Quand mon mari m’a dit: «Déménageons à Dubaï» je me suis dit que c’était la pire idée du monde. Pas pour nous, mais pour notre chien Sanka, un ridgeback de 3 ans.
D’abord, il faudrait le faire voyager en soute dans l’avion (6 heures de vol si tout va bien) et puis les Emirats, c’est pas ce qu’on appelle un pays dog friendly. C'est même le pays des chats, il y en a plein dans les rues. Mais après avoir entendu les arguments non négligeables de mon mari du genre:
...J’ai finalement craqué.
Pour transporter Sanka, il n’y avait pas beaucoup d’options. C’était soit la route, soit la soute, soit un jet privé. On a envisagé la route, juste pour rire, même si ça nous aurait pris 20 jours. Le vrai problème, ce n’était pas la longueur du trajet, mais le trajet lui-même. Il aurait fallu traverser la Syrie, la Jordanie ou l’Irak, des pays dans lesquels on n'a pas forcément envie de rouler avec un chien et un enfant en bas âge.
Quant au jet, on a aussi regardé juste pour rire. Il existe une compagnie aérienne américaine qui s’appelle K9 et qui propose des vols pour les chiens et leur maître entre Londres et Dubaï, mais aussi entre Los Angeles et New York ou encore entre New York et Lisbonne et d'après le site, ils sont régulièrement complets. Sur son compte Instagram, la compagnie poste des photos et vidéos de ces avions privés remplis de chiens de toutes races. Ce service coûte environ 9000 francs (un billet pour vous et votre chien). Peu de gens peuvent se l’offrir, mais comparé à la location d’un jet normal, c’est bon marché. Un aller simple pour Dubaï coûte pas moins de 50 000 francs.
Bref, Sanka allait devoir voyager en soute comme une vulgaire valise, même si là encore, il fallait être prêt à mettre le prix. A notre grande surprise, le devis s’élevait à 5000 francs. Oui, le prix d’un billet en business class, mais pour voyager dans une cage, dans le noir, tout seul. C’est notamment la place et le permis d’importation qui fait exploser la facture. La cage elle-même coûte 500 francs.
On a voyagé avec Swiss qui mandate une société spécialisée dans le transport d’animaux de compagnie appelée Pet Mover. On avait à peine avalé la grosse pilule des 5000 francs qu’on apprenait qu’au départ de Genève avec Emirates, le chien devait rester cinq heures dans sa cage avant le décollage alors qu’au départ de Zurich avec Swiss, seulement deux heures. Emirates, compagnie des Emirats arabes unis, est comme son pays, pas très dog friendly. D'ailleurs, aucun chien n'est autorisé dans la cabine, même pas un chihuahua. Le seul animal qui peut voyager en tant que passager, c'est le faucon, emblème national. On a donc booké nos billets Zurich-Dubaï.
Un mois avant le départ, on a habitué le chien à sa cage pour qu’il s’y sente en sécurité. Il a suffi d’y mettre quelques croquettes. Je lui donnais également des récompenses en tapant sur la cage pour qu’il s’habitue au bruit au cas où il serait chahuté pendant le voyage. Au début, il ne faisait que s’y coucher puis il a commencé à y faire des siestes et finalement à y dormir. J'étais assez confiante à ce moment-là.
Le jour du voyage, sa cage, c’était sa deuxième maison. Elle était si grande qu’on pouvait pratiquement dormir avec lui dedans. D’ailleurs, pour la transporter à Zurich, on a dû louer un van et prendre une chambre dans un hôtel à l’aéroport. Oui, c’était toute une logistique et on n’était pas encore parti.
Le jour du départ, vers 6 heures du matin, je suis allée courir avec Sanka autour de l’aéroport, le parcours le plus ghetto de ma vie. Début du mois de février, il faisait nuit et on se gelait les couilles (enfin, surtout celles de Sanka). A ce moment-là, je me suis dit:
J’ai vraiment tout fait pour épuiser mon chien avant le départ. La semaine précédant le vol, lui et moi, on a couru environ 50 kilomètres. Il était prêt pour une sieste de 10 heures.
Après ce footing atroce dans le noir et le froid, on est allé au secteur du fret où on a laissé Sanka entre les mains d’une employée de Pet Mover. Il ne fallait pas lui dire au revoir et il fallait faire comme si tout ceci était normal pour ne pas le stresser. On ne l’a pas drogué, ça a été vivement déconseillé par l’entreprise de transport et notre vétérinaire. D’abord parce qu’on ne sait pas comment l’animal va réagir, mais aussi parce qu’il risque de se réveiller en plein vol et ne pas comprendre où il est.
En nous éloignant direction l’aéroport, j’ai pleuré.
Je culpabilisais un peu et je me suis demandé si tout ceci était vraiment une bonne idée.
A partir de ce moment-là, on allait nous tenir au courant par WhatsApp. On nous a envoyé des photos de Sanka dans sa cage juste avant qu’il embarque. Il n’avait pas l’air malheureux, mais pas heureux non plus… égal à lui-même. Dans l’avion, contrairement à Sanka, je me suis un peu droguée: alcool et relaxant, histoire de reposer ma tête qui imaginait mon chien dans le noir, tout seul et terrorisé. Résultat, j’ai pioncé comme un tronc.
Mais au décollage et à l'atterrissage, les bruits que faisait l’avion me semblaient décuplés, car j’imaginais mon chien entendre également ces bruits et se demander ce qu’il se passait. Je l’imaginais avoir mal aux oreilles, je l’imaginais bader quand l’avion se retrouverait en l’air ou au contraire se poserait. Si j’avais pu, j’aurais voyagé en soute avec lui. J’ai lu tellement d’histoires traumatisantes sur internet de chiens prenant l'avion. Mais au fond, on ne saura jamais comment les animaux expérimentent ces transports. Qui sait, peut-être qu’ils ont juste l’impression d’être dans une grosse voiture. En tout cas, c’est ce que j’ai essayé de me dire durant les 6 heures de vol.
A l’arrivée à Dubaï, vers 22 heures, on est allé directement chez nous, car Sanka devait rester quelques heures à l’aéroport. Comme pour toute marchandise qui doit passer la douane, il faut être patient. En plus, ça aurait été très compliqué de le récupérer à l’aéroport. Les chiens y sont interdits et aucun taxi ne nous aurait pris. Uber Pet, ça n'existe pas là-bas. C’est pour cette raison que parmi ses services, l’entreprise Pet Mover propose d’amener l’animal de compagnie à domicile.
Alors qu’on regardait l’Île de la Tentation pour tuer le temps, on a reçu un message de Pet Mover: «Les documents ont été vérifiés et acceptés, on arrive.» Ouf! On y était presque. Fatigués, stressés et à la fois excités, on ne tenait plus en place. Puis tout à coup, on a reçu un autre WhatsApp:
Déjà! C’était allé vite. On est descendu dans le hall d’entrée, heureux de retrouver Sanka. Comment allait-il? Comment s’était-il comporté? On se posait les mêmes questions que la présentatrice de l’Île de la tentation posait aux couples.
Une fois devant notre immeuble, on a vu Sanka avec un mec ultra musclé qui le tenait fermement. Il s'agissait d'un employé de l'entreprise de relocation d'animaux à Dubaï. Il faut de la force pour tenir les 40 kilos de muscles d'un ridgeback. On voyait que Sanka s’étranglait avec sa laisse pour renifler ce qui semblait être un vieux mouchoir dégueulasse. C’était bien notre chien.
Le mec bodybuildé marchait tant bien que mal en retenant Sanka, les talons dans le sol pour éviter de le lâcher. Il nous a sauté dessus, nous a léchés (le chien, pas le mec donc) on ne l’avait jamais vu aussi expressif. Il était content, mais fallait pas non plus exagérer. Il ne tremblait pas, ne pleurait pas et, très vite, il nous a fait comprendre qu'il voulait faire un tour de son nouveau quartier.
Sanka était enfin à Dubaï. C’était presque irréel de marcher avec lui dans notre quartier et de voir le Burj Khalifa derrière nous. Une nouvelle aventure nous attendait. On le savait, ce serait challenge, parce que peu d’endroits à Dubaï acceptent les chiens, mais on n’en était pas là. Pour le moment, on appréciait le moment avec notre chien qui s’apprêtait à poser sa première crotte sur le trottoir parfaitement propre de Dubaï.