A en croire les analyses de différents médias suisses, le paquet d'accords avec l'Union européenne (UE) est déjà mort. Mais il se pourrait qu'ils aient parlé trop vite.
Lors de la présentation du mandat de négociation vendredi 8 mars dernier, le Conseil fédéral a déclaré qu'il souhaitait une précision de l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE. Pour l'instant, il est stipulé qu'en cas de «problèmes économiques ou sociaux graves», le comité mixte Suisse-UE pourrait examiner «des mesures correctives appropriées».
Ce passage est si général qu'il ne signifie pas grand-chose. Il va donc être adapté. La Suisse pourrait ainsi disposer d'un moyen de freiner l'immigration en provenance de l'UE.
En février dernier, l'ancien secrétaire d'Etat Michael Ambühl s'est exprimé devant la commission économique du Conseil national. Il a estimé que le nouveau paquet d'accords était plus intéressant que l'accord-cadre que le Conseil fédéral a enterré en 2021. Mais pour que le paquet global soit plus équilibré, il faut «formuler des exigences supplémentaires».
En clair, la Suisse avale des couleuvres sur certains points, notamment le rôle de la Cour de justice européenne dans le règlement des litiges. En échange, elle obtient quelque chose qu'elle désire: une clause de limitation de l'immigration.
Voici ce que Michael Ambühl propose: si la migration vers la Suisse est plus élevée que dans les 31 Etats de l'espace européen de libre circulation, la Suisse pourrait à l'avenir imposer des mesures. Ces mesures devraient être définies au préalable par les deux parties.
L'année dernière, l'immigration nette vers la Suisse s'est élevée à 99 000 personnes. La Suisse a l'un des taux d'immigration les plus élevés de l'UE, mais aussi du monde. Cela a pour conséquence négative la pénurie de logements. Si une disposition telle que celle proposée par Michael Ambühl était appliquée, le Conseil fédéral pourrait décider de freiner l'entrée en Suisse.
A Berne, le nombre de parlementaires qui placent leurs espoirs dans la clause de sauvegarde ne cesse de croître. Premièrement, elle permettrait de revaloriser considérablement le paquet d'accords avec l'UE. Secondement, le Conseil fédéral présenterait ainsi une sorte de contre-projet indirect à la nouvelle initiative populaire de l'UDC, qui demande une limitation de l'immigration.
La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter est favorable au paquet de traités et pense déjà à la votation populaire. Elle souligne:
La grande question est désormais la suivante: la Commission européenne se laissera-t-elle convaincre? Jusqu'à présent, la libre circulation des personnes était sacro-sainte à Bruxelles, sans aucune restriction. Elle est d'ailleurs considérée comme le pilier de l'Union européenne.
Aux Pays-Bas, c'est toutefois un parti populiste de droite, critique envers l'UE, qui a remporté les élections l'automne dernier. Les Pays-Bas connaissent une grave pénurie de logements en raison d'une immigration très importante en provenance des pays de l'UE.
Cela a-t-il déclenché quelque chose au sein de la Commission? Est-elle prête à s'écarter un peu de ses principes fondamentaux?
Andreas Schwab est un parlementaire européen; il dirige la délégation suisse et est proche de la Commission européenne. Interrogé sur une éventuelle clause de sauvegarde, l'Allemand déclare:
Selon le droit européen, l'immigration en Suisse ne peut être que celle de travailleurs.
Pour la délégation suisse, cela signifie que la lutte pour une clause de sauvegarde pourrait être payante. Ce serait une concession importante pour l'UE, mais Bruxelles a compris que le paquet d'accords proposé actuellement ne faisait pas fureur en Suisse. Ses chances de passer une votation populaire paraissent compromises.
Reste à savoir si Bruxelles acceptera de faire de telles concessions. Mais cela dépend de plusieurs facteurs: combien la Suisse paiera-t-elle à l'UE? Quel est le montant que Berne envisage pour sa future contribution à la cohésion? Un accord sur ce point est nécessaire. Il contribuera peut-être à ce que la Commission européenne accepte une clause de sauvegarde – ce qui pourrait sauver l'ensemble du paquet d'accords.
Traduit et adapté par Tanja Maeder