A votre avis, combien d'habitants supplémentaires peuvent être accueillis en Suisse? Les spécialistes ont souvent du mal à répondre à cette question.
Après le changement de millénaire, l'Office fédéral de la statistique ne prévoyait, même dans le scénario maximal, que 8,7 millions d'habitants en 2060. La Suisse a franchi ce seuil il y a deux ans, soit 39 ans plus tôt que prévu. Aujourd'hui, environ 8,8 millions de personnes résident dans notre pays.
La barre des neuf millions est à portée de main cette année. L'UDC s'inquiète déjà d'une Suisse à dix millions d'habitants et en profite: elle a fait de l'immigration son thème de campagne et travaille à une nouvelle initiative de limitation.
Face à la croissance démographique, la question se pose inévitablement: à combien de personnes la Suisse peut-elle offrir un foyer?
La société de conseil immobilier Wüest Partner a une réponse. Selon ses calculs, le pays a de la place pour 2,73 millions d'habitants supplémentaires par rapport aux chiffres de 2020. La Suisse compterait donc 11,4 millions d'habitants.
Les cantons offrent un supplément d'espace très différent les uns des autres. La tendance est la suivante: plus un canton est aujourd'hui peuplé, plus il peut accueillir d'habitantes supplémentaires.
Avec 1,55 million d'habitants, Zurich est le canton le plus peuplé de Suisse. C'est aussi celui qui offre le plus de place pour des habitants supplémentaires. Sa population pourrait ainsi croître de 450 000 personnes par rapport à 2020. Berne, Vaud et Tessin suivent. Voici combien de personnes chaque canton peut accueillir, selon les calculs de Wüest Partner:
Deux aspects sont importants pour pouvoir comprendre les chiffres avancés:
Les chiffres de la société de conseil apportent donc une réponse à la question suivante: pour combien de personnes est-il possible de créer des logements dans les conditions actuelles?
Si de nouvelles surfaces étaient classées en zone constructible - ou si la population se contentait de moins de surface par habitant, la Suisse pourrait donc accueillir plus de 11,4 millions de personnes.
L'estimation du nombre total d'habitants dépend de nombreux paramètres. Il n'est donc guère étonnant que d'autres chercheurs parviennent à des conclusions différentes. Sibylle Wälty, chercheuse en développement territorial à l'EPF de Zurich, estime qu'il y a de la place pour une population allant jusqu'à 16 millions d'habitants – et ce, avec une qualité de vie identique, voire meilleure, comme elle l'a assuré à la SRF. La condition préalable serait une densification conséquente des lieux centraux.
Qu'il y ait un jour 11,4 ou 16 millions de personnes, une chose est sûre. Nous devons gérer l'espace disponible avec parcimonie.
Mais où se cache cette place supplémentaire?
Un grand potentiel inutilisé se trouve dans les zones d'habitation. Ce n'est pas pour rien que Wüest Partner appelle son instrument de calcul «radar de densité». Il peut s'agir d'espaces vides, de sites industriels en friche et des bâtiments pouvant être agrandis.
Une équipe de recherche de l'EPF de Zurich est même arrivée à la conclusion que les réserves intérieures permettent d'accueillir nettement plus d'habitants supplémentaires que les zones à bâtir non construites en rase campagne.
Il y a six ans, cette étude avait conclu à une capacité supplémentaire de 1,0 à 1,8 million d'habitants en Suisse. C'est moins que Wüest Partner, notamment parce qu'elle partait du principe que la surface par habitant était plus importante. Les chercheurs de l'EPFZ ont en outre décomposé les potentiels en fonction des types de communes.
Résumons:
Nous avons maintenant une vue d'ensemble de ce qui est possible en termes d'habitants. Mais des questions restent en suspens, à commencer par la suivante: la Suisse va-t-elle vraiment connaître une croissance aussi forte?
L'Office fédéral de la statistique prévoit, dans un scénario moyen, 10,44 millions d'habitantes en 2050.
Le démographe Hendrik Budliger est d'un autre avis. Il estime que les scénarios sont trop optimistes, il affirme dans la Sonntagszeitung:
Et ce, notamment parce que le nombre de personnes en âge de travailler va bientôt baisser rapidement et que l'immigration pourrait diminuer.
En revanche, l'ancien professeur de l'EPFZ Matthias Finger, qui a étudié l'infrastructure suisse pendant des décennies, parle déjà d'une Suisse à dix millions d'habitants.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)