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Impôts: le projet du Conseil fédéral «punit» les couples mariés

L'introduction de l'imposition individuelle n'est pas une priorité pour la ministre des Finances Karin Keller-Sutter – la magistrate du PLR ne cherche d'ailleurs pas à le cacher. S ...
La ministre des Finances, Karin Keller-Sutter a présenté un projet pour réformer l'impôt. pour les couples mariés.Image: shutterstock/keystone/watson/

Impôts: ces ménages qui seront «punis» par le Conseil fédéral

Le Conseil fédéral prévoit de taxer individuellement les couples mariés pour éliminer la pénalité fiscale du mariage et favoriser l'emploi féminin, mais à un rythme lent.
22.02.2024, 11:5522.02.2024, 15:57
Doris Kleck / ch media
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L'introduction de l'imposition individuelle n'est pas une priorité pour la ministre des Finances Karin Keller-Sutter – la magistrate du PLR ne cherche d'ailleurs pas à le cacher. Si elle a tout de même présenté un projet de loi au Conseil fédéral mercredi, c'est uniquement sous la pression extérieure.

  • D'une part, ses collègues de parti, les Femmes PLR, demandent par le biais d'une initiative populaire que les couples mariés soient à l'avenir également taxés individuellement et que chacun remplisse sa propre déclaration d'impôt.
  • D'autre part, le Parlement a déjà demandé au Conseil fédéral, lors de la dernière législature, de changer de système; les couples mariés ne doivent plus être considérés comme une communauté économique en matière d'imposition.

Et comme Karin Keller-Sutter l'a assuré, mercredi: «Nous remplissons bien sûr tous les mandats du Parlement». Certains plus rapidement que d'autres. Et en ce qui concerne l'imposition individuelle, les choses risquent d'aller très lentement.

Pourquoi ça sera lent?

Les cantons demandent un délai de mise en œuvre de dix ans. Et Karin Keller-Sutter veut leur accorder ce délai. Car l'imposition individuelle doit être introduite aux trois niveaux de l'Etat:

  • Confédération.
  • Cantons.
  • Communes.

Cela implique des adaptations des systèmes fiscaux dans les 26 cantons – la manière dont ils aménagent les barèmes restera de leur ressort.

Mettre fin a une inégalité vieille de 40 ans et faire bosser les femmes

Lors de sa séance de mercredi, le Conseil fédéral a décidé de comment il envisageait la mise en œuvre de l'imposition individuelle et a adopté un projet de loi correspondant à l'attention du Parlement. Il s'agit d'un contre-projet indirect à l'initiative des Femmes PLR. Le texte du gouvernement suisse vise à supprimer la pénalisation fiscale du mariage. Pourquoi? Parce qu'en raison de la progressivité de l'impôt, les couples mariés paient plus d'impôts que les couples de concubins dans la même situation économique.

Le Tribunal fédéral a critiqué cette inégalité de traitement il y a 40 ans déjà. Désormais, l'état civil ne devrait plus jouer de rôle dans l'imposition. Le Conseil fédéral espère, en outre, que l'activité professionnelle des femmes augmentera avec ce révision, a déclaré Karin Keller-Sutter devant les médias, mercredi.

La suppression de la pénalisation du mariage fait l'objet de débats depuis des décennies. Cela s'explique en partie par le fait que chaque proposition de réforme fait des gagnants et des perdants et est liée à une vision socio-politique de la société. Il en va de même pour la proposition du Conseil fédéral. En théorie, elle devrait faire plus de gagnants que de perdants. Toutefois, certains couples mariés et concubins devront payer plus qu'actuellement.

Qui va payer plus et qui va payer moins?

Parmi les couples mariés qui paieraient moins d'impôts avec la réforme, on trouve surtout ceux dont les revenus sont répartis de manière plus ou moins égale (ainsi que les retraités). Deux exemples:

  • Un couple sans enfants avec un revenu total de 150 000 francs, dont l'un contribue à 60% du revenu et l'autre à 40%, paierait désormais 2139 francs d'impôts fédéraux directs au lieu de 3684 francs aujourd'hui.
  • Un couple avec le même revenu, mais avec une répartition de 90% et 10%, devrait verser 5562 francs à la caisse fédérale.

En d'autres termes, la Confédération «punit» les ménages à revenu unique ou les familles organisées de manière traditionnelle. La raison en est la déduction pour enfants, qui doit désormais s'élever à 12 000 francs et être répartie par moitié entre les conjoints. Pour les couples dont l'un des partenaires n'a pas de revenu ou seulement un revenu faible, la déduction pour enfants a moins d'effet. Pour les revenus bas et moyens, la Confédération atténue quelque peu la charge supplémentaire pour les modèles familiaux traditionnels – grâce à la baisse du barème fiscal.

Le même effet est observé pour les couples mariés avec deux enfants. Les couples avec une répartition des revenus 60/40 et un revenu total de 150 000 francs paieraient environ 1500 francs d'impôts fédéraux en moins. Les couples avec une répartition 90/10 environ 1500 francs en plus. C'est pour les très hauts revenus que la réforme aurait le plus d'effets positifs. Un couple avec des enfants et un revenu total de 250 000 francs, avec une répartition égale des revenus, pourrait économiser près de 7000 francs par rapport à aujourd'hui.

Et maintenant que se passe-t-il?

Le projet va être débattu au Parlement. Voici les camps:

  • L'UDC et Le Centre privilégient l'imposition des couples mariés en tant que communauté économique et s'opposent à l'imposition individuelle, tout comme 21 cantons.
  • Parmi les partisans, on trouve le PLR, les Vert'libéraux, le PS et les Verts – bien que cette coalition soit fragile. Le PS dit certes oui sur le principe, mais qualifie d'«inacceptables» les pertes fiscales d'un milliard de francs, rien que pour l'impôt fédéral direct. Le PLR et les Vert'libéraux sont les plus fervents défenseurs du projet. Les deux partis y voient une réponse à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée et aussi à l'évolution de la société, car l'imposition individuelle supprime les incitations négatives au travail pour les deuxièmes revenus, le plus souvent des femmes.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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