En août dernier, les habitants de Saint-Gall ont découvert avec stupeur la présence de PFAS en quantités excessives dans la viande et le poisson. Quelques mois plus tard, en novembre, l’inquiétude gagnait le Tessin. Ces «polluants éternels» font l’objet de préoccupations croissantes, bien que la Suisse ait commencé à les interdire il y a déjà 14 ans. Aujourd’hui, le pays passe à la vitesse supérieure:
Les autorités sont encore en train de faire le point sur la situation, mais elles ont déjà en ligne de mire des produits de consommation courante bien précis.
Nous les retrouvons partout dans notre quotidien. Pourtant, il est difficile de comprendre ce que sont les substances chimiques PFAS. Leur nom n’aide pas non plus: substances per- et polyfluoroalkylées.
Les PFAS forment une famille de composés remarquablement stables grâce à leurs liaisons fluorées. On dénombre des milliers de variantes de ces produits, qui sont utilisés dans de nombreux secteurs en raison de leurs propriétés uniques: résistance à l’eau et à l’huile, grande stabilité et bonne conductivité thermique. On les retrouve ainsi dans des articles du quotidien tels que les vêtements techniques et de protection, les emballages alimentaires, les poêles antiadhésives en Téflon, le fart pour les skis, les lubrifiants, ainsi que dans les extincteurs à mousse.
Grâce à ces larges possibilités d'utilisation, les PFAS ont pu se retrouver dans le cycle de l'eau, par exemple par l'utilisation de tuyaux d'incendie et des vestes de pluie. Ainsi, nous, les humains, en absorbons par l'eau potable, la viande et les céréales. Le service de la santé publique a testé plus de 2000 échantillons de sang et d'urine à Berne et dans le canton de Vaud et a pu détecter la présence de PFAS dans chaque échantillon.
En août 2024, des valeurs trop élevées de PFAS ont été détectées dans la viande de bœuf dans le canton de Saint-Gall, ce qui a entraîné l'interdiction de vente de cinq agriculteurs. Au Tessin, une valeur trop élevée a été détectée en novembre 2024 dans des poissons du lac de Lugano.
Les PFAS peuvent causer des dommages à de nombreux niveaux du corps, au point qu'un chercheur de l'EPFZ compare l'exposition à un tir de fusil de chasse. Ces substances peuvent non seulement diminuer l'efficacité des vaccins, mais aussi entraîner une élévation du cholestérol, augmentant ainsi le risque de maladies cardiovasculaires. La santé du foie peut également être affectée. De plus, des préoccupations existent concernant un risque accru de cancer du rein et des testicules.
Les produits chimiques PFAS peuvent également affecter le développement des fœtus et des enfants, ainsi que réduire le nombre de spermatozoïdes chez les hommes.
Un premier groupe de PFAS a été interdit en 2011. En 2020, l'UE a ensuite défini une valeur pour quatre types de PFAS, fixant la dose hebdomadaire tolérable. La Suisse a ensuite interdit ces quatre substances.
En 2023, la Confédération et les cantons ont analysé plus de 500 échantillons d'eau potable provenant de toute la Suisse et du Liechtenstein. Aucun d'entre eux ne dépassait la valeur maximale suisse.
Depuis le début de l'année 2024, les œufs, les fruits de mer, le poisson, la viande et les abats sont soumis aux limites maximales de PFAS fixées par l'UE.
La Suisse travaille actuellement à l'interdiction d'une substance PFAS que l'on trouve dans les textiles, les emballages alimentaires et le fart de ski. La consultation à ce sujet est en cours et le résultat est attendu pour fin 2025.
En Suisse, seuls les aliments les plus contaminés doivent être retirés de la vente. Mais pour Mark Stauber, de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, la situation actuelle n'est pas saine:
Cela signifierait toutefois que certains produits ne seraient plus du tout disponibles. Les produits à base de viande de bœuf, par exemple, sont considérés comme les plus contaminés.
L'objectif est de maintenir la contamination à un niveau «aussi bas que raisonnablement possible», sans pour autant porter trop préjudice au marché. Ainsi, des catégories entières de produits ne disparaîtront pas, ni la poêle en Téflon ni certains aliments:
Pour l'instant, le travail de la Confédération et des cantons est encore de nature fondamentale: ils doivent d'abord se faire une idée d'ensemble. Ainsi, 2025 sera placé sous le signe de la collecte de données. Les autorités doivent déterminer les lieux contaminés par des PFAS et élaborer des valeurs limites spécifiques aux PFAS. Cela prendra probablement encore quelques mois. En outre, des études pilotes sont en cours sur les décharges et les terrains d'entraînement des pompiers, ainsi qu'une collaboration avec la Coordination suisse des sapeurs-pompiers.
Dès cette année, la Confédération et les cantons prévoient de réaliser des analyses coordonnées sur les aliments d'origine végétale et animale. Ils se concentreront d'abord sur les produits d'origine animale: concrètement, les autorités souhaitent analyser 200 échantillons de poisson, 400 échantillons de viande et 300 échantillons d'œufs provenant des marchés suisse et liechtensteinois — tant des produits locaux qu'importés. La Confédération lancera également une étude sur la teneur en PFAS dans les produits laitiers, étant donné qu'aucune valeur limite n'a encore été définie dans ce domaine.
A long terme, la Suisse souhaite limiter l'utilisation de certains agents extincteurs à mousse contenant des PFAS d'ici 2027. De plus, l'Union européenne discute actuellement d'une restriction étendue des PFAS. Dès qu'un résultat en découlera, la Suisse examinera la possibilité de l'adopter.
La situation des PFAS peut coûter très cher à la Suisse. Une enquête de la SRF estime que les coûts liés à l'assainissement des sols pourraient atteindre 26 milliards de francs. L'Office fédéral de l'environnement ne peut toutefois pas confirmer ce chiffre. Le principe du pollueur-payeur doit s'appliquer: les producteurs sont responsables de l'élimination correcte des déchets et en supportent également les coûts. Lorsque ce principe ne s'applique pas, par exemple pour les pompiers sur les terrains d'exercice, la Confédération peut verser des indemnités.
Les agriculteurs concernés devraient toutefois espérer que leur canton respectif les aide. Le canton de Saint-Gall a, par exemple, accordé un crédit spécial de cinq millions de francs aux exploitations touchées par le PFAS. Selon Peter Bormann de l'Office fédéral de l'agriculture, aucune indemnisation n'est possible de la part de la Confédération, car il n'existe pas de base légale pour cela. Seuls des prêts sans intérêt pourraient y être envisagés.
Traduit et adapté par Noëline Flippe