La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a été saisie de deux requêtes contre la Suisse, déposées par des activistes véganes. Ces derniers se plaignent de ne pas avoir reçu des repas conformes à leurs convictions durant leurs séjours en prison, respectivement en hôpital psychiatrique.
Le premier recourant avait été détenu en préventive à Champ-Dollon durant 11 mois à la suite du caillassage de plusieurs boucheries genevoises. La direction de la prison avait refusé de lui servir des repas vegans en dépit de ses demandes répétées. Son recours a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral en juin 2020.
Le second militant, qui a séjourné à l'hôpital psychiatrique de Cery, dépendant du CHUV, s'est joint en 2022 à la première requête déposée en 2020.
Selon un juriste impliqué dans la préparation de la requête envoyée à Strasbourg et contacté par watson, qui préfère garder l'anonymat, «la position philosophique» du détenu doit être «protégée par le droit à la liberté de conscience».
En l'occurence: selon cette logique, la prison doit fournir des repas végans à toute personne qui définit cette prise de position philosophique comme une croyance, comme un musulman qui ne mangerait pas de porc.
Selon le Guardian, qui a eu vent de l'affaire, la prison avait bien fourni au détenu concerné des repas sans viande, mais composés de salade, de riz et de pains à hamburger. Autrement dit, la nourriture restante à disposition qui ne contenait pas de viande. Pour notre juriste, le but était clair:
Selon le Guardian, l'homme a fini par développer des troubles intestinaux, notamment de la constipation, des hémorroïdes et une déficience en fer. Il a toutefois aussi refusé de prendre les traitements à base de vitamine B12 proposée par la prison parce qu'ils étaient d'origine animale. Le bras de fer a alors commencé.
Car si dans l'inconscient collectif, la prison est synonyme de pénitence ascète et austère où les caprices sont défendus, la loi est différente. Selon le juriste contacté, cela ne correspond pas à ce qui est garanti par l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Aux oubliettes donc, l'envoi expéditif de pain sec et d'eau, ou la tentation de ne nourrir le détenu que de pâtes aux tomates ou tartines de confiture.
Mais la problématique ne concerne pas que les prisons. La deuxième personne liée au recours s'est vue, elle, refuser un régime vegan dans un hôpital psychiatrique.
Pour notre juriste, le problème se retrouve d'ailleurs partout au CHUV, qui «échoue à fournir un repas équilibré vegan à ceux qui le demandent, au contraire des végétariens».
Les deux requêtes ont été prises en considération à fin septembre 2022 par la Cour européenne des droits de l'Homme à Strasbourg. Cette dernière a maintenant imparti un délai aux parties afin qu'elles argumentent sur d'éventuelles violations de la Convention.
Une admission du recours à Strasbourg pourrait aboutir à la reconnaissance du véganisme comme une conviction de nature éthique.
Si c'est le cas, selon le Guardian, près de 700 millions de personnes sont concernées au sein de 46 pays, y compris des non-européens présents au Conseil de l'Europe (Arménie, Turquie).
(acu avec l'ats)