C'était un embarras d'un genre particulier pour le chef de l'armée Thomas Süssli et Markus Mäder, secrétaire d'Etat à la sécurité: les deux cadres du Département de la défense ont d'abord pu exposer leur vision de la sécurité de la Suisse aux cadres de l'UDC à Bad Horn. Et ont dû constater un peu plus tard que le parti d'extrême droite demande dans un communiqué de presse la démission de la ministre de la Défense Viola Amherd (Le Centre, ex-PDC).
Markus Mäder et Thomas Süssli avaient sans doute espéré que l'UDC, si critique envers l'Otan, s'ouvre à l'idée d'un rapprochement avec cette organisation après avoir entendu leur vision du futur de l'armée. Au lieu de cela, leurs exposés sont devenus des preuves que l'élite de l'UDC a utilisées pour faire le procès de la conseillère fédérale du Centre. Après tout, Süssli avait lui-même reconnu que l'armée était en mauvaise posture.
«Démissionnez, Madame la Conseillère fédérale Amherd»: même les membres du groupe UDC s'étonnent de la demande de la direction du parti. Car sur le fond, elle est quelque peu insolente. Bon nombre des multiples erreurs que le DDPS a commises ces dernières années trouvent leur origine dans les années où des magistrats UDC comme Ogi, Schmid, Maurer ou Parmelin étaient aux commandes du département.
Les scandales liés aux frais, les flops d'acquisition et les menaces de lacunes en matière de capacités ne sont que quelques-uns des chantiers dont les conseillers fédéraux UDC se sont transmis la responsabilité.
Alors pourquoi l'UDC s'en prend-elle à Amherd? Même l'ancien conseiller fédéral Alain Berset, détesté par l'UDC pour ses mesures contre la pandémie de Covid-19, n'a pas été la cible d'une attaque aussi généralisée. Une demande de démission non dissimulée d'un parti gouvernemental contre un membre du Conseil fédéral est un tabou désormais brisé.
Trois circonstances expliquent comment on en est arrivé là.
L'initiative sur la neutralité et l'initiative contre la Suisse à dix millions attendent d'être traitées par le Parlement. Et dans le débat sur l'Europe, l'UDC a pris la précaution de sortir les hallebardes. A l'approche de la mi-législature, l'enjeu est de taille.
Sur le plan de la communication, l'UDC a déjà donné le ton pour l'année politique 2025. Cette revendication n'est néanmoins pas pertinente sur le plan politique: la Suisse ne connaît toujours pas de procédure de destitution et il n'y aura pas de nouvelles élections. Et si Amherd annonce sa démission, ce sera de son plein gré, et l'UDC applaudira chaleureusement.
On peut seulement se demander si, compte tenu de l'importance croissante de la politique de sécurité, l'UDC fera à nouveau valoir ses droits sur le DDPS lors du prochain remaniement ministériel – ou si elle en restera à des communiqués de presse martiaux.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci