L'affaire des psychologues-psychothérapeutes en formation s'enrichit d'un nouvel épisode. Mardi dernier, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a adressé «une lettre d'information» aux assureurs LAMal concernant l'«emploi de personnes en formation postgrade».
Derrière cette phrase quelque peu cryptique se cache un sujet très délicat. Depuis le 1er juillet 2022, les soins psychologiques sont pris en charge par l'assurance de base. Pourtant, certaines caisses maladie du groupe Santésuisse ont décidé de ne pas facturer les prestations des psychologues-psychothérapeutes en formation, affirmant que cela n'est pas permis par les bases légales actuelles.
Une décision vivement dénoncée par les principaux intéressés. Les psychologues en formation, quelque 700 en Suisse romande, suivent des milliers de patients chaque année, affirment les professionnels du secteur. A cause du refus des caisses maladie, ces jeunes thérapeutes risquent de se retrouver au chômage, et leurs patients sans suivi. Une situation qui concernerait plus de 12 000 personnes, selon des chiffres formulés en novembre dernier.
C'est par ailleurs ce qui serait en train de se produire: «Des milliers de psychologues-psychothérapeutes en formation ont perdu leur emploi dans toute la Suisse», nous confiait récemment une jeune thérapeute.
La missive de l'OFSP intervient donc dans ce contexte hautement tendu. Son objectif? «Fournir une vue d’ensemble de la situation juridique en vigueur ainsi qu’une évaluation concernant l’application du droit».
En gros, l'OFSP rappelle que les personnes en formation postgrade ne sont pas autorisées à facturer leurs actes ou prestations à la charge de l’assurance obligatoire des soins. Pourtant, elles peuvent le faire via une personne encadrante, comme c'est déjà le cas pour les médecins assistants. C'est précisément ce que revendique la Fédération suisse des psychologues (FSP), et que les caisses maladie contestent. Dans sa lettre, l'Office fédéral écrit:
Il est intéressant de remarquer que, le 12 janvier dernier, la fédération nationale des psychologues déposait plainte contre les caisses maladie auprès de l'OFSP, qui avait pourtant décidé de ne pas entrer en matière.
La lettre du 28 mars doit-elle être lue comme un changement de registre, voire un rappel à l'ordre adressé aux assureurs qui ne remboursent pas les prestations des psychothérapeutes en formation? Contacté, l'OFSP se contente de dire qu'il a «constaté que la mise en œuvre de la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie laisse parfois planer des incertitudes».
Gregori Werder, avocat et docteur en droit, auteur d'une récente étude sur la question, a un avis plus tranché. «Cette lettre doit être qualifiée, à mon avis, d'instruction de l'OFSP aux assureurs maladie en matière de surveillance», explique-t-il à watson.
L'avocat rappelle que les assurances maladie sont soumises à la surveillance directe de l'OFSP, ce qui lui confère un pouvoir d'instruction à l'égard des assureurs. «La plainte des associations de psychologues a certes été rejetée, mais cette directive correspond exactement à ce que l'OFSP aurait dû faire si le recours avait été accepté», développe-t-il. Et d'ajouter:
L'association faîtière des assureurs maladie ne l'entend pas de cette oreille. «Santésuisse s'étonne que l'OFSP publie une lettre d'information qui semble contredire son autorité de tutelle», réagit-elle, tout en soulignant que l'OFSP avait rejeté la plainte déposée par la FSP demandant la prise en charge des prestations des psychologues en formation.
Santésuisse campe sur ses positions et affirme que, «faute de base légale», les assureurs maladie ne remboursent pas les prestations des psychologues en formation continue. Elle «attend maintenant que le tribunal administratif fédéral se prononce rapidement sur cette question». La fin de cette affaire n'est décidément pas encore en vue.