Une femme s'adresse à une autre dans un magasin:
Ma curiosité est piquée et j'achète donc une boîte d'œufs bio et une boîte d'œufs de production conventionnelle.
Puis, à la table du petit-déjeuner, les œufs au plat sont examinés à la loupe: l'œuf conventionnel est orange, l'œuf bio est jaune et effectivement, je constate que les œufs bio ont plus de goût. Mais est-ce qu'une alimentation bio permet réellement de manger plus sainement? Je veux en avoir le cœur net et contacte Thomas Göen, le chef de laboratoire pour les analyses dans le matériel biologique à l'Institut et la polyclinique de médecine du travail, sociale et environnementale d'Erlangen, en Allemagne.
Ce toxicologue expert en matière de substances nocives dans les aliments me propose de faire l'expérience sur moi-même: pendant une semaine, on ne mange que des produits issus de l'agriculture conventionnelle, pendant une semaine, que des produits bio. Plusieurs échantillons d'urine sont collectés à cette occasion.
Thomas Göen est presque certain que la semaine «tout biologique» révélera moins de polluants dans l'urine. Et pour cause: il a réalisé une expérience similaire il y a deux ans, avec un journaliste allemand. En plus de l'urine, le sang avait également été analysé: le sang était moins chargé en polluants sous régime biologique.
Je me prête donc volontiers au jeu. La première semaine, je ne mange pas de produit bio, comme d'habitude. J'ai même droit à un hamburger avec des frites et beaucoup de ketchup. La deuxième semaine, c'est la galère: je ne mange que des produits bio, ce qui n'est pas une mince affaire, car même les épices et le café doivent être issus de l'agriculture biologique, tout comme le chocolat noir que je consomme entre les repas.
En Suisse, lorsque le mot «bio» est écrit sur les emballages, cela veut réellement dire que les produits sont bio. Des organismes de contrôle comme Bio Inspecta et BTA agro vérifient régulièrement les produits et veillent au respect des règles. David Herrmann de la fédération faîtière Bio Suisse explique:
Une étude de l'Institut de recherche de l'agriculture biologique FiBL à Frick montre que les produits bio ne sont toutefois pas exempts de résidus. Ils contiennent néanmoins beaucoup moins de pesticides. Les substances actives spinosad, cuivre, azadirachtine et pyréthrine peuvent être utilisées en agriculture biologique et sont donc également présentes sous forme de résidus dans les produits bio.
Mais comment les pesticides non autorisés en agriculture biologique se retrouvent-ils sur les aliments biologiques? Parfois, le dépôt se produit pendant le traitement d'un champ conventionnel voisin. Une autre cause est la pollution des produits biologiques pendant le traitement ou le stockage dans des silos, des wagons ou des conteneurs qui contenaient auparavant des produits conventionnels. Troisièmement, des résidus tels que le dithiocarbamate peuvent également être dus aux matériaux d'emballage ou aux gants.
On connaît environ 1400 pesticides dans le monde, 500 sont autorisés en Europe. Ils sont utilisés pour protéger les plantes contre les parasites, les mauvaises herbes et les champignons. Ils pénètrent dans notre corps lorsque nous mangeons et sont absorbés dans l'intestin avant d'être éliminés.
Certains pesticides autorisés en Suisse sont soupçonnés d'être cancérigènes. Certaines substances peuvent par ailleurs influencer l'équilibre hormonal, limiter la capacité de reproduction ou provoquer des malformations chez les embryons. Les teneurs maximales de ces pesticides sont réglementées en Suisse par l'Ordonnance sur les substances étrangères et les composants dans les denrées alimentaires (OSEC).
Georg Aichinger, scientifique de la santé et toxicologue alimentaire à l'EPF de Zurich, cite Paracelse, le médecin suisse du 16e siècle:
Selon lui, les valeurs limites sont conçues de manière à être 100 à 1000 fois inférieures à la dose susceptible de produire un effet négatif chez le consommateur.
Georg Aichinger reconnaît que nous consommons moins de pesticides en mangeant bio, mais il ne pense pas que nous soyons automatiquement en meilleure santé pour autant:
Selon lui, le vrai problème des pesticides est leur effet mortel sur les insectes et la culture de mauvaises herbes super-résistantes.
Retour à mon expérience personnelle: les résultats des analyses sont arrivés. Au total, 16 pesticides ont été testés. Thomas Göen écrit qu'au cours des deux semaines, les charges étaient faibles. «Seuls le 3,5,6-trichloropyridiol et le para-nitrophénol ont présenté une augmentation minime durant les deux semaines». Ce sont des paramètres qui sont souvent détectés dans la population dans presque toutes les études de biosurveillance, bien qu'ils soient en fait interdits dans l'Union européenne, explique l'expert.
On ne peut que faire des suppositions sur les raisons pour lesquelles cette expérience personnelle n'a pas révélé de différences dans la charge en pesticides: d'une part, l'urine ne devrait pas être trop diluée par la boisson. D'autre part, les produits suisses conventionnels sont aujourd'hui de moins en moins contaminés par des substances nocives. Le toxicologue allemand explique:
C'est pourquoi on essaie d'inclure le plus grand nombre possible de sujets dans les études scientifiques, «afin de pouvoir compenser l'effet du hasard».
D'autres analyses d'urine ont révélé des différences: en 2015, quatre collaborateurs de Kassensturz se sont nourris de produits conventionnels pendant une semaine, puis uniquement de produits bio: le laboratoire a également trouvé des pesticides dans l'urine pendant la semaine bio, mais les résidus étaient alors nettement plus faibles.
En 2016, Greenpeace Suisse a également effectué une analyse d'urine et a conclu que l'alimentation bio réduisait la charge en pesticides.
J'en arrive à ma conclusion personnelle: je reste fidèle à l'œuf bio suisse, même s'il est un peu plus cher. Il a tout simplement plus le goût de l'œuf. Que ce soit imaginaire ou non, cela m'est égal.
Traduit de l'allemand par Nicolas Varin