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Voici pourquoi certaines jeunes mamans devraient jouer à Tetris

Voici pourquoi certaines jeunes mamans devraient jouer à Tetris
Jouer à Tetris réduit les symptômes du syndrome du stress post-traumatique après un accouchement traumatiquemontage watson

Tetris a un bienfait caché

Jouer à Tetris durant quinze minutes prévient le trouble de stress post-traumatique (TSPT) après un accouchement difficile. C'est la conclusion d'une étude menée au Chuv et aux HUG par l'Université de Lausanne. De quoi parle-t-on? Et comment cette étude pourrait changer la vie des jeunes mamans voire d'autres personnes? Interview.
12.10.2023, 18:4813.10.2023, 10:06
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«Cela fait plus de dix ans qu'on émet l'hypothèse que le jeu Tetris pourrait être utilisé pour aider les personnes qui vivent des événements traumatiques», raconte le Docteur Camille Deforges, psychologue et l'une des premières autrices de l'étude parue dans la revue Molecular Psychiatry. Au bout du fil, la chercheuse ne cache pas sa passion ni son enthousiasme.

«Dans les sciences, nous construisons le niveau de preuves petit à petit et là, nous avons effectué l'étude finale, nous pouvons dire aujourd'hui que Tetris est bénéfique pour prévenir le trouble du stress post-traumatique lié à l’accouchement, on pourra désormais le proposer aux patientes.»
Camille Deforges, psychologue

Comment est-on arrivé à cette conclusion et quels secrets se cachent dans ce jeu qui nous paraît si ordinaire? Réponses de Camille Deforges.

Tetris c'est un jeu où il faut assembler plusieurs formes, quel est le lien avec le trouble du stress post-traumatique?
L'idée initiale, c'est la consolidation de la mémoire. Lorsque l'on vit un événement, peu importe qu'il soit traumatique ou non, dans les six heures qui suivent, le cerveau va travailler à consolider les souvenirs de l'événement en mémoire. La consolidation sera plus ou moins performante si l'événement nous émeut.

«On sait qu'après un événement traumatique, il y a une surconsolidation de la mémoire, le souvenir sera trop fortement ancré et surgit parfois sous forme de flashback, à tout moment»

Le flashback étant le symptôme cardinal du trouble de stress post-traumatique, nous avons travaillé essentiellement sur ce sujet.

Camille Deforges, chercheuse au CHUV
Dr. Camille Deforges, psychologue

Vous allez donc faire jouer à Tetris les personnes qui viennent de vivre un traumatisme, pour les empêcher d'y penser?
Non, il ne s'agit pas de les empêcher d'y penser. Notre hypothèse est que la surconsolidation de la mémoire, à l'origine du trouble de stress post-traumatique, demande d'importantes ressources au cerveau. Or, jouer à Tétris également, car il est très visuel et demande de tourner les pièces dans l'espace et de rester concentré. En demandant aux personnes de jouer à Tetris dans les heures qui suivent les événements traumatiques, on utilise les ressources visuospatiales du cerveau sur d'autres tâches et on évite ce phénomène de surconsolidation provoquant des flashbacks.

«On met les ressources du cerveau sur une tâche annexe, au lieu de consolider les images traumatiques»

Derrière tout ça, il y a cette idée que les ressources de notre cerveau sont limitées et qu'il ne pourra pas faire toutes ces choses en même temps.

D'Emily Holmes et Antje Horsch
Les premières études liant Tetris et la prévention du trouble de stress post-traumatique ont débuté il y a une quinzaine d'années avec la psychologue clinicienne et neuroscientifique anglaise Emily Holmes. La chercheuse qui travaillait sur le trauma et la consolidation de la mémoire avait fait l'hypothèse que jouer à Tetris dans les heures qui suivaient le visionnage d'un film traumatisant réduisait l'apparition de flashbacks violents. En Suisse, c'est la professeure Antje Horsch, affiliée au Département Femme-Mère-Enfant du Chuv qui s'intéresse à l’impact du stress et du traumatisme sur la santé mentale des parents et de leurs enfants durant la période périnatale. Antje Horsch dirige l'étude finale dont Camille Deforges et Vania Sandoz sont les premières autrices. Cette étude vient d'être publiée dans la revue Molecular Psychiatry.

