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Technologie

La start-up Oxyle élimine les PFAS de l'eau en Suisse

Avec sa start-up Oxyle, Fajer Mushtaq révolutionne la gestion des PFAS.
Avec sa start-up Oxyle, Fajer Mushtaq révolutionne la gestion des PFAS.Image: Andrea Zahler

Elle sait comment éliminer les «tueurs silencieux» de l'eau en Suisse

Fajer Mushtaq lutte contre les produits chimiques les plus dangereux de notre époque. Sa start-up a mis au point une «paire de ciseaux» capable de détruire les PFAS.
12.10.2025, 11:58
Sermîn Faki / ch media

Les surchaussures bleues viennent un peu gâcher l'allure soignée de Fajer Mushtaq, en robe, bagues scintillantes et maquillage impeccable. Mais elles sont parfaitement adaptées à l'environnement du laboratoire où elle travaille.

Mushtaq s'apprête à s'attaquer, grâce à la haute technologie, à l'un des plus grands problèmes mondiaux. Avec son partenaire Silvan Staufert, elle affirme pouvoir éliminer les PFAS, ces «produits chimiques éternels», de l'eau; non seulement en les filtrant, mais en les détruisant complètement.

Une mission aussi ambitieuse qu'importante

Et tout cela depuis Schlieren (une localité située au nord-ouest de Zurich), ou leur start-up Oxyle, âgée de cinq ans, a son siège. Aujourd'hui, l'entreprise compte 34 employés.

Mushtaq est arrivée en Suisse il y a treize ans en tant qu'étudiante. Elle a grandi à Delhi, dans une famille de médecins. L'entrepreneuse de 35 ans admet:

«Oui, j'ai grandi dans un milieu privilégié. Mais même chez nous, l'eau était toujours un sujet de préoccupation»

L'eau du robinet n'était pas potable et, en été, on ne savait souvent même pas s'il y en aurait assez pour se doucher ou arroser les plantes du jardin.

C'était tout autre chose au Cachemire, d'où est originaire sa famille et où elle passait souvent ses vacances:

«Là-bas, l'eau des sources était abondante et propre. Les gens en prenaient grand soin»

Les PFAS, ces «tueurs silencieux»

Et il n'est peut-être pas étonnant que la vie de Mushtaq tourne encore autour de l'eau. Car l'eau en Europe peut sembler si propre que personne ne se pose la question avant de remplir un verre au robinet. Cela ne veut pas dire qu'elle soit sans danger. Mushtaq appelle les PFAS des «silent killers» (tueurs silencieux). Ils peuvent affecter le système immunitaire, le système hormonal, la fertilité.

Certaines de ces substances sont suspectées d'être cancérigènes. Mais la plupart des plus de 10 000 PFAS n'ont même pas été suffisamment étudiées pour connaître les dégâts qu'elles peuvent réellement provoquer.

Un mal qui s'insinue partout

Et pourtant, elles sont partout: dans les poêles en téflon, les vestes de pluie, les pompes à chaleur, le mascara. Leurs propriétés déperlantes à l'eau, aux graisses et à la saleté en font des armes polyvalentes dans la fabrication de nombreux produits. Par les eaux usées, elles finissent dans les sols, les rivières, les lacs, les mers, mais aussi dans l'eau potable, les fruits, les légumes, la viande, et donc dans notre corps.

Les PFAS, chimiquement parlant, sont des chaînes de carbone dont les atomes d'hydrogène ont été totalement ou partiellement remplacés par des atomes de fluor, ce qui les rend très stables. Ils se décomposent à peine. Séparer de nouveau les éléments les uns des autres ne peut se faire qu'avec beaucoup d'énergie. Mushtaq explique:

«On peut les brûler, mais il faut pour cela atteindre au moins 1200 degrés Celsius»
«Sinon, tout le reste brûle, mais les PFAS s'échappent simplement dans l'air pour retomber ensuite dans les sols.»

Des ciseaux chimiques pour en venir à bout

Mushtaq et son équipe ont donc développé une nouvelle méthode, et ils assurent pouvoir filtrer et détruire jusqu'à 99% des PFAS dans l'eau. Pour ce faire, l'eau est aérée, un peu comme dans un bain moussant. Cela permet de concentrer les PFAS et de les séparer du reste de l'eau. Ensuite, ils passent à travers des filtres où ils restent piégés.

Puis vient la partie magique: on ajoute aux PFAS d'autres produits chimiques qui sont ensuite activés par la lumière UV. Comme des ciseaux, ils coupent les chaînes de carbone et les décomposent en leurs éléments constitutifs. Mushtaq indique:

«Nous brisons les liaisons carbone-fluor, ces mêmes liaisons qui rendent les PFAS si difficiles à dégrader dans l'environnement. Ainsi, nous rendons ces composés inoffensifs, de sorte que l'eau traitée puisse être rejetée en toute sécurité.»

L'entreprise Oxyle propose également à ses clients des solutions sur mesure. Car «chaque eau est différente», explique Mushtaq. Certaines PFAS ont de longues chaînes, d'autres sont si courtes que de nombreux laboratoires ne peuvent même pas les mesurer, et donc les détecter. Oxyle analyse les échantillons d'eau elle-même, en amont et directement dans l'installation.

«Ainsi, les clients savent par quoi et dans quelle mesure leur eau est contaminée»
Fajer Mushtaq

Certains clients les engagent pour éliminer deux PFAS, mais, en laboratoire, beaucoup d'autres peuvent apparaître. «Alors, nous pouvons adapter notre produit à ces autres PFAS», précise Mushtaq.

Fajer Mushtaq a grandi à Delhi et a obtenu son doctorat à l'ETH.
Fajer Mushtaq a grandi à Delhi et a obtenu son doctorat à l'ETH.Image: Andrea Zahler

Une expansion encourageante

La start-up compte des clients en Suisse, mais aussi en Belgique et aux Pays-Bas, où la concentration de PFAS dans le sol et l'eau est particulièrement élevée. L'an prochain, espère l'entrepreneuse, l'entreprise pourra s'étendre en France et en Italie. Dans deux ans, elle prévoit d'exploiter dix installations en Europe.

Heureux dénouement, donc? Peut-on, grâce à Mushtaq, mettre fin au problème des «produits chimiques éternels»? Non, répond-elle:

«Il faut des solutions techniques comme la nôtre, mais aussi une pression publique sur les producteurs de PFAS et sur les gouvernements. Nous avons besoin de réglementations plus strictes pour limiter la quantité de PFAS qui se retrouve dans l'environnement.»

L'industrie manufacturière au centre de l'attention

Et pour cela, ce ne sont pas les consommateurs qui devraient payer, estime Mushtaq. Il est certes techniquement possible d'installer son «tueur de PFAS» dans chaque foyer, mais:

«La bonne solution, et de loin la plus efficace, reste d'attaquer le problème à la source»

Pour Mushtaq, cela signifie que c'est à l'industrie chimique de s'occuper de l'élimination des PFAS de l'environnement. L'Indienne ne diabolise pas ces substances. Elle critique certes leur usage dans le mascara ou les tapis, mais reconnaît aussi que les PFAS sont essentiels pour certains produits, comme les puces électroniques:

«Sans PFAS dans les pesticides, il ne sera pas possible d'éradiquer la faim dans le monde. Mais les producteurs devraient veiller à ce que l'eau ne soit pas contaminée. Cela devrait aller de soi»

Traduit et adapté par Noëline Flippe

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