Depuis juin, la Suisse est frappée par des vagues de chaleur, et cela se répercute sur les cours d'eau: l'eau fraîche se réchauffe, les niveaux d'eau baissent et les poissons meurent. Parallèlement, les températures extrêmes entraînent de fortes précipitations, qui ont par exemple provoqué de violentes inondations en juillet dans l'Emmental.
Pour la première fois, l'état réel des cours d'eau suisses a fait l'objet d'une analyse globale. Mardi 23 août, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) a publié un premier rapport intitulé «Eaux en Suisse – Etat et mesures». Outre les effets déjà mesurables du changement climatique, il y est question de l'impact des mesures prévues par la loi sur la protection des eaux.
Le rapport conclut: les eaux suisses se portent mieux que par le passé, mais elles restent soumises à une forte pression.
Comme l'a déclaré la directrice de l'OFEV, Katrin Schneeberger, lors d'une conférence de presse: la renaturation des cours d'eau montre déjà des résultats au niveau local. Mais il reste encore beaucoup à faire en matière de protection des eaux. Elle précise:
Elle suggère tout de même de réfléchir davantage aux réserves d'eau suisses. Certes, il n'y a pas de pénurie à craindre (grâce aux grandes réserves d'eau souterraine). Néanmoins:
Autre thème abordé dans le rapport: la hausse, parfois importante, de la température de l'eau. Stephan Müller, chef de la division Eau de l'OFEV, explique par exemple que la température du Rhin (Bâle) a augmenté de deux degrés depuis 1960. D'ici 2040, l'OFEV s'attend à une hausse de deux degrés. Ces changement menacent en particulier les poissons, tels que les ombres et les truites, qui ont besoin d'eau froide pour survivre.
Quant à la micropollution des eaux: certes, les stations d'épuration ont été modernisées en Suisse. Toutefois, selon Stephan Müller:
Une situation qui ne s'est pas améliorée depuis 2012. Ainsi, les valeurs limites écotoxicologiques seraient toujours trop élevées dans de nombreux endroits.
Les lacs suisses restent quant à eux encore largement contaminés par le chlorothalonil, un produit phytosanitaire désormais interdit.
Selon le rapport, la concentration de médicaments est également supérieure à la valeur limite dans de nombreux cours d'eau.
De ce fait, l'apport élevé de phosphates et, par conséquent, la teneur en oxygène dans les lacs, restent donc un problème majeur. Et le changement climatique n'améliore pas cette situation. En effet, dans le lac de Zurich par exemple, les différentes couches d'eau ne peuvent plus se mélanger, car les hivers très froids sont devenus rares. Et donc, 60% des lacs n'atteignent pas la valeur limite d'oxygène (ou seulement grâce à une aération artificielle). C'est notamment le cas des lacs de Sempach, de Hallwil ou de Baldegg.
Le rapport de l'OFEV est également intéressant dans le contexte de la pénurie d'électricité qui menace la Suisse. Selon l'Office fédéral de la statistique, 58% de l'électricité produite en Suisse est d'origine hydraulique. Par conséquent, de nouvelles propositions sont quotidiennement faites pour que l'énergie hydraulique (pilier le plus important de la politique énergétique) offre une meilleure sécurité d'approvisionnement au pays.
Stefan Brupbacher, le chef de Swissmem, a proposé à la SRF d'accélérer le développement des centrales hydroélectriques. Concrètement, 13 barrages devraient être rehaussés et deux nouveaux devraient être construits plus rapidement que prévu.
Par ailleurs, la proposition de réduire les débits résiduels dans les lacs de barrage circule dans les milieux bourgeois. Cette mesure est toutefois controversée, car l'absence temporaire d'eau dans les cours inférieurs des lacs de barrage nuit fortement à certains animaux et plantes.
La nature paie donc déjà un prix pour le courant hydraulique. Et ce prix pourrait encore augmenter en cas d'assouplissement des prescriptions existantes. C'est d'ailleurs ce que souligne le rapport de l'OFEV: une grande partie des cours d'eau suisses sont canalisés, aménagés artificiellement ou perturbés par l'énergie hydraulique.
Les aménagements et l'exploitation de l'énergie hydraulique sont donc une cause majeure du fait que de nombreux êtres vivants des cours d'eau sont menacés ou ont disparu.
D'ici 50 ans, 1/4 des tronçons des cours d'eau suisses aménagés doivent être revitalisés. Les cours d'eau doivent bénéficier de plus d'espace et les effets négatifs de l'énergie hydraulique doivent être réduits d'ici 2030. (bzbasel.ch)