Pour les Jurassiens de Delémont et Porrentruy, Michel Neugnot est ce Français qui a décidé de leur supprimer la ligne directe Bienne-Belfort TGV. A partir de décembre 2025, cette liaison ferroviaire franco-suisse, inaugurée il y a cinq ans à peine, s’arrêtera à la frontière, à Delle. Or tout son intérêt est de raccorder cette partie du nord-ouest de la Suisse au réseau des trains à grande vitesse.
Michel Neugnot, 72 ans, est une sommité politique de la Bourgogne, fusionnée en 2015 avec la Franche-Comté limitrophe de la Suisse. C’est au titre de premier vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté en charge des mobilités qu’il a pris la décision, incompréhensible pour beaucoup, de mettre un terme à la liaison directe reliant actuellement le chef-lieu seelandais Bienne à la gare TGV de Belfort en France, comme on l'a appris début août.
«J’ai cinquante ans d’engagement politique», clame cet élu socialiste joint par watson. Michel Neugnot est accusé d’avoir tenu des propos racistes à l’encontre d’un élu de la commune de Nevers, Mahamadou Sangaré, du parti Renaissance (celui du président Macron). «C’est bon pour toi baobab?», lui aurait-il dit, le 22 août dernier, lors de la visite d'un chantier sur la ligne SNCF Nevers-Dijon.
Réuni le 12 septembre à Ivry-sur-Seine en région parisienne, le Bureau national du Parti socialiste a décidé de suspendre l’élu régional de ses fonctions de premier secrétaire fédéral du PS en Côte d’Or. Une suspension pour l’heure provisoire. L’affaire est désormais entre les mains de la commission nationale des conflits.
Michel Neugnot se défend:
L’élu Renaissance maintient sa version auprès de France 3 Bourgogne et demande au socialiste de «sortir du déni». Il regrette que ni Michel Neugnot ni Marie-Guite Dufay n’aient pris contact avec lui après l’incident. Marie-Guite Dufay? Une connaissance du gouvernement jurassien. C’est elle qui, le 6 décembre 2018, en tant que présidente de la région Bourgogne-Franche-Comté et représentant ce jour-là les autorités françaises, avait coupé le ruban inaugural de la réouverture de la ligne Delle-Belfort en compagnie du ministre jurassien des Transports David Eray. La liaison Bienne-Belfort TGV voyait le jour. Michel Neugnot, reconnaissable à sa moustache en guidon, se tenait légèrement en retrait. Sur la photo, tout le monde souriait. 👇
Engagé pour le maintien de la ligne Bienne-Delémont-Belfort TGV, le conseiller aux Etats centriste jurassien Charles Juillard, qui se représente le 22 octobre aux élections fédérales, n’était pas au courant des déboires de Michel Neugnot, assure-t-il.
Si l’accusation de racisme devait être retenue et la suspension du poste de premier secrétaire fédéral du PS en Côte-d'Or se transformer en démission, cela pourrait-il faire évoluer le dossier de la ligne Bienne-Belfort TGV dans un sens favorable aux Jurassiens? Réponse prudente de Charles Juillard:
Comme nous l'annoncions le 29 août dernier, la partie jurassienne, emmenée par le sénateur Charles Juillard, le maire de Porrentruy Philippe Eggertswyler et le délégué cantonal aux transports David Asseo, entend créer un colloque transfrontalier en soutien à la ligne Bienne-Delémont-Belfort. «Nous y travaillons. Le chancelier de la Ville de Porrentruy envoie actuellement les invitations», relate Philippe Eggertswyler, contacté par watson.
C’est au détricotage des lignes franco-suisses de part et d’autre de la frontière jurassienne qu’il s’agit de mettre un terme, comprend-on. La navette menant de Neuchâtel à Frasne pour y prendre le TGV pour Paris a déjà subi des restrictions budgétaires. Pas rentable, au point que la région Bourgogne-Franche-Comté, déjà elle, aurait renoncé, là aussi, à verser la somme nécessaire au maintien d’une fréquence plus élevée. Il n’y a plus aujourd’hui que deux liaisons directes quotidiennes entre Neuchâtel et Frasne.
Ne souhaitant pas commenter ce dernier cas, Michel Neugnot rappelle sa position sur la ligne Belfort-Bienne. D'une part, il reproche aux CFF d'avoir planifié la fin de la liaison directe entre Bienne et Belfort à compter de décembre 2025 également – les voyageurs à destination de Belfort devront changer de train à Delémont.
D'autre part, il estime que les Suisses, en ne proposant pas de rapides entre Delémont et Belfort TGV, ont ôté de l'attractivité à cette liaison. Il semblerait que ce second argument fasse mouche auprès des Jurassiens, notamment ceux de Porrentruy, qui réclament des trains sans arrêt entre leur ville et le chef-lieu Delémont.