Ce qui fut autrefois une trilogie est désormais une saga. Débutée en 1979 avec Mad Max, suivi de Mad Max 2: Le Défi en 1981 et Mad Max: Au-delà du dôme du tonnerre en 1984, la trilogie n'a pas seulement révélé au monde le visage de Mel Gibson, elle a également défini toute l'esthétique post-apocalyptique du cinéma contemporain.
Reprenant les codes du punk, du BDSM et des bikers dans un monde désolé où les clans de cannibales, les sectes et les gangs de pillards s'affrontent dans des déserts sans fin pour l'essence et l'eau, la saga Mad Max s'est surtout illustrée pour ses courses poursuites à base de véhicules modifiés qui crachent des flammes, ses looks de cuire clouté et ses impressionnantes cascades. Mad Max, c'est une saga culte des «eighties» issue de l'esprit du réalisateur australien George Miller et de son associé Byron Kennedy, qui, malheureusement, décéda en 1983 d'un accident d'hélicoptère durant la production du troisième volet.
Un deuil à vivre pour George Miller, qui prendra trois décennies pour mettre en boite un projet écrit depuis longtemps: Mad Max; Fury Road. Un film pourtant très attendu qui prendra son public par surprise.
Le personnage de Max Rockatansky campé autrefois par Mel Gibson se voit remplacé par Tom Hardy et l'intégralité du film prend place dans un camion durant une course-poursuite démentielle de deux heures. Un scénario réduit au plus simple qui permet d'offrir une tension et un rythme rarement égalé dans le paysage hollywoodien, à tel point que le long métrage est aujourd'hui considéré comme un monument auprès des cinéphiles.
La plus grosse surprise de ce Mad Max: Fury Road, fut l'introduction du personnage de Furiosa, incarnée par l'actrice Charlize Theron. Une figure supposée secondaire qui s'est avérée être l'héroïne principale, reléguant le personnage de Max en un second couteau qui ne fera que lui venir en aide, à la manière d'un héros de western. Un choix radical qui n'aura pas du tout plu à toute une frange de masculinistes fragiles, mais qui fera de Furiosa une icône véritablement féministe, un personnage passionnant et surtout la grande réussite du film.
Furiosa: Une saga Mad Max remonte donc aux origines du personnage, apportant toute la profondeur scénaristique qu'il manquait à Fury Road. Le film va ainsi revenir au mythe de cette héroïne, depuis son enfance volée, jusqu'à son ascension sociale, dans un récit de survie et de vengeances étalé sur plusieurs décennies.
C'est sous les traits d'Anya Taylor-Joy (Le jeu de la dame), qui reprend le rôle de Charlize Theron, que prennent vie les origines de Furiosa dans une fresque épique qui fait de Mad Max: Fury Road une conclusion.
En cinq chapitres, nous découvrons ce qui avait été brièvement raconté dans le film précédent. Dans une Australie devenue un vaste désert, la jeune Furiosa vit dans un éden de verdure, au sein d'une utopie matriarcale de laquelle elle sera kidnappée par un gang de bikers.
Ce gang est dirigé par un chef cabotin et sanguinaire nommé Dementus (Chris Hemsworth) dont les velléités expansionnistes vont le mener tout droit en guerre ouverte avec un autre seigneur de guerre: Immortan Joe. La jeune Furiosa, en guise de monnaie d'échange, va se retrouver au service de ce despote durant des années, avec pour seul objectif de se venger de Demetus, responsable de la mort de sa mère.
Un Mad Max sans Max, mais qui propose, comme pour chacun des volets, un film totalement différent. George Miller raconte l'origine de son personnage avec pour note de fond la question de la survie féminine dans un monde dominé par la sauvagerie où les hommes sont utilisés comme chair à canon et les femmes comme esclaves sexuelles, réduites à leur simple pouvoir de reproduction et vêtues de ceinture de chasteté pour s’assurer de la paternité de leur maître.
L'empire d'Immortan Joe que convoite Dementus est composé de trois grands pôles assurant respectivement le ravitaillement en vivre, en essence et en munitions pour chacun d'entre eux. La Citadelle, Petroville et le Moulin à balles sont reliés par une route, la «Fury Road», où les attaques de pillards sont légion. Cette société post-apocalyptique bâtie sur les ruines de l'Ancien Monde utilise les ressources restantes comme instruments de domination.
Le reste de l'humanité n'ayant pas d'utilité pour les seigneurs de guerre, elle n'a pas d'autre choix que de vivre recroquevillé dans des trous, à se nourrir des vers qui rongent les morts. Le film, sans jamais le montrer explicitement, est d'une violence inouïe dont la noirceur est aussi sombre que le pétrole.
Ainsi, d'une enfance en cage jusqu'à devenir une guerrière de la route capable de piloter les camions de ravitaillement en proie à toutes sortes d'attaques, Furiosa va subir, s'endurcir et se bâtir une légende à la hauteur des mythes jusqu'à se hisser au rang d’«Imperator», un poste de chef de guerre auprès du puissant Immortan Joe qui lui permettra de s'en échapper.
Le récit prend ici une dimension mythologique et fait l'inverse de ce qu'accomplissait Fury Road. Le métrage prend le temps de développer son histoire qu'il ponctue de scènes de grand spectacle. Tout comme lui (et Mad Max 2), le film se dote d'une course-poursuite avec un camion ciblé par des pirates de la route. Une séquence, qui, comme au temps de Fury Road, est une leçon de montage, de dynamisme et d'action, et qui, à elle seule, vaut le prix d'un ticket de cinéma.
Si Chris Hemsworth nous avait habitués à jouer les héros, aidé par son rôle iconique de Thor, il incarne ici une partition à contre-emploie qui fait des merveilles. L'acteur australien a retrouvé son accent d'origine pour ce rôle de seigneur de guerre cabotin aussi sympathique que terrifiant. Il incarne ici une sorte de descendant dégénéré de Barbe Rousse avec un doudou en peluche et une prothèse nasale lui donnant de faux airs d'Emmanuel Macron. Une sorte d’empereur romain, tantôt cruel, tantôt bienveillant, qui se prend pour Ben-Hur en pilotant un char dont l'attelage est composé de trois motos.
Dementus, le chef de gang qui a arraché la jeune Furiosa à son paradis vert, la voit comme sa fille adoptive. Leurs personnalités, en totale opposition, créent une dichotomie entre les deux personnages. Alors qu'Anya Taylor-Joy en impose par son charisme mutique, Chris Hemsworth, en roue libre, fait de Dementus un personnage réussi, dont la détestation est fort appréciable.
Furiosa n'est pas Fury Road, et c'est tant mieux, tant il lui apporte toute la consistance qui lui manquait. Cette préquelle s'emboite parfaitement avec son prédécesseur, au point d'en faire un véritable tour de force lorsqu'on les regarde à la suite. Il ne reste désormais plus qu'à prier pour que le virtuose George Miller, 79 ans, puisse concrétiser son hypothétique dernier volet intitulé Mad Max: The Wasteland, toujours dans les cartons, pour conclure cette saga avec maestria.
«Furiosa: Une saga Mad Mad» est sorti sur les écrans romands le 22 mai 2024. Durée: 2h30