Un premier rôle, une performance phénoménale, si bien qu'il éclipse tout le casting de la série Adolescence. Owen Cooper, 15 ans (il a tourné la série à 14 ans), se glisse sous les traits de Jamie Miller, un ado de 13 ans accusé de meurtre.
Un personnage à deux visages, où l'innocence fait place à la rage intense et allergique à l'autorité d'une psy qui demeure de plus en plus désemparée dans ce puissant épisode 3.
Le ton de la voix a changé et les pleurs du premier épisode ont disparu, Owen Cooper s'est transformé, il fait exister son personnage à travers l'insolence et trahit cette frêle silhouette qui devient soudain vertigineuse. Il devient l'incarnation du mal, des dérives adolescentes boostées par les réseaux sociaux et la manosphère. Au fond de ce gamin, un lot de frustrations couvait, il trimballe le pompon des haines avant d'avouer ses sept coups de couteau ravageurs assénés à sa camarade de classe.
L'innocence peut voler en éclats à 13 ans, à force d'être influencée par la toxicité du virtuel. «Vous ne décidez pas ce que je fais de ma vie. Fourrez-vous ça dans le crâne!», aboie l'ado à la face de la psy, envoyée dans les cordes, étouffée par cette haine qui lui agrippe le coeur.
Une scène saisissante et effrayante. Et pour ce faire, il fallait un gamin capable de s'effacer derrière le sombre Jamie Miller.
Le pari est réussi pour Owen Cooper, haut la main, qui puise au fond de lui pour devenir cet être fou furieux noyé dans ses travers (irrécupérables) de vengeur.
Sa performance est d'autant plus remarquable qu'elle ne tient sur rien, sur aucune expérience, sinon sur quelques cours de théâtre: «J'ai reçu une demande d'enregistrement pour Adolescence», précise l'apprenti acteur. C'est tout simplement son premier job en tant que comédien, comme il l'expliquait à Variety: «Je voulais vraiment devenir acteur il y a seulement quelques années».
Il rêvait d'abord de ballon rond plutôt que des plateaux de tournage:
Mais son choix de carrière précoce est le bon. Sa performance impressionnante a bluffé tout son monde. A commencer par le cinéaste derrière cette série, Philip Barantini: «Les acteurs s'entraînent pendant des années et n'arrivent toujours pas à maîtriser ce qu'Owen maîtrise, c'est-à-dire être dans l'instant présent, écouter et être honnête», confiait-il à Variety.
Surtout, dans cette mise en scène délicate en plan-séquence, Owen Cooper a dû composer avec le stress et le soin qu'il faut pour réussir une telle réalisation. Matthew Lewis, le directeur de la photographie, autre magicien de cette chorégraphie bien huilée, assure que Cooper était facile à diriger.
Derrière cette révélation, il faut aussi citer Shaheen Baig, la directrice de casting, considérée comme une dénicheuse hors pair de talents, selon Barantini.
Encore fallait-il que le gosse de 14 ans tienne son rôle et ne se perde pas dans les tourments de son personnage. Il était suivi par une psychologue sur place pour s'assurer qu'il allait bien. Et le gamin a encore bluffé: il réussissait à sortir de son personnage sans problème, malgré la complexité de son rôle et du dispositif. Sans omettre le rythme à tenir, loin d'être facile: les équipes alignaient les tournages de deux épisodes identiques deux fois par jour, rapportait Variety. Au total, il fallait dix prises complètes pour trouver la bonne carburation.
Mais il a relevé le défi, avec brio.
De plus, dans l'intervalle, Cooper a fait un crochet sur le plateau du film d'Emerald Fennell (Saltburn). La cinéaste a jeté son dévolu sur la nouvelle pépite de la comédie britannique pour l'engager dans Les Hauts du Hurlevents. Une nouvelle ligne à son CV pour parfaire ses gammes d'acteur aux côtés de Jacob Elordi et Margot Robbie.
Ses désirs de fouler les pelouses les plus mythiques du monde vont en revanche s'évaporer après sa prestation XXL dans Adolescence. Son avenir, à n'en pas douter, s'inscrit devant les caméras.