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Proches aidants: ce secteur des soins menace les Suisses

Ce secteur des soins menace «d'exploser à la figure» des Suisses.
La croissance rapide des coûts effraie les politiques.Image: Shutterstock

Ce business de la santé menace «d'exploser à la figure» des Suisses

Depuis 2019, les soins prodigués aux proches peuvent être facturés aux caisses d'assurance maladie. Les coûts sont en forte hausse et cela nécessite une réglementation plus stricte, selon certains élus. Le Parlement devrait débattre de ce thème lors de la session d'hiver qui s'ouvre lundi à Berne.
29.11.2024, 18:52
Anna Wanner / ch media
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Le conseiller aux Etats Peter Hegglin s'inquiète. Il demande au gouvernement:

«Le Conseil fédéral est-il vraiment conscient de la gravité de la situation?»

De quoi parle l'élu centriste du canton de Zoug? Un peu de contexte s'impose.

Il se trouve que depuis qu'un arrêt du Tribunal fédéral a ouvert la voie, en 2019, au financement des prestations de soins par les proches, les coûts augmentent rapidement. Ils sont passés de 18 millions à 64 millions de francs en deux ans et demi.

Les chiffres fournis par l'association des caisses maladie Santésuisse confirment cette dynamique: «Pour 2024, les coûts des soins aux proches sont estimés à 100 millions de francs pour toute la Suisse», indique-t-elle. C'est de l'argent qui est à la charge de la caisse maladie et que les payeurs de primes doivent finalement payer. Peter Hegglin met en garde:

«Un embrasement général menace»

Mais qu'est-ce que les proches ont le droit de facturer? Le jugement du Tribunal fédéral* est clair: seuls les soins de base généraux peuvent être pris en charge par des non-professionnels. Cela signifie, entre autres, aider la personne dépendante à s'habiller, à se brosser les dents ou à manger. En revanche, les proches ne peuvent pas facturer les prestations qui relèvent de l'assistance, comme les courses, la préparation des repas ou l'aide administrative. Il en va de même pour la distribution de médicaments ou le soin des plaies – c'est l'affaire des professionnels de santé.

Malgré cela, de nombreux experts de la santé – et le Conseil fédéral avec eux – approuvent l'idée de soins prodigués par les proches, de façon à soulager la charge de travail des professionnels. La pénurie de personnel qualifié va encore s'accentuer dans les années à venir. Le mari, la mère ou la fille d'une personne nécessitant des soins doit également pouvoir effectuer des tâches simples dans le domaine des soins de base.

Un «business» en expansion

La croissance rapide des coûts effraie les politiques. L'association des caisses maladie Santésuisse compte 30 entreprises qui se sont spécialisées dans les soins aux proches. Selon les indications de Santésuisse, cela fonctionne ainsi: les entreprises engagent les proches, les conseillent et les facturent. En contrepartie, celle-ci reçoivent de l'assurance-maladie, pour chaque heure facturée, le tarif spécial de 52,60 francs prévu pour les soins.

A cela s'ajoute la contribution aux coûts résiduels du canton. En fonction du canton, cela engendre des recettes de 70 à 90 francs au total. Les organisations versent aux membres de la famille qu'elles emploient une rémunération de 30 à 35 francs. Elles encaissent elles-mêmes le reste, ce qui permet à l'organisation de financer les charges salariales, les frais administratifs et l'assurance qualité.

Un arrêt du Tribunal fédéral de 2019 a ouvert la voie à cette pratique: désormais, ce n'est plus la personne qui fournit la prestation qui doit être financée, mais la prestation elle-même. Les experts des caisses maladie parlent d'une «digue qui saute».

Peter Hegglin est également convaincu que la jurisprudence du Tribunal fédéral a ouvert «la porte à de nouveaux modèles commerciaux». Ce qui le dérange dans cette pratique, ce n'est pas seulement le financement de bénéfices privés par les payeurs de primes et les pouvoirs publics, mais une «extension des quantités avec des normes qualitatives peu claires».

«Ça va nous exploser à la figure»

L'appel à des règles claires n'est pas nouveau. Le conseiller national UDC Thomas Burgherr voulait supprimer la rémunération des prestations des proches aidants, ce que le Conseil national a rejeté de très peu. Le conseiller national du centre Thomas Rechsteiner exige en revanche des règles contraignantes.

Ainsi, les prestations de soins ne devraient être facturées à la charge des caisses maladie que dans des cas exceptionnels. Le Conseil fédéral ne veut rien savoir. Il rappelle que les cantons ont l'obligation de surveiller les organisations. En outre, le Conseil fédéral élabore un rapport afin d'avoir une vue d'ensemble.

Mais le Conseil national ne veut pas rester spectateur. «Si nous savons aujourd'hui que cette pratique nous explosera à la figure demain, nous devons dès maintenant envisager de nouvelles règles», déclare Patrick Hässig, conseiller national vert'libéral zurichois et infirmier diplômé.

Il ne s'agit pas seulement de parer à l'augmentation des primes, principal sujet de préoccupation des Suisses.

«Il s'agit aussi pour moi d'assurer la pérennité de la profession de soignant. Nous nous engageons depuis des mois pour une amélioration du statut du personnel soignant. Il n'est alors pas possible que les soignants non professionnels aient un niveau de salaire similaire à celui du personnel soignant formé et que, de surcroît, certaines entreprises amassent une fortune avec ce modèle d'affaires.»
Patrick Hässig

Le conseiller national vert'libéral entend trouver des solutions lors de la session parlementaire fédérale d'hiver qui débute lundi – et demander au Conseil fédéral d'agir.

*Arrêt du Tribunal fédéral 9C_187/2019

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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