Sarah Regez, responsable de la stratégie des Jeunes UDC Suisse (JUDC), a participé en mai 2023 à une rencontre avec Martin Sellner, activiste d'extrême-droite autrichien. Selon le Sonntagsblick, cette réunion en petit comité n'a regroupé que quelques membres triés sur le volet, parmi lesquels des membres du groupe d'extrême-droite suisse Junge Tat.
Si le groupe lui-même ne se considère pas comme extrémiste, il est toutefois surveillé par le Service de renseignement de la Confédération (SRC). Certains de ses membres ont été condamnés pour discrimination et incitation à la haine.
Ce n'est pas la première fois que le positionnement des Jeunes UDC vis-à-vis de Junge Tat provoque des tensions au sein du parti. Il y a une semaine, Martin Sellner a été arrêté par la police alors qu'il participait à une manifestation de Junge Tat en Argovie.
Les JUDC d'Argovie ont rapidement réagi, exprimant leur solidarité avec l'activiste autrichien et considérant son arrestation comme une attaque contre la liberté d'expression. Mais la direction cantonale de la section jeune du parti n'était pas la seule à réagir. Des membres sont sortis du bois pour lancer des appels à la démission, forçant la section à prendre ses distances avec Junge Tat.
La division apparue au grand jour au sein des Jeunes UDC argoviens ne préfigurait en fait que les tensions qui allaient vite apparaître au niveau national. Les révélations du Sonntagsblicks au sujet de la rencontre entre Sarah Regez et Martin Sellner a de nouveau fait des vagues au sein du parti. Alors que la direction des JUDC Suisse refuse de se distancer de Junge Tat, six sections cantonales ont pris position contre elle dans un communiqué commun:
Dans leur communiqué, les sections cantonales se disent «profondément préoccupées» par la participation de Sarah Regez à cette réunion secrète. Elles considèrent qu'une «éventuelle démission ou exclusion de la direction du parti» doit être envisagée.
A l'image de Michael Kahler, le président des Jeunes UDC schaffhousois. Il estime que les six sections cantonales ayant signé la lettre veulent «préserver l'intégrité et l'orientation politique de notre parti».
Les six sections cantonales ayant signé le communiqué avaient déjà eu des contacts étroits à ce sujet par le passé, ce qui explique leur réactivité, explique-t-il. Ce qui voudrait dire que d'autres section pourraient les rejoindre. Michael Kahler indique que le sujet devrait être abordé lors de la prochaine réunion du comité directeur du parti.
D'autres sont plus virulents. Demi Hablützel, présidente des JUDC de Bâle-Ville, souligne que les membres de son parti cantonal ont été sensibilisés aux questions des relations avec l'extrême droite depuis longtemps et qu'il est désormais urgent que la direction du parti fasse de même.
La direction des Jeunes UDC, parlons-en. Nils Fiechter, le fraîchement élu nouveau président des Jeunes UDC, en poste depuis le 11 mars dernier, préfère pour l'instant temporiser:
La prochaine réunion du comité directeur des Jeunes UDC devrait être l'occasion pour lui de prendre position. Mais Nils Fiecther n'est pas le seul à garder le silence: plus haut dans la hiérarchie, au sein du «parti-mère», le silence radio est le même.
Le nouveau président de l'UDC Suisse Marcel Dettling et le chef du groupe UDC aux Chambres fédérales, Thomas Aeschi, ont également répondu «no comment» à nos sollicitations. Marcel Dettling a sobrement rappelé que «le parti n'est tenu que par son programme».
L'affaire fait aussi quelques vagues à Bâle-Campagne, le canton d'origine de Sarah Regez, qui a tout de même un certain poids dans la politique cantonale: elle a terminé troisième sur la liste UDC lors des élections fédérales d'octobre dernier. Cela fait d'elle la «vient-ensuite», deux conseillers nationaux UDC ayant été élus pour ce canton.
Contacté, le vice-président de la section cantonale, Johannes Sutter, a condamné la rencontre entre Regez et Sellner et appelé la Jeune UDC à prendre ses distances avec la Junge Tat. Pour autant, il n'estime pas avoir besoin de prendre de mesures. «Les statuts de la section cantonale prévoient la possibilité d'une exclusion, mais nous en sommes encore loin dans le cas de Sarah Regez», a-t-il commenté. Les deux agrariens doivent se rencontrer prochainement pour évoquer la situation.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci