Depuis un an, environ 4400 participants fument du cannabis pour la recherche dans le canton de Zurich. Parmi eux, 3000 le font légalement et 1400 continuent de s'en procurer sur le marché noir à des fins de comparaison.
Le Centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) et l'Université de Zurich ont présenté, en collaboration avec l'association Swiss Cannabis Research, les premiers résultats de cette étude de cinq ans.
La consommation de cannabis s'est ancrée au cœur de la société, affirme Andreas Beerli, responsable de l'étude à l'EPFZ.
Chaque jour, 50 000 joints sont fumés en dehors de tout cadre légal. On fume à tous les âges, de l'adolescence jusqu'à la vieillesse. Toutefois, à partir du milieu de la vingtaine, le nombre de consommateurs diminue.
Des personnes âgées de 18 à 80 ans, habitant dans 34 communes du canton de Zurich, ont pris part à l'étude. Parmi elles, certaines étaient sans emploi, d'autres gagnaient jusqu'à 2,5 millions de francs ou plus. L'objectif était de refléter au mieux la diversité de la société suisse.
Après les vacances d'été, un projet de loi sur la légalisation du cannabis sera mis en consultation en Suisse. Celui-ci vise à dépénaliser la culture, le commerce et la consommation de cette drogue. La vente et la production seront placées sous contrôle étatique, avec l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) comme autorité responsable.
La légalisation s'effectuera par le biais d'un nombre limité de points de vente physiques et de plateformes en ligne. L'objectif est une distribution encadrée, avec une attention particulière portée à la santé publique.
Dans l'étude pilote à Zurich, le cannabis est légalement disponible pour les participantes et participants dans douze points de vente: respectivement dans trois Swiss Cannabis Centers et neuf pharmacies. Ces lieux de vente sont répartis de manière à être accessibles en 20 à 30 minutes en transports publics ou en voiture. Cela est important, car, comme le souligne Arman:
Une accessibilité facilitée est essentielle pour pouvoir évincer le marché noir. Cependant, le cannabis ne sera pas aussi facile à obtenir que des bonbons.
Sur le marché noir, les prix varient entre six et douze francs le gramme. Plus la teneur en THC est élevée, plus le prix augmente. Le tétrahydrocannabinol (THC) est la substance psychoactive du cannabis.
Dans l'étude, le cannabis est vendu à dix francs le gramme et, selon les directives de l'OFSP, ne doit pas contenir plus de dix milligrammes de THC. Sur le marché noir, la concentration en THC est souvent plus élevée.
La légalisation devrait avoir un effet positif sur la santé, car les consommateurs auront accès à des substances contrôlées et non à des mélanges dangereux issus du marché noir. Cependant, avec la légalisation et un accès facilité, il existe un risque que la consommation globale augmente, explique Andreas Beerli. Il faudra que l'étude le confirme.
Le cannabis reste une drogue avec tous les dangers qu'elle comporte, notamment le risque de dépendance. Les études scientifiques actuelles soulignent majoritairement les effets néfastes sur la santé, en particulier chez les jeunes consommateurs. Un usage intensif est associé à des troubles psychiques, tels que la schizophrénie et l'anxiété, ainsi qu'à une altération du développement cérébral chez les adolescents.
Une conclusion établie après la première année d'étude montre que la majorité des consommateurs de cannabis sont insatisfaits du marché noir. Ils critiquent autant le prix du produit que sa qualité, ainsi que le confort, c'est-à-dire la facilité d'accès.
Selon les auteurs de l'étude, ce mécontentement pourrait inciter les consommateurs à passer du marché noir au marché légal. L'objectif de la nouvelle loi sur le cannabis serait ainsi atteint.
En réalité, l'étude montre que seuls 10% des consommateurs restent fidèles au marché noir. Parmi les 90% restants, la moitié achète certes en partie légalement, mais continue aussi à se fournir sur le marché noir. Selon les responsables de l'étude, cela montre à quel point ce marché est bien ancré en Suisse. Des études menées au Canada et aux Pays-Bas démontrent qu'une légalisation ne permet pas d'éliminer totalement la vente illégale.
La durée de l'étude est encore de quatre ans. 3000 participants supplémentaires du canton de Zurich sont recherchés. Par ailleurs, une étude complémentaire sur le cannabis est également prévue par l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich dans le canton de Saint-Gall.
Traduit et adapté par Noëline Flippe