Les fadas de true crime se sont frottés les mains en voyant apparaître sur la page d'accueil de leur compte Netflix le film Une Femme en jeu. Sauf que le métrage, première expérience derrière la caméra de l'actrice Anna Kendrick, est une immersion plus subtile qu'il n'y paraît.
Inspiré d'une histoire vraie des années 70, le récit déploie son arc narratif autour de Cheryl (Anna Kendrick), cette aspirante actrice qui rencontre par malchance un tueur en série qui répond au nom de Rodney Alcala (Daniel Zovatto). La rencontre se fait en direct à l’antenne du Dating Show, une émission qui a inspiré Tournez manège.
Loin des tropes lourds qui gangrènent les film taxés de true crime, Anna Kendrick s'en sort avec les honneurs. Voire mieux. Derrière sa caméra, elle isole une époque qui encapsule les caractères masculins des années 70, une tendance à extirper les dérapages d'une ère révolue.
Du présentateur télé sans gêne au voisin forceur, le pompon revient à ce Rodney Alcala, tueur en série aux huit cas avérés, mais 130 meurtres seraient de sa patte.
C'est lui qui remporte la palme, aisément. Futé et malfaisant, Rodney donne des frissons, bien plus que la brochette de mâles qui défilent dans Une femme en jeu; du plus sinistre au plus limité, l'image des hommes est écornée - le titre du film appelle à cette réflexion acide concernant la gent masculine.
Cheryl, dans un souffle vengeur, oppose même une résistance farouche au présentateur (Tony Hale) du jeu télévisé, lui qui lui intime de jouer la potiche et d'être indulgente avec les hommes ignorants qu'elle interroge - une balle perdue pour les baratineurs.
Le film s'enfonce dans une étude anthropologique qui prend en considération les états d'âme des hommes qui croisent son chemin.
L'actrice américaine et son scénariste Ian MacAllister McDonald pulsent cette sensation prégnante que chacun des personnages masculins rencontrés ressentent le besoin d'être consolés. Pour illustrer le propos, Cherly préfère céder aux multiples avances de son voisin collant (Pete Holmes) pour enfin s'en débarrasser après une sortie dans un bar.
Une Femme en jeu se bonifie spécialement avec les séquences de meurtre, qui sont dignes d'un élan de David Fincher, avec des accents de Zodiac. Elles sont d'autant plus dérangeantes, car le traitement voulu par Kendrick est sobre, laissant le masque de Rodney doucement tomber et dessinant l'image d'un psychopathe aux habitudes violentes. La caméra tourne encore et encore, appuyant jusqu'au moment où les victimes prennent conscience qu'elles sont prises au piège. Sur le plateau, par exemple, l'étreinte en devient perverse pour la jeune actrice.
La tension est à son comble lorsque Cheryl découvre son prétendant, après que Rodney a répondu judicieusement aux questions de la brune. Le mur du Dating show s'efface et les tourments commencent pour Cheryl. Pour exercer ce malaise graduel, la performance de Daniel Zovatto participe pour beaucoup, excellent, troublant dans la peau du tueur en série.
Dans sa forme la plus pure, le film est percutant, il flirte avec des accents de comédie noire parfois, grâce à une mise en scène étonnante de précision, malgré une fin un poil abrupte et torchée dans l'urgence. Cela reste un bon premier film signé Anna Kendrick qui évite les poncifs du film true crime bas du front.
«Une femme en jeu» est disponible sur Netflix