Nous n'oublierons pas les événements pour autant?
Non, cela ne veut pas dire que les personnes ne se souviendront pas de l'événement, mais cela empêchera ce phénomène de surconsolidation avec des images traumatiques qui reviennent de façon intempestive.

Pourquoi avoir choisi d'appliquer cette étude sur les femmes ayant eu des accouchements difficiles?
On avait choisi les femmes qui ont eu des césariennes en urgence parce qu'il s'agit d'une modalité d'accouchement particulièrement traumatique.

«On estime qu'il y a 18% des femmes qui développent un syndrome de stress post-traumatique après cet événement»

Personnellement, je suis chercheuse en psychologie et l'application sur le terrain est une vraie source de satisfaction, surtout si elle peut contribuer à diminuer le trouble du stress post-traumatique.

Comment s'est déroulée l'étude?
Les infirmières et les sages-femmes que nous avons formées devaient approcher les jeunes mères qui répondaient à nos critères d'études et leur proposer d'y participer. On expliquait aux jeunes mamans qu'elles pouvaient participer à une recherche sur la santé mentale postpartum et les sages-femmes prenaient au hasard une des deux activités proposées.

«Certaines femmes devaient effectuer une activité dite d'écriture en écrivant tout ce qu'elles faisaient durant 15 minutes et d'autres se voyaient proposer de jouer à Tetris»

Elles ne savaient pas sur quelle activité portait notre étude, certaines étaient même persuadées que jouer à Tetris était une activité placebo. L’équipe de recherche qui a suivi ces femmes ne savait pas non plus qui avait fait quelle activité, c’est le principe du double aveugle.

Et les résultats?
Nous avons mesuré les bénéfices de l'étude à six semaines et six mois plus tard en envoyant un questionnaire validé, donc développé par d'autres équipes de recherche sur les troubles de stress post-traumatique.

«Les femmes qui avaient joué à Tetris présentaient moins de symptômes, et ce jusqu’à six mois après l’accouchement»

Cela confirmait les hypothèses qui étaient en cours depuis plusieurs années, nous n'étions pas surprises des résultats, mais c'est quand même un soulagement quand cela se confirme dans l'étude finale.

Que faire maintenant? Tetris sera-t-il disponible dans tous les hôpitaux?
L'idée est bien sûr de proposer Tetris dans les soins de routine. Mais il faut réfléchir à l'implémentation, car ce n'est pas juste «jouer à Tetris». En effet, les mamans doivent avoir des instructions assez précises, elles doivent rester concentrées, ne pas être interrompues, visualiser les pièces du jeu. Cela nécessite des instructions de la part du personnel soignant et une pleine concentration de la part des mamans.

«Mais l'objectif est bien entendu de proposer cette intervention dans tous les centres hospitaliers qui le souhaitent»

Comment votre étude a-t-elle été reçue par le monde scientifique?
Au début, on était perçu comme des farfelues avec Tetris, mais maintenant, au vu du développement de nos recherches et de nos résultats, on est beaucoup plus prises au sérieux.

Y a-t-il de l'intérêt de la part de vos confrères psychologues envers cet outil?
Oui, de la part des psychologues et des professionnels de la santé mentale, mais pas seulement.

«Cette intervention a beaucoup d'avantages, car elle est très peu invasive, très brève et peut se déployer à large échelle»

L'étude nous a montré qu'elle pouvait être utilisée par des sages-femmes et autres intervenants. Il ne s'agit pas d'une thérapie qui se déroule en plusieurs séances, on est dans une perspective préventive.

Tetris pourrait-il être utilisé en dehors du champ médical?
Oui. Les grands avantages de cette intervention c'est qu’elle est accessible car elle peut être réalisée avec des professionnels qui ne sont pas experts en santé mentale et que vous n’avez pas besoin de parler la même langue qu'eux pour en bénéficier. Elle pourrait être proposée aux populations déplacées ou migrantes qui ont été confrontées à beaucoup d'événements traumatiques par exemple. Par ailleurs comme le trouble de stress post traumatique repose sur les mêmes processus quelque soit la nature de l’évènement traumatique, nous avons de bonnes raisons de penser que ce type d’intervention peut être proposé par exemple, après un accident de voiture ou une agression. Il reste encore beaucoup d’études à mener, mais les perspectives d'application sont donc immenses.

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