Méfiez-vous de ces compléments alimentaires populaires en Suisse
Le recours aux compléments alimentaires est très répandu en Suisse. On estime qu'une personne sur quatre en consomme dans notre pays. Un choix souvent motivé par leur prétendue origine «naturelle», qui les fait apparaître moins nocifs que les médicaments pharmaceutiques conventionnels. Pourtant, ces produits ne sont pas exempts de risques.
Une récente étude, dirigée par l’université de Fribourg en collaboration avec les universités de Lausanne et Genève, le prouve. La recherche s'est focalisée sur les compléments alimentaires à base de chirette verte, ou andrographis paniculata, une plante asiatique utilisée en médecine traditionnelle pour traiter les infections respiratoires. On lui impute plusieurs effets bénéfiques, mais des preuves cliniques solides font encore défaut, souligne l'étude.
Ces compléments, souvent vendus sous forme de pilules, peuvent être achetés directement en pharmacie, ainsi que sur internet. Depuis la pandémie, leurs ventes ont fortement augmenté, y compris en Suisse.
Mauvaise qualité
Problème: ces produits ne sont pas soumis aux mêmes contrôles de qualité, très exigeants, nécessaires à la commercialisation d'un médicament, indique Angélique Bourqui, pharmacienne à l’université de Fribourg et première auteure de l'étude. Elle explique:
Leur qualité dépend donc du fabricant, complète la chercheuse. Ce qui peut soulever plusieurs problèmes. Les auteurs de l'étude se sont penchés sur 40 compléments, 27 desquels accessibles en Suisse. Les résultats sont sans appel: «La majorité des produits analysés se sont révélés être de mauvaise qualité», lit-on dans la recherche.
Seuls deux d'entre eux contenaient la quantité de principe actif, appelé «andrographolide», indiquée sur l’étiquette. Vingt étaient sous-dosés, un surdosé, et trois contenaient des substances toxiques.
Mercure et pesticides
«Les produits sous-dosés ne représentent pas un danger pour les consommateurs, mais la possibilité qu'ils n'atteignent pas l'effet thérapeutique escompté est très élevée», note Angélique Bourqui. Le complément surdosé contenait une quantité d'andrographolide supérieure à la dose nécessaire, sans toutefois atteindre un niveau toxique. Ses effets potentiels restent toutefois inconnus, avance la chercheuse.
La situation concernant les trois produits contaminés est plus «alarmante», lit-on dans l'étude. Un complément contenait une dose de mercure supérieure à la teneur autorisée, tandis que les autres renfermaient des traces de deux pesticides interdits, la strychnine et la butraline.
La quantité de mercure détectée n'était pas létale, nuance Angélique Bourqui. «Pourtant, nous ne connaissons pas les effets que ces doses peuvent avoir sur la santé, puisque les données font défaut». De plus, note l'étude, cette découverte «représente une grave violation des normes de sécurité».
«Situation inacceptable»
Tous les produits contaminés ont été commandés sur internet. Les auteurs de la recherche recommandent donc d'éviter d'acheter ces compléments en ligne, en raison du risque de contamination accru qu'ils comportent.
Une campagne menée l'an dernier par l'Association des chimistes cantonaux de Suisse arrive aux mêmes conclusions:
Cela s'explique par le grand nombre d'entreprises non déclarées et par la présence d’ingrédients non commercialisables, «parfois même dangereux pour la santé», ajoute-t-on. La campagne pointe «des lacunes importantes et systématiques en matière d'autocontrôle» et n'hésite pas à qualifier cette situation d'«inacceptable».
Contacté, l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) se montre moins alarmiste. Il souligne que «les compléments alimentaires sont soumis à des exigences légales complètes» et que la chirette verte ne figure pas dans la liste des substances interdites en Suisse - tout en tenant à rappeler aux consommateurs qu'ils doivent «faire preuve de prudence» lorsqu'ils achètent ces produits sur internet.
Une seule solution
Pas sûr, pourtant, que les achats physiques réduisent les risques, du moins concernant la chirette verte. «En termes de qualité et de dosage d'andrographolide, nous n'avons observé aucune différence entre les compléments achetés en pharmacie et ceux commandés en ligne», renseigne Angélique Bourqui. Il ne reste qu'une solution, poursuit-elle:
D'autant plus que les dangers mis en lumière par la recherche pourraient être encore plus fréquents. «Des études menées sur d'autres compléments alimentaires à base de plantes arrivent aux mêmes conclusions», confirme Angélique Bourqui. «On peut donc imaginer que ces problèmes concernent également d'autres produits, mais nous ne pouvons pas le confirmer».
