Depuis le 10 août 2019, lorsque le milliardaire Jeffrey Epstein a été retrouvé pendu dans sa cellule new-yorkaise, pas un jour ne s'écoule sans qu'une nouvelle théorie du complot ne soit colportée sur les réseaux sociaux ou dans les cercles de l'alt-right américaine. Une vague de soupçons sur laquelle plusieurs collaborateurs de Donald Trump ont allègrement surfé avant son arrivée au pouvoir.
Lors de sa campagne l'an dernier, le candidat lui-même avait affirmé qu'il n'aurait «aucun problème» à divulguer davantage de dossiers s'il revenait à la Maison-Blanche. Dans une interview avec Lex Fridman, un informaticien devenu podcasteur, Donald Trump a notamment allégué qu'il était «très intéressant» qu'une «liste de clients» ayant visité l'île du pédophile condamné n'ait jamais été rendue publique, avant de s'engager à «y jeter un coup d'œil».
Parmi ceux qui ont remis en question la version officielle de la mort du financier déchu figurent également Kash Patel et Dan Bongino, l'actuel directeur et directeur adjoint du FBI. Sans oublier la procureure générale des Etats-Unis, Pam Bondi, qui a suggéré en février qu'une «liste de clients» d'Epstein était posée sur son bureau et serait bientôt dévoilée.
En avril, la procureure en a rajouté une couche, en répétant que le ministère de la Justice détenait des «milliers» de vidéos montrant Jeffrey Epstein en train d'agresser des enfants.
Après moult promesses et teasing frénétique, force est d'admettre que l'affaire n'a finalement pas fait grand-bruit. Au lieu des révélations juteuses ou de la confirmation d'un vaste complot, la note de service publiée lundi a fait un flop. En gros? Pas de preuve d'assassinat. Pas de liste de clients. Pas de chantage.
Le mémo de deux pages comprend notamment une vidéo de surveillance du couloir devant la cellule d'Epstein entre 22h40 environ le 9 août 2019, et 6h30 environ le lendemain, lorsqu'il a été retrouvé inconscient. Après nouvel examen, aucun élément supplémentaire n'a été trouvé. Selon le ministère de la Justice, les images semblent seulement corroborer les conclusions du médecin légiste selon lesquelles le financier en disgrâce s'est suicidé.
Autant dire que ce n'est pas du tout ce que voulaient entendre les influenceurs conservateurs et des théoriciens du complot, qui n'ont cessé de remettre en question la version officielle du gouvernement sur le suicide du milliardaire.
Le premier déçu était probablement Elon Musk, qui a lancé, en mai, lors de sa rupture bruyante avec Donald Trump, que si le département de la Justice n'avait pas publié les dossiers Epstein plus tôt, c'est seulement parce que le président américain y figurait. Il s'est ensuite excusé pour ce commentaire, qu'il a supprimé de son compte X.
Lundi, cependant, le patron de Tesla n'a pas hésité à remettre le couvert, avec un mème d'un clown se moquant des revirements de l'administration concernant le pédophile déchu.
«Je vais vomir», a renchéri pour sa part Alex Jones, un célèbre podcasteur de droite, dans une vidéo publiée sur X mardi. La vidéo de près de dix minutes s'est transformée en une diatribe contre le «système mondialiste maléfique» que l'administration Trump est censée combattre. «Qu'ils fassent une chose pareille me déchire le cœur», s'insurge encore Alex Jones dans la séquence.
Il n’était pas le seul partisan du président à signifier sa déception. Mike Cernovich, un autre podcasteur populaire comptant 1,4 million d'abonnés, s'est adressé directement au président. «Personne ne croit à l'affaire Epstein, @realDonaldTrump», a-t-il écrit sur X. «Cela fera partie de votre héritage.»
Influenceur MAGA, Chad Prather a également lancé un appel: «Où sont les informations sur Epstein promises au peuple américain?», a-t-il réclamé.
Quant à Laura Loomer, l'influenceuse et complotiste de l'alt-right qui n'a jamais caché son adoration pour Donald Trump, elle a appelé à la démission de Pam Bondi en raison de sa «gestion bâclée de la publication du dossier Epstein».
Une chose est sûre: les adeptes des théories du complot ne vont pas s'arrêter en si bon chemin et sont déjà en train de décortiquer les «nouvelles» données fraîchement publiées par la Maison-Blanche. A commencer par la vidéo diffusée par Pam Bondi et Kash Patel, le directeur du FBI qui a également fini par confirmer la thèse du suicide depuis sa prise de fonction, où il semble manquer une minute - juste avant minuit.
Comme le note le New York Times, l'horloge numérique à l'écran passe en effet de 23h58min 58s à minuit. Les autorités n'ont pas immédiatement fourni d'explication pour ce décalage apparent. Mais il s'agira sans doute d'une nouvelle brèche dans laquelle s'engouffreront sans doute les amateurs avec gourmandise.