Dans Titanic, quand Jack tente d’empêcher Rose de sauter du paquebot, il lui dit que tomber dans l’eau glacée lui donnerait l'impression «que mille couteaux lui poignarderaient le corps». Eh bien, il a raison. Lors de mon premier bain de glace, il y a quelques semaines, j'ai eu cette sensation. Heureusement, seulement les 45 premières secondes. Après m'être concentrée pour ralentir ma respiration et empêcher mon corps de fuir pour sa survie, je suis restée dans l'eau glacée pendant quatre minutes.
Mais ça, c'est la partie émergée de l'iceberg, ce qu'on montre sur Instagram. Avant de me transformer en glaçon, il y a un travail de respiration tout aussi difficile, mais moins impressionnant en photos. Ses deux pendants constituent la méthode Wim Hof, le gourou du froid, aussi surnommé Ice Man. C'est avec l'un de ses disciples à Dubaï que je me suis lancé ce défi.
La méthode Wim Hof s'est popularisée dans le milieu du sport ces dernières années. On prête aux bains gelés de nombreuses vertus pour notamment la récupération musculaire. Une étude de l'université de Warwick a montré que l'eau glacée pouvait effectivement augmenter la libération d'adrénaline et réduire les niveaux d'inflammation. Il y a eu d'autres études, notamment sur des souris cancéreuses montrant que la maladie se développait plus difficilement dans des environnements froids que chauds. Néanmoins, la méthode manque de données pour être scientifiquement validée.
Personnellement, je m'en fous un peu de tout ça. Je suis davantage dans une démarche méditative. Sans pour autant brûler de la sauge chez moi en écoutant des chants chamaniques sur Spotify, c'est le dépassement de soi et ma quête d'une vie plus sereine qui m'a poussée à entreprendre cette expérience.
Le rendez-vous est pris un lundi dans un centre communautaire de Dubaï. Au milieu d'un jardin, il y a une bâtisse aux airs de sanctuaire. A l'intérieur, de gros meubles en bois comme on peut en voir en Asie et même une cheminée. C'est assez rare dans ce pays pour le relever. On ne se sent pas du tout à Dubaï et je me dis que cette ville est définitivement pleine de surprises. C'est dans ce lieu que je vais faire la respiration guidée avec Bechara, un Libanais, disciple de Wim Hof. Car le gourou du froid a franchisé sa méthode.
Il m'explique le programme: on va faire des cycles en inspirant et en expirant 30 à 40 fois rapidement, puis on va arrêter de respirer pendant plusieurs secondes après la dernière expiration. On reprendra ensuite une grande inspiration et on retiendra à nouveau notre souffle pendant quelques secondes pour enfin repartir pour un cycle. Bref, c'est de la ventilation et c'est extrêmement fatigant.
Au bout d'un moment, on a des fourmis dans les avant-bras. Certaines personnes peuvent même avoir les pieds et les mains qui se crispent comme si elles étaient possédées. Moi, j'ai eu la tête qui a tourné, mal aux avant-bras. Les yeux pourtant fermés, je voyais des formes, comme lors un trip sous LSD. Quand je m'arrêtais de respirer entre deux cycles, je ressentais une immense plénitude. J'étais comme dans du coton. Je me disais:
Mais à la fin de la session qui a tout de même duré 45 minutes, c'est la descente. Je me suis mise à pleurer comme un bébé.
Je ne pourrais pas vraiment expliquer pourquoi j'ai pleuré. Je pense que, chez certaines personnes, c'est une façon de relâcher la pression... Ça et le fait que je suis probablement une fragilos de la vie.
Après cette intense respiration, il est venu le temps, non pas des cathédrales, mais d'aller se geler les fesses dans une mini baignoire dans le jardin. Manque de bol, ce jour-là à Dubaï, il fait très froid: 21 degrés (c'est très froid quand on vit à Dubaï). Avant de m'immerger, je dois me chauffer en fléchissant les jambes et en faisait des mouvements de maître kung-fu.
Avant d'entrer dans l'eau glacée, je dis à Bechara que je suis un peu stressée. Autrement dit, je suis en train de paniquer. Hors de questions d'échouer. J'ai mis trop de larmes dans cette histoire. Bechara me donne un conseil pour relâcher la pression: «imagine que tu laisses tomber une énorme pierre et répète ce geste plusieurs fois». Je m'exécute. Je n'ai jamais lâché autant de cailloux imaginaires de ma vie.
Ça y est, c'est le moment. Bechara m'aide à entrer dans le bassin en me tenant les mains et plouf! Je m'immerge jusqu'au cou. Les premières secondes sont un supplice. Mon cœur s'emballe tellement que j'ai l'impression qu'il va s'arracher de ma cage thoracique. Je sens comme des lames de cutter par milliers me transpercer le corps. Je pense à Jack... Bechara voit que je lutte: «Concentre-toi sur la respiration.» Ah oui! La respiration, je l'avais complètement oubliée celle-là. C'est pour ça qu'on a fait tout ça avant. Mon esprit est bien trop occupé à crier:
Mais Bechara me le répète d'une voix calme: «Inspire et expire doucement.» Je ferme les yeux, je me concentre et c'est vrai que ça passe. Après 45 secondes de souffrance intense, je me calme progressivement, ma respiration est moins saccadée. Et tout à coup, c'est le calme plat. Je ne sens plus mes pieds ni mes mains car le sang est désormais vers les organes vitaux, mais je me sens bien, apaisée. Je vais rester un peu plus de 4 minutes dans l'eau. Ce n'est pas un concours. Le but n'est pas de performer, mais d'avoir une régularité dans la pratique.
Jusqu'à aujourd'hui, j'ai fait trois bains glacés. Chaque lundi matin, c'est mon nouveau rituel et à chaque fois, le corps se rappelle et les milliards de coups de cutter se transforment petit à petit en millions. La journée prend aussi une tout autre tournure. J'ai l'impression d'être high, probablement le rush d'endorphines. Je me sens forte et rien ne me fait peur, pas même les embouteillages de Dubaï et encore moins les codes promo de Maeva Ghennam sur Instagram.