Felix Schneuwly, les primes augmentent de 6%. Cela vous surprend-il?
Non, nous avons prévu une telle croissance dès l'été.
Pourquoi les primes augmentent-elles si fortement?
C'est en fait un paradoxe: depuis trois ans, les primes augmentent plus que les coûts. La raison est que nous avons réduit les réserves sous la pression politique, ce qui a entraîné une stagnation à court terme des primes, et les caisses maladie doivent maintenant rattraper ce retard. Résultat: les primes fluctuent plus que les coûts.
Si les réserves n'avaient pas été réduites en 2021 et 2022, payerions-nous moins de primes aujourd'hui?
Non. En fin de compte, nous paierions le même montant pour nos primes. Mais l'augmentation ne serait pas aussi brutale, elle se situerait en moyenne autour de 3%.
La constitution de réserves a également été évoquée lors des deux dernières heusses de primes. Celles-ci ne seront-elles pas bientôt reconstituées?
Nous l'avons déjà vu par le passé avec Ruth Dreifuss et Pascal Couchepin (réd: deux ex-ministre de la Santé). Chaque fois que les réserves ont été réduites, il a fallu du temps pour que le retard soit compensé. La croissance des primes pour l'année prochaine est donc correctement estimée.
Les caisses maladie continuent de puiser dans leurs réserves. Il faut que cela cesse. Car cela entraîne un effet indésirable au niveau des placements: s'il y a peu de réserves, une caisse maladie ne peut pas les placer de manière à pouvoir subventionner quelque peu les primes.
Même avec de grandes réserves, les primes d'assurance maladie auraient augmenté. Pourquoi?
Les gens reçoivent davantage de prestations de santé. Mais ce n'est qu'une des raisons. Dans le passé, c'était surtout la croissance des volumes qui faisait grimper les coûts. Maintenant, nous constatons que la hausse des prix se répercute sur les primes.
Comment expliquez-vous que les gens reçoivent de plus en plus de prestations?
Nous constatons actuellement un phénomène, notamment chez les jeunes, qui consultent leur médecin pour des troubles diffus. Un tel traitement est coûteux, car il est difficile de trouver les causes des troubles. Les patients exigent également que tout soit clarifié et examiné. En Suisse, nous disposons des appareils nécessaires à cet effet. L'exigence actuelle est que le médecin doit prouver que le patient est en bonne santé. La santé évolue vers une attitude de consommation. Or, il est impossible d'assurer cette exigence.
Le Parlement discute de différentes adaptations, comme une augmentation de la franchise minimale. S'agit-il d'une bonne solution, selon vous?
Les franchises n'ont pas été adaptées depuis longtemps et ont donc perdu de leur efficacité. Il serait important de les adapter afin de responsabiliser davantage les payeurs de primes. Mais cette modification est délicate du point de vue de la politique sociale. Il serait préférable d'adapter le catalogue de prestations.
Les patients devront tout au plus payer davantage via une taxe mineure de 50 francs s'ils se rendent aux urgences de l'hôpital.
Le Parlement en discute depuis sept ans. C'est un super exemple de microgestion. Une telle taxe est complexe parce qu'il faut définir l'urgence médicale. Cela n'engendre que des ennuis et de la frustration, car une urgence dépend aussi de la perception du patient. 80% des assurés ont un modèle d'assurance alternatif et ne peuvent ni consulter directement des spécialistes ni se rendre aux urgences pour des bagatelles. Avec l'assurance de base standard, on a un accès direct et on paie des primes plus élevées. Il serait préférable d'augmenter les franchises ou de conclure des contrats pluriannuels.
N'avons-nous pas un problème de société si les gens vont plus souvent chez le médecin?
L'attitude vis-à-vis de la santé a changé. C'est le revers de la médaille du développement de l'Etat social: si tout est assuré, je ne dois plus m'en occuper moi-même. Cela se traduit par exemple par la critique selon laquelle les caisses d'assurance maladie ne feraient pas assez pour promouvoir ma santé. Je trouve ce reproche très étrange: que je ne m'occupe de ma santé que si quelqu'un la prend en charge financièrement.
La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider a repris le dossier d'Alain Berset. Où peut-elle intervenir?
La situation désormais plutôt favorable. La nouvelle conseillère fédérale est moins rigide que son prédécesseur (réd: Alani Berset). Elle est détendue dans ses interactions avec les parlementaires et les représentants des secteurs, ce qui facilite la recherche de solutions. Cependant, il faut reconnaître que le bilan des douze dernières années est désastreux. Le Parlement n'a jamais autant réglementé - et pourtant, il n'a rien obtenu. Les coûts continuent d'augmenter fortement. Parallèlement, le travail administratif a fortement augmenté.
Cela entraîne également de nombreux départs et aggrave la pénurie de personnel qualifié. C'est pourquoi les réglementations de ces dernières années ont fait plus de mal que de bien. La conseillère fédérale devrait donc corriger les erreurs les plus grossières et donner plus de liberté à la branche.