Jeff Nichols et son film The Bikeriders (actuellement dans les salles romandes) ont remis au goût du jour la veste en cuir, portée par le club des Vandales (le vrai nom du club était les Outlaws de Chicago), dirigée par Johnny, incarné par Tom Hardy, à la posture presque arc-boutée, une bière le plus clair de son temps à la main, ou les fesses sur sa bécane.
Johnny était une représentation de l'âge d'or et le film s'empare de cette histoire adaptée d'un bouquin de Danny Lyon, interprété par Mike Faist. Le récit retrace le destin d'un groupe de motards, dans les années 60, qui fonde un club de balade.
Derrière l'image du président Johnny, il y a Benny, campé par Austin Butler, taiseux, appelé à reprendre le flambeau du club. On ne le voit jamais sans sa veste en cuir barrée de l'emblème des Vandales dans le dos. On le verra même se battre lorsqu'un club rival tente de lui enlever sa veste cuir. Pour Benny, son blouson est son ADN.
Cette pièce est représentative d'une culture rebelle, d'un habit qui s'est rapidement accolé à la culture des motards. La légende dit que cette pièce, créée par les frères Irving et Jack Schott dans les années 20, s'est retrouvée dans une boutique Harley Davidson de Long Island.
Des sous-sols new-yorkais à la scène pétaradante des cylindrées sur deux roues, la veste en cuir s'est dessiné une réputation de vêtement de rebelle.
Or, avant, il était utilitaire, porté par des policiers pour se protéger des météos capricieuses. Et dans la foulée de ses ventes chez Harley Davidson, l'US Air Force est venu frapper à la porte des frères Schott, pour commander un paquet de Perfecto pour ses pilotes.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’énorme surplus de vestes en cuir d’aviation a été fourni au marché de seconde main à des prix raisonnables, rappelait The Independent.
Une aubaine pour ces motards de s'en procurer et, surtout, de trouver une manière de singer les autorités. C'est en somme une réappropriation.
Au fil du temps, la veste devient un signe d'anticonformisme avec le cinéma, porté par une culture imprégnée de symbole et d'image. Le Perfecto était dorénavant la marque de l’anti-autoritarisme, la griffe d'une attitude sauvage et détournée de la convenance.
Cet élan est appuyé par le cinéma, qui se l'est ensuite attribué avec un film tel que L'Equipée sauvage, avec Marlon Brando dans le rôle-titre - un film qui inspire par ailleurs Johnny dans The Bikeriders pour monter son club. Comme le souligne The Independent, l'impact a été immédiat en 1953, l'année de la sortie du film.
En 1955, c'est au tour de James Dean de se montrer inspiré par le flegme de Brando, en adoptant le look veste en cuir et d'incarner une jeunesse désenchantée des années 50 dans la lignée du succès La fureur de vivre.
Le mouvement prend de l'ampleur. C'est au tour d'Elvis Presley de s'arroger la tendance, lui aussi inspiré par l'aura (dévorante) de Marlon Brando. C'est ensuite Peter Fonda qui s'est également saisi du Perfecto dans Easy Rider, en 1969, et ensuite Grease, en 1978, avec ces deux bandes ennemies (les T-Birds et les Pink Ladies).
De nos jours, la veste en cuir n'a plus vraiment le même impact, la même identité. Le style en cuir s'est démocratisé (dès les années 80), passant dans les ateliers des grands couturiers à une plus vaste frange de la société. Les standards évoluent et la symbolique du blouson en cuir a perdu de son refrain de fripouille.
Le magazine Fortune avait pondu un sujet sur le changement de style, titrant son papier «Comment la veste en cuir est devenue le nouveau Power Blazer». La veste en cuir est désormais arborée par les femmes de pouvoir, analysait TF1.
Le Perfecto deviendra intemporel à force de se glisser dans les penderies. Mais The Bikeriders rappelle la touche subversive de la pièce, son mouvement d'émancipation qu'elle incarnait. The Independent souligne même qu'elle était interdite dans les écoles américaines, considérée comme un signe de criminalité.
Outre son saut dans le passé et dans un âge d'or de la moto révolu, le film de Jeff Nichols est une piqûre de rappel bienvenue qui ravive un pan de l'histoire, nous rappelant que la veste en cuir était le symbole d'une culture underground.