«Coupable, coupable, coupable». Ce mot, le juge Benoît Chassot l'a égrainé froidement, des dizaines de fois, à la lecture de son jugement. Ce vendredi matin à Fribourg, il a condamné en bloc les 31 activistes du climat, membres d'Extinction Rebellion (XR), qui avaient empêché l'accès à un centre commercial fribourgeois le jour du Black Friday 2019.
Quelques minutes après la sentence, nous avons voulu connaître la réaction de ceux qui, de près ou de plus loin, ont vécu ce procès climatique qui, pour l'heure, a été le plus du genre en Suisse.
«Je ne suis pas vraiment étonné, mais je suis quand même déçu.» Joris Piller prononce la phrase que tous ses camarades d'Extinction Rebellion auraient sans doute pu lâcher. L'espoir d'être acquitté, il n'en avait aucun ou presque. Surtout après la décision du Tribunal fédéral, vendredi dernier, de (re)condamner les activistes qui avaient joué au tennis au Crédit Suisse, à Lausanne.
Pour cet éco-anxieux, convaincu que l'urgence climatique légitime de violer la loi, la sentence n'a donc pas sonné comme un coup de matraque.
En sortant les gros moyens? «Certains activistes seront peut-être démotivés alors que oui, d'autres voudront crier plus fort, livre-t-il. Mais en aucun cas en usant de violence. L’atteinte physique à des personnes, c'est hors de question.»
A 22 ans, le Fribourgeois n'a pas peur du système. Il raconte qu'au sein d'XR, les peines ne dissuadent pas d'agir. «Certains en ont rien à faire de risquer la prison.» Condamné à du sursis, il admet quand même que «ça fait réfléchir».
Elle n'a pas honte de son fils. Bien au contraire. Corinne Fälken soutient Yannick corps et âme. Même quand il se trouve sur le banc des accusés. La preuve: elle était là ce vendredi pour l'entendre se faire condamner. La maman fribourgeoise est claire:
Celle qui est venue en famille au procès confesse malgré tout que le jugement lui a laissé une sensation très désagréable. «Je suis quelqu'un de très droit, très carré, je n'ai jamais eu de souci avec la justice ni même fumé un joint. Mais cette cause du climat, elle est belle.»
«Je suis absolument scandalisée». Marie-Pomme Moinat fait partie des avocats de la défense. Ensemble, ils ont tout donné pour tenter de faire acquitter «leurs» prévenus. Sans y parvenir.
Ce qui la remonte peut-être le plus, c'est l'absence des climatologues au procès, non conviés à l'audience par le juge. «Il est pourtant fondamental dans ce genre de cas d’entendre ce que les scientifiques ont à dire.»
Marie-Pomme Moinat représente aussi un activiste dans l'affaire de la partie de tennis au Crédit suisse, à Lausanne. Fâchée contre l'arrêt du Tribunal fédéral et contre le verdict de Fribourg, elle redoute que le ton change du côté des militants:
«Ils ne sont pas entendus par la justice suisse. Cela va provoquer un sentiment d’injustice et d’incompréhension. Je crains que le mouvement se radicalise.»