Swisscom et sa filiale italienne Fastweb veulent reprendre les activités italiennes du groupe de téléphonie mobile britannique Vodafone pour huit milliards d'euros. C'est ce qu'a annoncé le groupe mercredi. La transaction est censée «créer de la valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes», c'est-à-dire pour tous les groupes d'intérêt. Mais est-ce vraiment le cas?
L'accord suit la logique de la branche selon laquelle les groupes intégrés ont plus de succès – c'est-à-dire ceux qui peuvent vendre à leurs clients des abonnements de téléphonie mobile, des raccordements à la fibre optique pour l'Internet à domicile et la plateforme de télévision. Fastweb possède un réseau de fibre optique, mais pas encore de réseau de téléphonie mobile, et doit louer ses services auprès de fournisseurs externes.
En tant que propriétaire d'un réseau de téléphonie mobile, Vodafone Italia se présente donc comme un partenaire potentiel. Reto Huber, analyste chez Research Partners, explique:
Cela changerait avec l'accès aux antennes de Vodafone. «Si Fastweb veut continuer à proposer une offre complète aux utilisateurs finaux, c'est là que se trouvent les synergies». Selon l'analyste, c'est particulièrement important sur le marché italien: plus de volume de données est transmis via les antennes de téléphonie mobile que dans d'autres pays européens, car l'infrastructure haut débit est comparativement sous-développée.
Fastweb et Vodafone ont toutefois un problème. Celui-ci porte le nom de Xavier Niel. Le milliardaire français, connu dans notre pays comme le propriétaire de Salt – le concurrent de Swisscom –, est propriétaire du groupe de télécommunications Iliad, actif au niveau international. Depuis son entrée sur le marché en 2018, Iliad bouscule le marché italien avec des prix bas et a gagné chaque trimestre le plus grand nombre de nouveaux clients de téléphonie mobile parmi tous les grands opérateurs.
De nombreux observateurs préféreraient donc que Vodafone s'associe à Iliad en Italie. Les Français voulaient créer une coentreprise avec Vodafone, mais les Anglais ont refusé. «Il ne reste donc à Vodafone que la moins bonne des options, celle de s'associer à Fastweb de Swisscom», a jugé le portail financier Bloomberg il y a un mois.
Avec 17,2 millions de clients mobiles et 2,9 millions de connexions à haut débit, Vodafone est certes plus grand en Italie qu'Iliad – qui comptait récemment 10,5 millions de clients mobiles et seulement 172 000 connexions à haut débit. Mais Vodafone perd des revenus et des parts de marché, alors qu'Iliad progresse.
L'entreprise Fastweb a contribué l'année dernière à hauteur d'environ 17% au résultat d'exploitation de Swisscom avec 780 millions de francs et était responsable de près d'un quart des 11 milliards de francs de chiffre d'affaires. Après son rachat par Swisscom en 2007, Fastweb a enregistré de lourdes pertes, mais est désormais très rentable. Le rachat envisagé montre, toutefois, que sans partenaire de téléphonie mobile, Fastweb ne devrait guère réussir à rattraper les plus grands opérateurs. En outre, la pression sur les prix en Italie commence à laisser des traces dans le bilan. Ainsi, en 2023 comme l'année précédente, Fastweb a perdu des clients privés haut débit.
Selon l'analyste Reto Huber, le rachat de Vodafone par Fastweb et la consolidation du marché qui en résulte pourraient apporter un certain soulagement en matière de pression sur les prix. Mais:
Au moins, le groupe sait à quoi s'en tenir.
D'après Reto Huber, Swisscom est en mesure d'assumer le prix visé de 8 milliards d'euros, car le groupe est nettement plus solvable que ses concurrents internationaux. Quant à savoir si le prix est juste, c'est une autre question. Cela dépend des synergies de coûts qui peuvent être réalisées, selon l'analyste de Research Partners.
Avec les clients de Vodafone et les 2,3 millions de clients haut débit et 3,5 millions de clients mobiles de Fastweb, Swisscom deviendrait le nouveau numéro 2 avec un chiffre d'affaires d'environ 7 milliards d'euros par an. A titre de comparaison, le leader du marché Tim réalise un chiffre d'affaires annuel d'environ 16 milliards d'euros. La nouvelle entreprise serait également forte auprès des clients commerciaux, où Fastweb détient une part de marché de 35%.
Toutefois, de nombreuses incertitudes subsistent, comme la rapidité avec laquelle Fastweb pourrait se retirer des contrats conclus avec les opérateurs de téléphonie mobile externes dont elle loue les réseaux.
Le Conseil fédéral ne s'oppose pas à ce projet. Une porte-parole du département compétent, le Detec du conseiller fédéral Albert Rösti, déclare que le Conseil fédéral s'est penché sur le dossier, mais qu'il ne s'exprime pas davantage sur le sujet à l'heure actuelle. Le parti d'Albert Rösti, l'UDC, voit les choses différemment. Il se montre critique à l'égard de la reprise, comme il l'a annoncé hier. En effet, en tant qu'actionnaire majoritaire, la Confédération est responsable en dernière instance des entreprises.
Le parti rejette «l'aventure à l'étranger avec une garantie de fait de l'Etat». Pour l'Etat, la reprise pourrait certes être financièrement intéressante, mais seulement si Swisscom atteint ses objectifs, à savoir une augmentation de la valeur de l'entreprise et un dividende durablement plus élevé.
En revanche, les clients suisses de Swisscom n'en profiteront pas. Les synergies avec les activités italiennes sont quasi inexistantes. De plus, ce sont ces mêmes clients qui ont rempli les caisses de Swisscom avec leurs paiements d'abonnement, et qui ont rendu possible le rachat à hauteur de plusieurs milliards.
Un autre risque est celui d'un endettement plus important de Swisscom. Sepp Huber, le porte-parole de l'entreprise, souligne que les règles de la Confédération en la matière sont respectées et que Swisscom n'investit donc pas moins en Suisse. Au contraire, les objectifs de développement de la fibre optique viennent d'être augmentés. Il n'en reste pas moins que les huit milliards d'euros ne sont pas disponibles pour des extensions ailleurs. En fin de compte, les clients locaux n'ont d'autre choix que d'espérer que Swisscom trouve son salut dans le grand marché que représente l'Italie.
Adapté de l'allemand par Tanja Maeder