Vous vous souvenez de la série Super Pumped qui retrace le destin du créateur d'Uber, Travis Kalanick? Si oui, rappelez-vous de ses délires mégalos, dans son costume de conquistador pour avaler les villes les unes après les autres. Et cette fois-ci, près de 15 ans après sa création et avoir «uberisé» la jungle urbaine, Uber tente de conquérir les montagnes avec sa nouvelle fonction Uber Ski.
Cela fait une année que l'application s'est ouvert à des destinations hivernales pour transporter ses utilisateurs et prendre toujours plus de hauteur (dans les chiffres et en altitude).
Il fallait bien tester.
On a donc pris notre application et mobilisé un chauffeur à cet effet. Miguel est au volant, pour un trajet de Lausanne à Villars-sur-Ollon, une traversée (pluvieuse) du canton de Vaud, un mardi.
On jette un petit coup d'œil sur notre appli avant de partir en balade: le tarif (bloqué) est de 119 francs pour rallier la station des Alpes vaudoises. En comparaison, UberX se chiffre à 134 francs.
Uber Ski, sans surprise, reste plus abordable qu’un taxi classique, qui coûte entre 220 et 270 francs. Concernant le train, pour une durée de transport estimée à 1h14 et deux changements en prime, la promenade revient à 27 francs. Nous parlons là uniquement de l'aller.
Au moment de la prise en charge, on pose la question à notre chauffeur, si ce tarif, en comparaison avec les autres prix, est une bonne affaire pour son porte-monnaie: «C'est un peu léger», répond notre as du volant. «Ce qu’il faudrait, c’est une adaptation du prix qui varierait entre celui d’Uber Van (réd: pour maximum 6 personnes) et celui d’UberX (réd: la solution économique)», plaide Miguel.
Sur notre chemin, nous demandons à faire un rapide crochet avant de filer en direction des monts, pour se familiariser aux diverses évolutions tarifaires de Uber Ski depuis la gare aiglonne. Le montant n'est pas fixe, il oscille entre 45 et 47 francs. A contrario, la descente est nettement plus onéreuse, aux alentours des 90 francs. UberX est environ 40 francs.
Pour avoir toutes les informations en notre possession, on profite de faire un crochet à Aigle, à la gare, pour interroger brièvement un chauffeur de taxi. Il nous propose un tarif de 60 francs pour nous rendre à Villars.
Si la thématique tarifaire est centrale, viennent alors les questions pratiques: si vous êtes sûr de votre timing, vous inscrivez votre horaire de retour dès votre prise en charge et un chauffeur vous attendra au lieu de rendez-vous indiqué.
Cette manière de procéder n'est pas vraiment au goût de Miguel:
Il confie que plusieurs chauffeurs ont refusé de prendre en charge des clients Uber Ski, «car ils perdaient trop d'argent à faire cette course». Le problème réside dans une absence de course dans le secteur des stations de ski telles que Villars.
Vraiment? Pour en avoir le cœur net, une fois arrivé à destination, au pied de la télécabine du Roc d'Orsay, nous sommes restés plus d'une heure et trente minutes pour voir si les demandes pleuvaient – comme la météo du jour.
Résultat: Miguel n'a reçu qu'une demande de course durant ce laps de temps - un trajet de Villars à Leysin. «Dans l'intervalle, j'ai dû refuser deux courses de 220 et 80 francs en plaine, parce que j'étais coincé en montagne», déplore Miguel, preuves à l'appui. Lors d'un aller, il nous assure gagner 65 francs sur un trajet comme Lausanne-Villars-sur-Ollon. Des miettes sur une journée de travail en milieu urbain.
Du reste, un chauffeur VTC qui souhaite expérimenter Uber Ski doit posséder un véhicule adéquat pour répondre aux besoins. Et ce n'est pas une mince affaire. Notre chauffeur confie payer près de 800 francs de leasing pour remplir les critères.
«Répondre à la demande reste difficile», nous lâche Miguel.
Il enchaîne au sujet du coeur de cible de Uber Ski. Selon lui, la clientèle internationale est en pôle position pour user de cette fonctionnalité.
Il estime:
Une question que nous avons posée à Jean-Pascal Aribot, le directeur d'Uber Suisse:
Les Suisses pourraient mordre à l'hameçon, à l'avenir. Simplement par un simple calcul: si vous décidez de partir à plusieurs, à 4 par exemple, diviser le trajet de 119 francs vous reviendra à un peu moins de 30 francs. Une méthode qui pourrait faire mouche, affirme notre chauffeur.
Et Uber ajoute que c'est une manière de faciliter le voyage pour un passager, désireux d'opter pour «un trajet confortable et sans casse-tête pour se rendre en station».
Or, il y a une question qui reste en suspens: les tarifs vont-ils rester bloqués? Ou n'est-ce pas une manière de faire un appel du pied, une méthode à la Netflix en pratiquant des prix bas avant d'augmenter graduellement?
Pour notre chauffeur, il ne serait pas surpris de voir les prix rapidement grimper. Or, Uber assure qu'il n'est pas à l'ordre du jour de les modifier:
Avec cette cette idée de tarif fixe, des petits malins peuvent-ils en profiter à l'avenir pour se déplacer à moindre coût?
Uber balaie d'un revers cette idée: «L’analyse des données de l’année dernière n’a révélé aucune tendance de cas d’usage inapproprié plus marquée que sur nos autres produits».
Néanmoins, un autre petit grain de sable pourrait saboter ce nouveau processus de transport: il faudra trouver un chauffeur pour accomplir la tâche. Selon Miguel, il sera difficile de trouver des chauffeurs d'accord de se poster dans une seule station.
Il propose de mettre en place un bonus pour les chauffeurs qui désirent utiliser cette fonctionnalité. «Il faudrait qu'Uber élargisse le rayon de prise en charge à 20 km (réd: 14 km en règle générale) et instaure un bonus financier pour motiver les chauffeurs».
Nous avons exposé cette proposition à la direction d'Uber, qui trouve l'idée «intéressante». «Nous pouvons être amenés à mettre en place des bonus lors de lancements de villes, par exemple», répond Jean-Pascal Aribot.
Après notre petite promenade, l'idée peut séduire les utilisateurs de l'application qui souhaiteraient se rendre en montagne sans s'embarrasser de détails. Uber nous confirme d'ailleurs que la mise en place d'Uber Ski répond à leurs attentes. «Lors de la saison 2024/2025, ce sont plus de 20 000 personnes qui ont tenté de commander un trajet dans les stations de ski desservies par l’option Uber Ski», conclut Jean-Pascal Aribot.