Un an après sa fondation, le Rassemblement romand patriote (RRP), nouveau parti d’extrême droite en Suisse romande, est au cœur d’une enquête publiée par Le Courrier. Le journal a eu accès à plusieurs mois d’archives de discussions WhatsApp entre une vingtaine de membres et cadres du parti. Ces échanges révèlent des propos racistes, antisémites, misogynes et des appels à la violence.
Créé en mars 2024, le RRP cherche à s’imposer politiquement, notamment via des candidatures aux élections locales dans le canton de Berne. Derrière une communication qui se veut soignée, le contenu des échanges internes montre une réalité radicalement différente.
Les membres, majoritairement des jeunes hommes de 17 à 25 ans, y tiennent des propos décomplexés. Le président du RRP, également administrateur du groupe, participe activement aux échanges, tout comme un homme candidat à la préfecture de Bienne, indique le journal genevois.
Certains affirment ouvertement leur antisémitisme. La Shoah est qualifiée de «fiction», les Roms sont appelés «cafards», les Noirs décrits comme «orgueilleux et jaloux». L’islam y est qualifié de «cancer», et des saluts nazis ou références à la propagande fasciste sont régulièrement partagés, parfois sous forme de montages ou de mèmes.
Des figures politiques et médiatiques sont insultées ou visées, souvent de manière sexiste ou raciale. Une journaliste est qualifiée de «bassine à foutre judéo-nègre», une députée du Grand Conseil de Berne est traitée de «grognasse».
Un membre demande de «retirer le droit de vote à ces connes», sans être recadré par le président qui commente:
Et un autre de conclure: «Elles feront à manger pour les réunions.» Plusieurs messages évoquent également l’usage d’armes ou de coups dans un cadre militant.
En février, l’historique du groupe a été intégralement supprimé, peu après la médiatisation d’un autocollant ultranationaliste retrouvé avec une lame de rasoir à Romanel-sur-Lausanne. Des images montrent des membres du RRP posant avec des autocollants similaires.
Le groupe aurait aussi participé à une action musclée contre un carnaval antifasciste à Lausanne, relate Le Courrier, événement qui a dégénéré. Le président, blessé, est vu «en sang» par les membres. La peur de l’identification est immédiate:
Le parti, contacté par Le Courrier, reconnaît des propos «intolérables» et évoque une tentative de «déradicalisation». Le groupe aurait, depuis, été «restructuré», assure-t-il à nos confrères.
Plusieurs associations antiracistes, dont la Licra-Genève et la Fédération des associations d’afrodescendants de Genève, s’inquiètent de la banalisation de discours haineux chez des jeunes militants. Elles appellent à une réponse claire des autorités et de la société civile.
Sur le plan juridique, la question de la répression de ces propos dépend de leur caractère public. Selon Yaniv Benhamou, professeur de droit à l’Université de Genève, cité par Le Courrier, le contexte privé d’un groupe WhatsApp peut ne pas suffire à exclure une sanction. Il rappelle que des propos tenus dans un cercle restreint peuvent être condamnés si les participants ne se connaissent pas intimement. (jah)