Pour cette 15ᵉ saison de Top Chef, M6 a choisi celui qui a déjà ses habitudes puisqu'il était régulièrement invité à mettre au défi les candidats et à les juger. Pierre Gagnaire est cette année le coach de la Brigade Cachée, émission programmée en deuxième partie de soirée. L'an passé, c'était la cheffe Hélène Darroze qui avait le rôle de faire réintégrer un candidat en quart de finale.
Une «entité», un «monstre de la cuisine française» une «légende», voilà comment les candidats de Top Chef qualifient Pierre Gagnaire et on comprend pourquoi: le Français de 74 ans fait partie de ces rares chefs, comme Alain Ducasse et Joël Robuchon, à collectionner les étoiles et les restaurants dans le monde: 13 macarons et 35 établissements, de Paris à Tokyo en passant par Séoul et Londres.
A Dubaï, Pierre Gagnaire y est installé depuis plus de quinze ans. Mais son restaurant nommé Reflets, d'abord très classique et guindé, a fait peau neuve en 2018 pour suivre la tendance de la gastronomie de cette ville qui aime l'excentricité, le bling. A Dubaï, les gens veulent des endroits tendance, manger des plats de grande qualité avec des produits nobles sans forcément une nappe blanche et des verres en cristal, le tout avec un service irréprochable. C'est un peu ce qu'a essayé de faire Pierre Gagnaire, mais il y a quelques fausses notes.
Déjà, son restaurant nommé Pierre TT n'a pas un emplacement très enviable. Il se situe à l'hôtel InterContinal à Festival City, un quartier loin du centre-ville où il ne se passe pas grand-chose. Mais il peut se targuer d'être au bord de l'eau, ce qui est agréable pour profiter de la terrasse.
L'endroit est immense et ça se voit: quand j'y suis allée mi-mai, c'était à moitié vide. Il faut avouer que ce n'est pas la meilleure période pour juger de la popularité d'un établissement à Dubaï. A partir du début du mois de mai, une grande partie des expatriés sont de retour en Europe pour les vacances d'été.
Avec si peu de clients, on a toute l'oisiveté d'observer la décoration, un peu déconcertante: des fauteuils en velours façon boudoir, des flamants roses, du rose sous toutes ses déclinaisons et des plumes. On a davantage l'impression d'être dans le repère d'une influenceuse girly que dans un restaurant chic. Il y avait même une fausse cheminée et un plafond de plantes en plastique. On se demande à quelle sauce on va être mangé.
Par contre, ce qui est sympa quand on entre dans le restaurant, c'est qu'on passe devant une fenêtre où l'on voit le chef français Mathieu Balbino et sa brigade aux fourneaux. Ce n'est évidemment pas Pierre Gagnaire qui dirige les lieux, même si le maître d'hôtel me confirme qu'il vient chaque année au mois de novembre.
D'abord, comme tout restaurant français qui se respecte: du pain. Des mini-baguettes tièdes, croustillantes et délicieuses. A Dubaï, les restaurants ne posent pas systématiquement une corbeille de pain sur la table, ce n'est pas dans la culture. Alors quand il y en a, c'est souvent du très bon, et en plus avec du beurre demi-sel - Pierre Gagnaire sait comment nous caresser dans le sens du poil.
La carte est aussi vaste que le restaurant: on a à la fois des pâtes, des pizzas, du poisson, de la viande, mais aussi des cuisses de grenouille, des escargots, du ris de veau, des burgers et des plats crus japonisants. Je me suis sentie comme dans un supermarché français, au rayon yogourts: trop de choix tue le choix. Selon le maître d'hôtel, Pierre Gagnaire a voulu réunir dans ce restaurant toutes les inspirations de ses autres établissements à travers le monde. Il y avait même un consommé en gelée qui rappelle l'une des épreuves qu'il a imposées aux candidats de la Brigade cachée cette année: l'aspic.
Je n'ai pas osé commander ce plat. Tout ce qui est en gelée m'effraie, surtout quand il fait 27 degrés le soir. J'ai préféré prendre quelque chose de frais comme la mousseline de betterave blanche. Elle était accompagnée d'un sorbet de betteraves rouges fumées, de fines aiguillettes de canard gras et de groseilles cristallisées. Pour le plat, j'ai pris les spaghetti à la poutargue, citron et homard bleu de Bretagne.
Dans l'ensemble, tout était très bon, même si les pâtes étaient trop citronnées à mon goût. Je regrette peut-être le manque de surprises. Le dessert, une tarte aux pommes, était également délicieux, mais très classique. Après, comme on dit dans Top Chef, «c'est un parti pris» et peut-être que la clientèle trouve ça exotique de manger du foie gras à Dubaï.
Pierre Gagnaire, c'est le patrimoine de la gastronomie française, il n'est pas venu ici pour jeter du sel sur des côtes de bœuf en or ou mettre de l'azote à toutes les sauces, et cet établissement ne prétend pas avoir trois étoiles. Mais la concurrence est rude. De très bons restaurants, il y en a à la pelle.
En partant, on reçoit un petit cadeau: deux pains au lait pour le petit-déjeuner et des macarons. Une délicate attention typique des restaurants gastronomiques.
Bah ça coute très cher, comme beaucoup de restaurants à Dubaï. Surtout s'ils se trouvent dans des hôtels cinq étoiles. C'est le cas de Pierre TT qui se situe à l'InterContinal. Pour deux: trois entrées, deux plats (parmi les plus chers de la carte, il faut le relever) deux desserts, de l'eau et deux verres de vin: 1540 dirhams (environ 510 francs).
Est-ce que ça les vaut? Difficile à dire quand on sait que comme toujours aux Emirats, l'alcool plombe la facture et que le homard de Bretagne n'a pas aidé à calmer la douloureuse. Une des raisons qui ne me donne pas envie de revenir: la musique. Forte, même sur la terrasse, et que des chansons françaises (parce que c'est un resto français, je vous l'ai dit?). Une des raisons qui me donne envie de revenir: goûter d'autres plats comme le burger et qui sait, rencontrer celui à qui les candidats de Top Chef vouent un culte.