La plupart des politiciens sont d'accord sur le fait qu'il y a trop d'hôpitaux en Suisse. Une concentration des soins hospitaliers est certes en cours, comme l'a déclaré la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider mercredi au Conseil des Etats. «Le nombre de lits diminue. Et il y a un mouvement des petites structures vers les plus grandes».
Mais cette politique des petits pas ne suffit pas aux sénateurs: à une écrasante majorité de 41 voix contre 2, sans la moindre opposition dans l’hémicycle, ils ont décidé d’accroître la pression. Désormais, les cantons ne devront pas seulement coordonner la planification hospitalière, mais aussi harmoniser les mandats de prestations au sein de leurs régions de soins. Et s’ils ne s’exécutent pas, la Confédération prendra les rênes de la planification.
Ce choix constitue une petite révolution dans la politique de santé suisse. Jusqu’à présent, la Constitution conférait aux cantons la responsabilité de l’organisation des soins. Et ceux-ci défendaient farouchement cette prérogative, même au niveau national. Début 2024, le directeur de la santé du canton de Thurgovie, Urs Martin, était encore convaincu qu’un projet de planification interrégionale «échouerait au plus tard au Conseil des Etats».
Et pourtant, ce même Conseil des Etats a opté pour un durcissement. Les raisons sont évidentes: les dépenses hospitalières représentent près d’un tiers des coûts de santé, qui approchent les 100 milliards de francs suisses par an. Dans certaines régions où la densité hospitalière est particulièrement élevée, une meilleure coordination semble indispensable.
La sénatrice UDC Esther Friedli (SG), porte-parole de la commission compétente, a résumé la problématique:
Faute de concertation, l’offre hospitalière est étendue de manière anarchique, entraînant des surcapacités, des traitements superflus et, in fine, une hausse des coûts. «Il est désormais impératif d’imposer aux cantons une planification à l’échelle interrégionale», a-t-elle insisté.
En d’autres termes, la patience des élus fédéraux a atteint ses limites. La politique nationale ne veut plus tolérer l’atermoiement des cantons. De leur côté, les directeurs cantonaux de la santé voient cette décision d’un mauvais œil. Dans une récente tribune, le directeur de la santé de Bâle-Ville, Lukas Engelberger, a rappelé que les coûts hospitaliers stationnaires n’avaient pratiquement pas augmenté ces dernières années.
Selon lui, il existe d’autres leviers pour préserver la concurrence tout en évitant les surcapacités. Il cite notamment la restriction des droits de recours des hôpitaux privés lorsqu’un canton leur retire un mandat de prestations, ou encore l’interdiction pour ces établissements non listés sur les plans hospitaliers cantonaux de facturer leurs services via l’assurance maladie obligatoire.
Les tentatives de lobbying ont été tardives – voire inefficaces. Peut-être même que les gouvernements cantonaux ont été pris de court: la commission du Conseil des Etats a élaboré cette proposition en janvier, et deux mois plus tard, elle a été approuvée par la première chambre de délibération. Un rejet au Conseil national semble peu probable.
Le calendrier serré n’a rien d’un hasard, comme l’explique Esther Friedli:
Le Conseil des Etats veut donc accélérer les choses et pousser les cantons à réagir.
D’autres propositions encore plus strictes sur la planification hospitalière interrégionale sont en discussion au Parlement. Esther Friedli précise que la commission les met en attente, laissant aux cantons jusqu’à la fin de l’année pour agir. Mais l’avertissement est clair: les directeurs cantonaux de la santé sont mis sous pression.
Il n'y a pas que cette nouvelle menace qui prouve que le vent a tourné au Conseil des Etats. Une intervention du conseiller aux Etats grison Martin Schmid (PLR) sur la collaboration des cantons en matière de médecine spécialisée fait également dresser l'oreille. «Jusqu'à présent, je me suis toujours opposé à ce que l'on planifie les soins hospitaliers au niveau national». Il dit s'être toujours engagé pour protéger la souveraineté des cantons à cet égard. Mais il se demande désormais si une planification nationale ne serait pas «plus cohérente et efficace».
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci