Les médias suisses sont sous pression – laquelle vient surtout de l'extérieur, sous la forme de grandes entreprises internationales comme Google et Facebook, avec qui ils se disputent les fonds publicitaires. A ce titre, le Conseil fédéral et le Parlement ont décidé de réagir avec une nouvelle loi sur les médias. Voici, en bref, de quoi il s'agit.
«Le projet renforcera le soutien aux médias locaux». Voici comment la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga défend la nouvelle loi sur les médias. Sur le papier, cette dernière servira à augmenter l'aide financière aux médias suisses. Ce, sur trois niveaux:
Jusque là, tout va bien. Mais qu'est-ce que ça signifie vraiment? Penchons-nous un peu un peu plus précisément sur chacun des trois champs concernés:
Ce type d'aide concerne la distribution des journaux papiers.Cette aide existe déjà sous une certaine forme: depuis 1849, la Confédération prend en charge une partie des frais de distribution des journaux en abonnement. Mais jusqu'à présent, seuls les journaux dont le tirage ne dépassait pas un certain seuil en bénéficiaient.
Désormais, les journaux à fort tirage pourront également profiter de cette subvention. La Confédération veut y consacrer 50 millions de francs au lieu des 30 actuels. De plus, les distributions matinales et dominicales bénéficieront aussi d'un soutien. Un montant supplémentaire de 40 millions de francs par an est prévu à cet effet. L'aide aux journaux associatifs passera également de 20 à 30 millions de francs.
Cette aide sera versée de manière dégressive. En d'autres termes, plus la maison d'édition et le journal seront grands, plus la contribution sera faible. Cette mesure vise ainsi à soutenir en particulier les médias de petit et moyen effectif.
Depuis le milieu des années 90, la Confédération soutient les radios et les télévisions locales. Ce soutien doit être augmenté de 28 millions de francs par an. L'argent supplémentaire provient de la redevance radio et télévision.
Les journaux imprimés, les stations de radio et de télévision bénéficient depuis longtemps déjà d'un soutien fédéral. En revanche, le secteur en ligne, qui connaît une croissance fulgurante ces dernières années, ne bénéficie jusqu'à présent d'aucun soutien de ce type. C'est ce que le Conseil fédéral et le Parlement veulent changer avec ce projet.
Il est prévu d'y consacrer 30 millions de francs par an. Cette aide sera limitée à sept ans dans un premier temps. Les fonds seront certes répartis de manière dégressive (les plus petits recevront plus), mais ils se baseront dans un deuxième temps sur les recettes actuelles provenant des abonnements ou des dons. Les offres financées par la publicité et mises à disposition gratuitement pour le lecteur ne recevront donc pas de soutien.
23 millions de francs supplémentaires issus des redevances radio et télévision seront consacrés au soutien institutionnel des médias. Ainsi, les écoles suisses de journalisme, les agences de presse, le Conseil de la presse et les projets informatiques inter-éditeurs seront également soutenus.
Le Conseil fédéral et le Parlement veulent renforcer la diversité des médias en Suisse. Plusieurs problèmes se rejoignent ici. D'une part, au cours des 20 dernières années, les médias suisses ont perdu environ 40% de leurs recettes publicitaires au profit d'entreprises internationales comme Google et Facebook. Ajouté à cela, les plus de huit millions d'habitants se répartissent entre quatre langues nationales qui complexifient encore plus la problématique.
Le gouvernement veut tenir compte de cette diversité et la promouvoir. Aucune région ne doit être laissée de côté, a déclaré la ministre des médias Sommaruga lors de la conférence de presse sur le projet. L'objectif premier est que l'offre d'information locale soit maintenue dans toutes les régions, a-t-elle ajouté.
Le Conseil fédéral a proposé au Parlement une loi visant à soutenir le paysage médiatique suisse à hauteur de 70 millions de francs. Le Parlement a ajouté d'autres mesures à la loi, et c'est désormais le double de l'argent qui devrait être versé, soit 140 millions.
Le comité «Staatsmedien Nein» a lancé un référendum contre cette loi adoptée par le Conseil fédéral et le Parlement. C'est pourquoi elle sera soumise au vote le 13 février 2022.
Comment cet argent supplémentaire doit-il donc être réparti? La conseillère fédérale ne cesse d'insister sur le fait que la nouvelle loi profitera particulièrement aux petits et moyens éditeurs. Les chiffres le confirment également – du moins pour l'aide indirecte à la presse.
En 2020, ceux-ci ont reçu près de 80% de ces subventions. Les trois plus grands éditeurs Tamedia (11%), CH-Media (7%) et Ringier (3%) se partagent le dernier cinquième. Selon Simonetta Sommaruga, la suppression de la limite de tirage devrait faire passer cette part à environ un tiers. Les petits et moyens éditeurs empocheraient donc toujours environ deux tiers du soutien.
La ministre des Médias ne se risque pas à faire des prévisions pour le secteur en ligne. Elle constate toutefois que, grâce à la dégressivité, les petits sites seront aussi avantagés par rapport aux géants du marché.
Le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà fait passer la loi, pour les raisons évoquées plus haut. L'association des éditeurs suisses Médias Suisses est également à bord. Mais il existe une poche de résistance contre la loi sur les médias.
Commençons par le comité «Staatsmedien Nein». Celui-ci est composé, entre autres, d'opposants à la loi Covid. Les «Amis de la Constitution» ont récolté plus de la moitié des signatures pour le référendum.
Sur le plan politique, la résistance s'organise surtout du côté bourgeois.
Le refus s'appuie en particulier sur deux arguments: les fonds supplémentaires menaceraient l'indépendance des médias suisses et les fonds supplémentaires profiteraient aux grands éditeurs qui paient déjà des millions.
Simonetta Sommaruga a rejeté ces deux points lors de sa conférence de presse. L'aide indirecte aux médias préserve l'indépendance et les mesures prises jusqu'à présent montrent suffisamment que ce sont justement les petits et moyens éditeurs qui profitent en particulier de l'aide.
Le sondage de la SSR a révélé que le camp du «oui» et celui du «non» atteignent chacun respectivement 48%. 4% reste encore indécis. En revanche, le sondage de Tamedia a révélé une majorité de 51 % de «non». 42 % se sont prononcés en faveur du projet, 7 % n'ont pas indiqué leurs intentions de vote.
Lors du vote de dimanche 13 février 2022, vous trouverez sur watson les résultats des votes fédéraux et cantonaux à partir de 12 heures.