C'est une phrase qui pourrait aujourd'hui lui revenir en pleine face: «Personne ne doit pâtir des dépenses supplémentaires de l'armée», avait déclaré la ministre de la Défense Viola Amherd en mai 2022. Il était alors question d'augmenter le budget de l'armée. D'ici 2030, celui-ci doit passer à 1% du produit intérieur brut (PIB), comme l'a décidé le Parlement quelques semaines après l'attaque russe contre l'Ukraine.
A cette même époque, Viola Amherd avait aussi affirmé:
C'était en fait une illusion. La déclaration de la conseillère fédérale se référait au budget 2023, justifie le département de la Défense.
La Valaisanne évoquait bel et bien l'année 2023, mais aussi les suivantes. A l'époque, les aspects financiers n'intéressaient que peu. Même le montant n'était pas clair: il était d'abord question d'une augmentation à environ 7 milliards de francs.
Néanmoins, le PIB a crû entretemps, faisant grimper d'autant le budget de l'armée. Selon l'Administration fédérale des finances, il devrait ainsi passer de 5,5 à 9,5 milliards (en 2030) et 10,5 milliards (en 2035) pour atteindre cet objectif de 1%.
De telles sommes ne tombent pas du ciel, même au niveau fédéral. L'Administration des finances l'a fait savoir cette semaine: il faut donc s'attendre à des déficits de plusieurs milliards à partir de 2025, et à moyen terme, ce sont surtout l'AVS et l'armée qui feront grimper les dépenses. C'est pourquoi des «mesures concernant les recettes» devront aussi être examinées. Pour le moment, pas davantage d'informations. Le Conseil fédéral, lui, ne s'est pas encore prononcé à ce sujet, explique une porte-parole.
Une augmentation des impôts pour l'armée? De quoi placer le camp bourgeois face à un dilemme. Le conseiller aux Etats UDC bernois Werner Salzmann s'oppose à cette idée.
C'est pourtant ce que fait déjà la Confédération.
Pour Werner Salzmann, il ne faut en aucun cas s'écarter du mandat du Parlement d'augmenter le budget de l'armée à 1% du PIB d'ici 2030. «Il s'agit de rétablir le plus rapidement possible la capacité de défense de l'armée et donc d'offrir aux militaires une formation crédible», dit-il. C'est une priorité, «car nous ne savons pas comment la situation sécuritaire en Europe évoluera dans 10 à 15 ans».
L'Alémanique propose dans une intervention que l'augmentation des dépenses de l'armée puisse également être comptabilisée de manière extraordinaire. Ainsi, le frein à l'endettement ne serait pas touché. La Confédération estime que cela n'est pas admissible.
Werner Salzmann rétorque:
Selon lui, ces dépenses extraordinaires se justifient.
Pour le conseiller aux Etats PLR uranais Josef Dittli, le Conseil fédéral doit examiner toutes les mesures relatives aux recettes. Il n'exclut donc pas totalement des augmentations d'impôts, mais elles doivent intervenir en dernier recours. Dittli fait toutefois remarquer que les recettes pourraient rapidement évoluer positivement si les bénéfices de la Banque nationale étaient à nouveau distribués. «Cela permettrait tout à fait d'atteindre l'objectif de 1% du PIB dès 2030».
La socialiste soleuroise Franziska Roth souhaite en revanche que le Parlement corrige sa décision.
Des économies dans d'autres domaines sont tout aussi inacceptables. L'armée doit être équipée de manière adéquate face aux risques réels pour garantir la sécurité de la Suisse.
Mais cela n'implique pas nécessairement d'augmenter les dépenses, selon Franziska Roth.
Le Vert soleurois Felix Wettstein abonde dans ce sens: «Si l'on veut atteindre 1% du PIB, cela ne se fera pas sans de nouvelles sources de revenus». Sinon, il faudrait procéder à des coupes importantes dans d'autres domaines, ce qui ne réunirait pas une majorité ou conduirait à ne pas mettre en œuvre les décisions du peuple et du Parlement.
De son point de vue, les dépenses de l'armée doivent être revues à la baisse et ne pas grimper aussi abruptement que la majorité bourgeoise l'a décidé.
Les partisans d'une hausse rappellent en revanche que l'objectif promu par l'Otan est de 2% du PIB. C'est d'abord le Conseil fédéral qui a la main sur la suite des événements: il veut définir des lignes directrices au cours du premier semestre 2024 pour équilibrer les finances à long terme également.
Traduit par Valentine Zenker