédérales. «Ces chiffres sont parfaitement cohérents avec les résultats d'études récentes», indique celui qui est économiste en-dehors du Parlement.
Pour le socialiste, la situation était d'abord visible pour les plus précarisés, mais «la classe moyenne est aujourd’hui très fortement affectée par la croissance des charges». «De nombreux ménages gagnent juste assez pour payer les factures», dit-il.
Un signe inquiétant, selon le Vaudois, est le fait que toutes les tranches d'âges jugent que leur pouvoir d'achat est en diminution, les plus pauvres comme la classe moyenne. «Habituellement, cette valeur augmente au fil de la vie, car les gens progressent dans leur carrière et leur revenu augmente», analyse-t-il.
Pour le Parti socialiste (PS), la priorité reste d'alléger les primes maladie: le congrès du parti a accepté, le 25 octobre, l'initiative sur des primes d'assurance-maladie liées au revenu. «Le texte est en préparation et nous allons recueillir les signatures l'année prochaine», annonce Samuel Bendahan, combatif.
«Je suis en train de changer d'avis»
Plus au centre de l'échiquier politique, le conseiller national Sidney Kamerzin (Centre/VS) se dit contre l'idée d'indexer les primes sur le revenu, «un genre de nouvel impôt», estime-t-il. Mais le centriste a toutefois mis de l'eau dans son vin au sujet de certaines solutions proposées par la gauche, à commencer par le plafonnement des primes à 10%.
«J'y ai longtemps été réticent, mais l'incapacité du Parlement à régler la question des coûts de la santé à Berne me fait changer d'avis», explique le Valaisan.
Au Centre, on reconnaît le problème sans vouloir toucher aux bases du système en place. Le parti avait proposé une initiative pour réduire les coûts de la santé, balayée par le peuple en juin 2024. Depuis cet échec, la formation n'a pas relancé d'initiative sur la question.
Mécaniquement, ce sera à la collectivité de mettre la main à la pâte — l'impôt, donc. Mais inutile de les augmenter pour autant, estime Sidney Kamerzin. Le Valaisan se demande toutefois si une caisse publique cantonale, en compétition avec les privées, pourrait fonctionner.
Ce serait la seule façon de voir «si les coûts bureaucratiques ou administratifs seront élevés ou pas».
«Hausse de la démographie»
Le plafonnement des primes à 10%, qui semble séduire une partie du Centre, n'intéresse toutefois pas l'UDC: «Je constate que cette mesure grève les comptes de l’Etat de Vaud, qui se demande comment réformer ce système qui coûte presque un milliard de francs», lâche la vice-présidente du parti et conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE).
La Genevoise qu'il faut «combattre les symptômes et non la maladie». «La hausse des primes témoigne de notre rapport à la santé», analyse-t-elle.
On l'aura compris, la Genevoise est déjà en campagne pour l'initiative «Pas de Suisse à dix millions». «Depuis 20 ans, nous faisons face à la plus grande explosion démographique de notre histoire et nos infrastructures peinent à suivre.»
Dumping salarial des frontaliers
Pour la vice-présidente de l'UDC, les infrastructures hospitalières ne sont pas le seul domaine à souffrir de l'immigration de masse, «le nombre de logements disponibles, qui cause la hausse des loyers, également».
Pour la vice-présidente du parti, tant la baisse du pouvoir d'achat que la pression sur les loyers sont «une conséquence directe de la libre circulation des personnes avec l’UE qui permet à la Suisse de prospérer, mais qui ne permet pas aux Suisses de profiter de cette prospérité.»
Les milliardaires en cause
La libre circulation, le problème? Pour Samuel Bendahan, c'est plutôt l'accumulation des capitaux qui est en cause: «Deux tiers de la nouvelle richesse créée est accaparée par moins d'1% de la population. Le contrôle de la société est de plus en plus pris par des milliardaires, en Suisse comme à l'étranger.
«Les gens sont fiers de contribuer à la réussite de la Suisse, mais aussi de pouvoir ensuite en profiter. Hors, ceux qui bossent créent de la valeur mais n'ont plus rien à se mettre dans la poche», lâche-t-il.
Il faut «arrêter de tout bloquer»
Les riches, les frontaliers? Pour Sidney Kamerzin, c'est surtout la bureaucratie qui pose problème et grippe le système, notamment pour «l'agriculture, et donc l'alimentation».
Pareil pour le logement. Si le Valaisan ne pointe pas l'immigration du doigt, il reste loin des solutions favorisées dans les communes urbaines de gauche, comme les logements sociaux ou subventionnés. Le centriste se veut pragmatique. C'est simple: il faut construire, et vite.
«On ne peut pas lutter contre les prix du marché, sans imposer un interventionnisme étatique», abonde Céline Amaudruz, également sur la question du renchérissement. «L’histoire rappelle que les Etats interventionnistes génèrent finalement plus de problèmes que le libre marché. Il faut moins de prélèvements obligatoires.»
