«Censure.» Le mot est lâché à la suite de la décision du rectorat de l’Université de Genève (Unige) d’interdire la distribution de l’agenda annuel de la CUAE dans les murs de l’Unige. La CUAE, la Conférence universitaire des associations d'étudiant.e.x.s, en toutes lettres inclusives, est à la fois l’association faîtière des étudiants de l’Unige et le syndicat les représentant. Dans un communiqué publié vendredi 13 septembre, elle dénonce donc un acte de censure à son endroit. De quoi parle-t-on exactement?
Comme watson le relatait la veille dans un article consacré aux risques d’une rentrée universitaire agitée, la CUAE a édité son traditionnel agenda annuel. A certaines dates, elle y a glissé des rappels historiques en lien avec le conflit israélo-palestinien, son parti-pris étant clairement propalestinien.
La CUAE reprend dans son agenda le slogan «Free Palestine from the river to the sea», qui sous-entend la disparition d’Israël sous sa forme actuelle. Le point qui pose peut-être le plus problème est le rappel, à la date du 6 septembre, du triple détournement d’avion, dont un appareil de la compagnie Swissair, en 1970, sur un aéroport jordanien, par le FPLP, le Front de libération de la Palestine. Une organisation classée comme terroriste par l’Union européenne et les Etats-Unis – pas par la Suisse. Lors de ce triple détournement, les passagers juifs avaient été séparés des passagers non-juifs. A la lecture de cette note historique, on peut avoir l’impression d’une apologie d'un acte terroriste.👇
Dans son communiqué du 13 septembre, la CUAE justifie l’inscription dans son agenda du slogan «From the river to the sea», mais elle ne dit pas un mot du rappel de la date du 6 septembre 1970, celle du triple détournement par le FPLP.
Mercredi 11 septembre, la CICAD, la Coordination intercommunautaire contre l'antisémitisme et la diffamation, basée à Genève, avait dénoncé, à propos de cet agenda, une «opération de propagande sinistre et dangereuse de la CUAE à l’Université de Genève».
Toujours à propos de l'agenda, le rectorat de l’Unige publiait de son côté un communiqué condamnant «fermement» des «messages et illustrations pouvant heurter». Mercredi soir, rapporte la CUAE dans son communiqué, une délégation du syndicat étudiant rencontrait le vice-recteur. Peu après, la CUAE se voyait signifier l’interdiction de la distribution de son agenda dans l’enceinte de l’Unige, essentiellement Uni-Mail. Face à cette décision, elle annonçait vouloir le distribuer gratuitement à l'extérieur des murs universitaires.
L’affaire pourrait ne pas en rester là. A notre connaissance, des membres de partis de droite et de gauche genevois supportent de moins en moins l’activisme de la CUAE, un syndicat étudiant censé représenter l’ensemble des étudiants de l’Unige, aux opinions politiques diverses. L’UDC avait évoqué un possible sucrage de la subvention allouée par l’Etat de Genève à l’Unige, afin de sanctionner la CUAE, qui reçoit indirectement une partie de la subvention pour ses frais de fonctionnement.
A propos, combien ont coûté la réalisation et l'impression de l'agenda décrié? Une somme à cinq chiffres, 30 000 francs en l'occurrence, est évoquée par une source professorale de l'Unige, sans qu'il nous soit possible, en l'état, de vérifier cette information semble-t-il inscrite à un procès-verbal universitaire daté du 15 avril 2024. Les autres formations politiques voudront-elles à leur tour frapper la CUAE au portemonnaie?