Une arnaque financière fait des ravages en Suisse romande. La combine peut vous délester d'un gros magot si vous ne cernez pas rapidement l'entourloupe.
C'est le cas de Christian (prénom modifié), un Vaudois de 72 ans:
Il a alors sauté le pas et s'est inscrit sur le site: «Dans la foulée, j'ai reçu un coup de téléphone. On m'a rapidement expliqué qu'un trader allait m'épauler dans mon processus d'investissement», renseigne-t-il.
Il reçoit alors l'ordre, ni plus ni moins, de se rendre sur le site et découvre alors la plateforme pour débuter le trading et investir sans plus attendre. «Nous avons commencé à investir sur les devises et mon courtier me guidait au fur et à mesure, parce que je ne connaissais pas grand-chose. C'était une fois le matin et une fois l'après-midi, chaque jour», précise Christian.
A la suite de premières transactions, le trader lui ordonnait d'investir sur le pétrole et sur l’or pour s'en mettre plein les poches:
Les demandes vont même devenir pesantes et les montants exorbitants: «Il insistait pour que j’investisse 25 000 francs après lui avoir expliqué que je possédais deux biens immobiliers. Il me disait que l’un de ses amis avait investi 80 000 euros et qu’il était à présent millionnaire», rapporte le Vaudois.
Christian était harcelé et le pseudo trader d'Investico le poussait à se rendre à la banque et retirer ces 25 000 francs pour poursuivre. Chose qu'il ne voulait pas, rappelant que la banque n'allait pas lui céder aussi facilement un tel montant.
Et une fois que sa carte de crédit a atteint sa limite, le retraité ne pouvait plus investir. «Lorsque je suis arrivé à ma limite de carte, à 4000 francs, elle a bien sûr été bloquée». Ces différents investissements avaient permis au Vaudois d'amasser un peu d'argent:
Il demande alors comment faire pour rapatrier cet argent.
C'est là que ça se corse: «Ils ont commencé à me dire qu’il fallait remplir des papiers et j’ai demandé à l’un de mes enfants de m'aider à remplir les papiers pour pouvoir retirer cet argent», expose Christian.
Les transactions étaient bloquées. Sur le site, il lui était demandé d'effectuer un plus petit transfert d'argent. «Après de multiples refus, nous avons tenté de retirer deux francs. Même cette transaction a échoué».
La suite?
Alors que la carte de crédit est bloquée, les escrocs usent de stratagèmes. Ils l'encouragent «à aller à la gare pour acheter une carte prépayée pour mettre 1000 francs dessus».
Et l'opération arnaque ne s'arrête pas là pour Christian:
Harassé par ces bonimenteurs, le Vaudois désire stopper les frais, après un total de 5000 francs placé via Investico.
Le lendemain de cette discussion, c'est la douche froide:
Investico rappelle notre homme et explique que son magot a été déplacé «sur un compte spécial». Pour en voir la couleur, il faut verser 265 francs (!) pour y accéder. «Il me parlait d'un versement pour ne pas perdre cet argent et obtenir les coordonnées pour toucher la totalité du portefeuille», précise le Vaudois.
«J’ai passé trois semaines avant de comprendre que je me faisais plumer», souffle Christian. Plus tard, lors d'un énième coup de fil, le retraité, fatigué des manigances, les traite d'«arnaqueurs» au téléphone.
Le ton monte:
Si le retraité a porté plainte auprès des autorités, les experts du milieu bancaire que nous avons interrogés craignent qu'il ne revoit jamais son argent. Simplement, dans ce genre de cas, si le client a validé le paiement lui-même, la banque ne rentrera pas en matière.
Les spécialistes consultés répètent qu'«avant un paiement, en général, avant qu’il ne soit libéré, il y a une analyse de risque qui est générée». Les banques suisses sont munies d'un pare-feu pour stopper les plans de sociétés frauduleuses.
Alors comment le cas de Christian est survenu?
Dans le cas du retraité vaudois, une fois le premier paiement effectué, à 250 francs, c'est un pied dans l'engrenage et le moteur anti-fraude mis en place par les établissements bancaires helvétiques perd en sensibilité.
Investico est dans le viseur des autorités helvétiques, mais elle continue à opérer. Depuis septembre 2024, l’OFCS nous confirme qu'elle a reçu 18 signalements concernant le site web investico.com. Ce site figure depuis le 2 octobre 2024 sur la liste d'avertissements de cybercrimepolice.ch.
Contactée, la Finma (l'Autorité de surveillance du marché financier suisse) assure qu'«Investico ne dispose pas d'une autorisation délivrée par la Finma». Cette dernière recommande vivement aux investisseurs de bien s'informer avant d'investir et de consulter également d'autres listes de mise en garde, comme la liste d'alerte de la police cantonale zurichoise (cybercrimepolice.ch) ou la liste d'alerte de lOSCO (International Securities & Commodities Alerts Network (I-SCAN).
Investico est active sur le marché des devises – communément appelé Forex (abréviation anglaise pour foreign exchange). En d'autres termes, le Forex est un marché décentralisé où les devises sont échangées les unes contre les autres. C’est le marché financier le plus important au monde et l’un des plus volatiles, avec des milliards de dollars en devises échangées chaque jour.
En creusant et cherchant différentes informations, derrière l'apparent professionnalisme du site, il est difficile de trouver la date de création de la société, considérée comme un «courtier clone».
Selon nos recherches, Investico a été enregistrée le 13 juin 2002 à Hong Kong. La section «A propos» du site indique qu'elle est gérée par la société d'investissement sud-africaine Faraz Financial Services (PTY) Limited, qui donne une adresse bidon - à la place se trouve un barbier.
A la suite des différentes discussions avec des experts, on apprend que l'Afrique du Sud est connue pour ne pas être un pays réputé en matière de surveillance financière internationale.
Investico ne fournit, d'ailleurs, aucun document juridique confirmant la légalité de ses activités. Aucune licence, aucun contrat client ni aucun autre document obligatoire ne sont disponibles sur le site – notre témoin, n'a d'ailleurs eu droit qu'à des coups de fil. Des signes qui ne trompent pas et démontrent une preuve supplémentaire qu'il s'agit d'un projet frauduleux classique.
La grande majorité des avis lus sur le net évoquent une impossibilité de retirer les fonds et les plans d'investissement sont excessivement élevés. Selon d'autres informations et différentes enquêtes, des tentatives de manipulation et de nettoyage de leur profil Trustpilot ont été observées.
La fraude en général est devenue très sophistiquée, avertissent les experts. Les arnaqueurs sont à présent renseignés. «Si ça se trouve, ce sont des employés de banque, voire de la sécurité informatique», coupe un expert bancaire.
Contactée, la société Investico n'a pas répondu à nos sollicitations.