Jeudi dernier, l'Office fédéral de police et leurs homologues cantonaux ont perquisitionné sept maisons dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel et ont arrêté quatre Syriens. Deux d'entre eux habitent dans le canton de Vaud. Les deux autres se trouvaient dans des centres d'hébergement pour requérants d'asile dans les cantons de Vaud et de Neuchâtel au moment de leur arrestation.
Le Ministère public de la Confédération avait déjà ouvert une procédure contre ces quatre personnes plusieurs mois auparavant. Il reproche aux hommes, âgés de 28, 49, 53 et 57 ans, d'avoir enfreint la loi contre les groupes «Al-Qaïda» et «Etat islamique» ainsi que les organisations apparentées. Concrètement, ils auraient soutenu la branche syrienne d'Al-Qaïda, Jabhat Al-Nusra, de différentes manières. Dans le cadre de la procédure pénale, le Ministère public de la Confédération est en contact avec plusieurs autres pays.
Les autorités ne donnent pas d'autres détails. Le grand public ignore, par exemple, quel crime les personnes arrêtées auraient commis et si les autorités de sécurité suisses ont découvert elles-mêmes les soutiens présumés au terrorisme ou si c'est un tuyau de services étrangers qui a été décisif. Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) ne donne aucune information sur le statut juridique des étrangers. Il est, toutefois, probable qu'ils soient arrivés en Suisse en tant que demandeurs d'asile et qu'ils aient été reconnus comme réfugiés ou admis provisoirement.
La pandémie de coronavirus ou la guerre en Ukraine ont peut-être quelque peu éclipsé la menace terroriste islamiste dans les médias. Dans son dernier bilan de la situation, le Service de renseignement de la Confédération continue de mettre en garde contre un danger accru. Le scénario le plus probable en Suisse est celui d'un acte de violence perpétré par un individu inspiré par le djihadisme. De tels cas se sont produits à deux reprises en 2020: à Morges, un individu a poignardé un homme en criant à haute voix «Allahu akbar» («Allah est le plus grand»). La même année, une djihadiste a grièvement blessé au couteau une cliente d'un Manor à Lugano.
A intervalles réguliers, le Ministère public de la Confédération annonce de nouvelles procédures contre des terroristes présumés. Depuis quelque temps, le nombre de procédures en cours est stable et se situe à un niveau élevé (environ 70), écrit-il à la demande de CH Media. Et de préciser:
Les procédures portent par exemple sur le recrutement et le financement au profit d'organisations terroristes ou sur de la propagande. Dans certains cas, des soupçons de planification d'attentats sont également évoqués.
La conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD) a réagi à l'arrestation des quatre Syriens par un post sur le portail Linkedin. «Stop à notre naïveté, nous devons nous réveiller», a écrit l'ancienne directrice vaudoise de la sécurité. Selon elle, la Suisse doit apprendre à se protéger. Que faut-il entendre par là? Interrogée par CH Media, elle répond:
Lundi, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national se réunit à Zurich. Elisabeth Baume-Schneider sera également présente. De Quattro attend de la ministre de la Justice qu'elle informe les membres de la commission de l'état d'avancement de la procédure contre les Syriens. Elle veut surtout savoir s'il s'agit d'auteurs isolés ou s'ils sont des rouages d'un réseau plus large.
D'autres politiciens en charge de la sécurité se montrent également inquiets. Il est important que les autorités impliquées dans le pays travaillent en bonne intelligence et que la coopération avec les services de sécurité étrangers fonctionne, déclare le conseiller national François Pointet (PVL/VD). Ida Glanzmann (Le Centre/LU) se réjouit que le peuple ait accepté il y a deux ans la loi sur les mesures policières de lutte contre le terrorisme.
Cette dernière donne aux autorités davantage d'instruments de prévention. Jean-Luc Addor (UDC/VS) déclare entre-temps:
Sur Twitter, le parti utilise l'affaire des quatre Syriens arrêtés en Suisse romande pour sa campagne électorale.
En 2015 et 2016, on a appris que des auteurs d'attentats isolés étaient arrivés en Europe en se faisant passer pour des réfugiés. Dans son rapport de situation 2019, le Service de renseignement de la Confédération a constaté que les autorités de sécurité européennes s'étaient donc davantage focalisées sur les mouvements migratoires. Les requérants d'asile nouvellement arrivés ayant des liens avec le terrorisme restent toutefois des exceptions.
En Suisse, le Secrétariat d'Etat aux migrations examine chaque dossier de requérant pour déterminer s'il représente un danger pour la sécurité intérieure et extérieure. Il est tenu de signaler les suspects au Service de renseignement de la Confédération. L'année dernière, le service a examiné 713 dossiers d'asile et a constaté un seul cas de risque pour la sécurité. Il y en a déjà eu plus auparavant. En 2018, par exemple, le service de renseignement a identifié 21 personnes potentiellement dangereuses sur 5333 demandes d'asile examinées.
Les requérants ayant un lien avec le terrorisme sont renvoyés. Ils ne peuvent pas invoquer que le renvoi ne peut être raisonnablement exigé en raison d'un danger général. En revanche, s'ils sont menacés de torture ou de danger pour leur vie ou leur intégrité corporelle, ils sont admis provisoirement. Le Parlement fédéral a certes approuvé une motion dans laquelle le conseiller national Fabio Regazzi (Le Centre, TI) voulait permettre l'expulsion de terroristes condamnés même en cas de risque de torture. Mais le Parlement a classé la motion il y a un an.
Le Conseil fédéral a toujours argumenté que la demande n'était pas réalisable en raison du principe de non-refoulement du droit international. La Constitution fédérale stipule également que personne ne peut être expulsé vers un Etat dans lequel il risque d'être torturé ou de subir des traitements inhumains et cruels.
Traduit et adapté par Nicolas Varin