Nombreux sont ceux qui affirment que la poursuite de l'aide américaine à l'Ukraine est principalement due à une femme: Olena Zelenska. En juillet, l'épouse du président ukrainien a personnellement exhorté le Congrès américain à Washington à maintenir son soutien. En octobre, elle a réitéré cet appel par le biais d'une série de photos spectaculaires prises par Anne Leibovitz dans le magazine de mode Vogue.
Ingénieure civile et architecte de 44 ans, Olena Zelenska a, sans aucun doute, conquis la sympathie de la population américaine. Quant à savoir si elle a une réelle influence politique, c'est une tout autre question. Le fait est qu'après onze mois de guerre, les Etats-Unis sont restés de loin le principal fournisseur d'armes de l'Ukraine.
On ne compte plus les apparitions publiques et les interviews de la Première dame d'Ukraine. Et on a compris, à force, ce qu'elle considère être le plus important pour son pays: «faire ce qui est juste», continuer à soutenir l'Ukraine attaquée avec des armes, du matériel et de l'argent.
Elle s'est envolée pour Paris à la mi-décembre, s'est rendue à Londres fin novembre, à Lisbonne trois semaines plus tôt et encore avant à la foire du livre de Francfort. Si elle participe en personne au WEF à Davos de lundi à mercredi - comme l'a annoncé l'ambassade d'Ukraine à Berne -, ce sera sa première apparition officielle à l'étranger en 2023.
Pour des raisons de sécurité, les détails du discours prévu de Zelenska sont tenus secrets par les organisateurs du WEF. On peut s'attendre à une présentation similaire à celle de l'année dernière, lorsqu'elle s'était jointe à l'événement par vidéo. Le public du WEF de cette année-là se souvient encore très bien de la manière dont la Première dame avait fait défiler des photos d'avant-après des attaques de Marioupol, Irpin et Kharkiv, dévoilant des images de mères et d'enfants ukrainiens tués ou gravement blessés.
Mais ce qui compte sans doute plus pour Olena Zelenska, ce sont les liens qu'elle va pouvoir nouer avec les personnalités présentes au WEF. Car en réalité, depuis le début de la guerre, elle conçoit sa mission bien plus comme l'organisation de l'aide humanitaire et de l'aide à la reconstruction que comme la sollicitation de livraisons d'armes. C'est essentiellement le président Volodymyr Zelensky, son mari depuis 2003, qui s'occupe de cela.
L'été dernier, le magazine américain Time a intitulé son article de couverture sur Olena Zelenska «Sa guerre: soigner l'Ukraine». Quelques semaines seulement après l'invasion russe, elle avait, en effet, lancé une initiative gouvernementale visant à permettre à chacun en Ukraine d'accéder à une aide psychiatrique.
Lors d'un entretien avec le magazine américain, elle a estimé à 15 millions le nombre d'Ukrainiens souffrant de troubles psychiques liés à la guerre, soit un tiers de la population.
Depuis septembre, Zelenska préside une fondation qui porte son nom et dont l'objectif est de «restaurer le capital humain de l'Ukraine». Elle finance, par exemple, des séjours de repos dans des camps de vacances pour les enfants victimes de la guerre, avec un soutien psychologique. La reconstruction de l'hôpital à Izioum ou l'acquisition de 38 000 ordinateurs portables à des fins scolaires complètent le large éventail des activités de la fondation.
Il ne se passe pas un jour sans qu'elle ne poste sur les réseaux sociaux des photos d'enfants ukrainiens touchés par la guerre et soutenus par sa fondation. Son engagement complet et très émouvant porte ses fruits: elle a fait de Microsoft l'un de ses principaux sponsors. Selon ses propres indications, le géant américain a déjà fait don de plus de 400 millions de dollars à l'Ukraine.
Il va sans dire que ses apparitions dans le cadre de la propagande de guerre ukrainienne sont aussi parfaitement conçues et orchestrées que celles de son mari. La femme du président ukrainien a d'ailleurs écrit des scénarios pour des comédies télévisées dans lesquelles Zelensky apparaissait autrefois. Voilà comment les deux se sont rencontrés, il y a plus de deux décennies.
Depuis le début de la guerre, son mari et leurs deux enfants Oleksandra (18 ans) et Kyrylo (9 ans) ont dû se séparer pour des raisons de sécurité. Lors d'une interview Netflix avec David Letterman, Volodymyr Zelensky a décrit de manière frappante comment les appels téléphoniques et les réunions avec sa famille faisaient partie des rares moments de bonheur dans le quotidien de la guerre.
Comme le président, Olena Zelenska et ses enfants auraient eu la possibilité d'être mis en sécurité chez des amis à l'étranger lorsque la guerre a éclaté. Mais ils ont décidé de rester et de jouer leur rôle en Ukraine. Cela a valu à Zelenska un énorme respect et une grande confiance, non seulement à l'étranger, mais aussi dans son pays.
Elle est pourtant la première à souligner à quel point la guerre les touche et les transforme, elle et la population ukrainienne, dans leur chair. Olena Zelenska ne se retient jamais d'exprimer son mépris pour l'agresseur russe: «Nous ne pardonnerons et n'oublierons jamais. Nous transformerons notre douleur et notre colère en force pour arrêter ces terroristes», écrivait-elle au plus fort des attaques de missiles russes de l'automne dernier.
Traduit de l'allemand par Léon Dietrich