Fait-on d'une pierre deux coups en consommant du Viagra? C'est ce que suggère une étude publiée par des chercheurs de l'University College London dans la revue spécialisée Neurology. Les résultats montrent que la pilule bleue aide à lutter contre les troubles de l'érection et peut-être aussi contre la maladie d'Alzheimer.
L'étude a porté sur un groupe de 269 725 hommes âgés de 40 ans ou plus et présentant des troubles de l'érection. Parmi eux, 1119 ont été diagnostiqués avec la maladie d'Alzheimer. Les auteurs de l'étude ont remarqué que les hommes qui avaient reçu du Viagra, et donc du sildénafil, plus de 20 fois, présentaient un risque d'Alzheimer réduit de 18%.
La perspective de lutter contre deux maladies liées à l'âge avec un seul médicament pourrait bien faire les choux gras du fabricant et les révélations de cette nouvelle étude ont donc fait les gros titres dans le monde entier. Mais un tel lien de cause à effet entre le Viagra et le risque de maladie d'Alzheimer est-il réellement possible? «Possible: oui. Prouvé: non», répond Ansgar Felbecker, jusqu'à récemment président des Swiss Memory Clinics.
L'étude londonienne n'est pas la première à aller dans ce sens.
La substance active sildénafil est en effet également prescrite aux femmes, ce que beaucoup ignorent. Bien entendu, pas pour des troubles de l'érection, mais par exemple en cas d'hypertension dans le système vasculaire pulmonaire.
À l'origine, les chercheurs ont développé le Viagra pour traiter l'hypertension. La substance active permet en effet d'augmenter le flux sanguin dans tout le corps, et pas seulement dans le pénis. Mais le Viagra est devenu un succès en tant que médicament contre l'impuissance. Une étude américaine menée fin 2021 avait cependant déjà laissé entendre que la pilule bleue pourrait également aider notre cerveau. Il est apparu en laboratoire que le sildénafil pouvait stimuler la croissance des cellules nerveuses et inhiber le dépôt de protéines typiques de la maladie d'Alzheimer.
De tels effets positifs dans le cerveau sont encore très spéculatifs, explique Felbecker. «Nous n'avons pas encore décelé précisément le mécanisme d'action. Je pense personnellement que la substance est capable de réparer les cellules nerveuses.»
Des études sont en cours en parallèle, avec cette substance et d'autres similaires, mais elles n'en sont qu'à leurs débuts. Il faudra encore attendre quelques années avant d'obtenir des résultats. Les neurologues et les spécialistes de la démence comme Felbecker rongent leur frein. «Car il n'est pas rare que l'on ait cru trouver un lien dans des analyses rétrospectives, mais qu'aucun effet n'ait pu être démontré dans des études ciblées. Cela peut être lié à la méthodologie des travaux», explique Felbecker.
C'est pourquoi il souligne qu'à l'heure actuelle, une utilisation du Viagra comme thérapie contre la démence ne se justifie pas. Le médicament n'est d'ailleurs pas autorisé pour cela en Suisse.
Mais la perspective de pouvoir réparer des cellules nerveuses grâce au principe actif du Viagra continue d'apporter de l'espoir, comme le mentionnent les neurologues dans différentes publications à propos d'études plus approfondies.
(Traduit et adapté par Valentine Zenker)