Aussi loin que remontent mes souvenirs d'adulte, qui soupire devant la boîte aux lettres et qui paie ses factures, j'ai toujours vécu le fameux ras-le-bol de fin septembre. L'annonce de la hausse des primes maladie. Cette sensation aigre-douce qu'on nous la fait à l'envers, encore et encore.
J'ai 31 ans (hum, 32*) et chaque année, ma prime augmente, entre quelques francs et quelques dizaines de francs. Pour autant, j'ai toujours fait ce qu'on m'a demandé: une franchise à 2500 francs, l'option médecin de famille et molo sur les rendez-vous.
Là encore, les rares fois où j'ai vraiment besoin de consulter, il n'y a pas de place avant plusieurs jours et dans l'intervalle, ça a fini par aller mieux tout seul. Je vais chez le dentiste en pestant parce qu'on vit dans un pays où les dents, du point de vue de l'assurance de base, ne sont manifestement pas rattachées au reste du corps. Je râle quand je prends rendez-vous chez ma gynécologue, étant «malheureusement» pourvue d'un utérus. J'ai toujours 2500 francs de côté, «au cas où». Et je me félicite d'avoir une complémentaire, car d'autres, plus âgés ou plus endommagés que moi, se voient refuser leurs demandes.
Je fais «tout comme on m'a demandé», et pourtant, chaque année, j'ai l'impression d'être punie. Et vous?
Même avec des explications plus ou moins rationnelles sous les yeux, difficile de comprendre, d'entendre pourquoi les primes augmentent chaque année. Pêle-mêle, voilà ce qu'en disent Chantal et Bernard, ce qu'on en dit vous et moi, quand ça cause de la hausse des primes maladie:
Et puis en même temps, taper sur les vilains assureurs, les vilains médecins surfactureurs, les vilains patients surconsommateurs et les vilains politiciens jacasseurs, ça ne fait pas avancer le schmilblick. On se fait juste tous un peu plus la gueule, sans solution.
Mais alors, qu'est-ce qui fait bel et bien avancer ledit débat? Les idées pour faire baisser la charge financière des ménages ne manquent pas. Le parti socialiste souhaite par exemple indexer les primes sur les salaires. Selon la conseillère nationale PS de Bâle-Campagne Samira Marti:
En revanche, les riches passeraient à la caisse. Une idée qui suscite le scepticisme du côté du Centre. Pour le conseiller d'Etat bâlois du Centre, Lukas Engelberger, qui préside la Conférence des directeurs cantonaux de la santé:
La gauche n'est pas la seule à défendre l'idée de lier le montant des primes à celui du revenu. Le directeur bernois de la Santé Pierre-Alain Schnegg, UDC, propose lui aussi que les personnes qui gagnent bien leur vie paient des primes plus élevées.
En parallèle, un projet de caisse unique n'est pas complètement abandonné, et ce, même si des initiatives similaires ont toutes été rejetées par le passé. Une caisse maladie unique n'est peut-être pas la bonne solution, «mais elle vaut la peine d'être envisagée», déclare Anne-Geneviève Bütikofer, la directrice de l'association faîtière des hôpitaux H+ dans les colonnes du SontagsBlick.
Selon un sondage réalisé (l'été 2023*) par watson en collaboration avec l'institut de recherche sociale DemoScope, 74% de la population souhaite une caisse maladie unique. Même du côté des sympathisants du PLR et de l'UDC, les «oui» sont plus nombreux que les «non».
Notons encore le projet d'une caisse maladie «low-cost» proposée par le PLR (au printemps 2023*). Avec cette idée, le modèle de la LAMal n'est pas remis en question selon le conseiller national valaisan Philippe Nantermod, il s'agit de proposer l'ensemble des prestations «dans un cadre moins luxueux que celui que l'on peut connaître dans certains hôpitaux». Avant ça, le vice-président du PLR Suisse avait déjà émis l'hypothèse de mettre en place un système de «coupe-file» à l'hôpital.
Mais c’est quoi le problème ?
— Philippe Nantermod (@nantermod) March 7, 2023
L'an dernier*, le Parlement a refusé d'augmenter les déductions dans leur déclaration de l'impôt fédéral direct pour les primes.
Au milieu de toutes ces idées, qu'on y adhère ou pas, Monsieur Prix n'est pas content. Stefan Meierhans s'inquiète, et nous aussi. Et pour autant, rien n'avance.
L'annonce de la hausse de ma prime ne changera sûrement rien à ma façon de fonctionner. Je continuerai à aller le moins souvent possible chez le médecin, je continuerai à me fâcher quand je dois aller chez le dentiste, je continuerai à avoir une franchise élevée en croisant les doigts. Enfin si, comme vous, je vais peut-être changer de caisse, pour avoir une hausse «moins pire».
Et au final, comparé à d'autres, «ça ira». On va baisser la tête et se la boucler en pensant à celles et ceux qui n'ont pas les moyens d'aller chez le médecin du tout, qui n'ont pas les moyens d'avoir 2500 francs de côté du tout, qui n'ont pas les moyens d'avoir une complémentaire du tout.
Et je ne sais pas vous, mais une fois de plus, je vais avoir la haine. Contre les assurances, contre les politiques, contre mon voisin hypocondriaque, contre la Terre entière. Mais pour autant, je n'aurai pas de solution, et j'aurai toujours l'impression d'être punie. Puis, ça passera et je paierai.
Allez, on en recause fin septembre 2024* 2025 (on se re-redonne rendez-vous à ce moment-là, d'acc?*). D'ici là, courage et bonne chance. Et surtout portez-vous bien, sinon vous allez raquer.